Ndèye Anna Ndiaye, 41 ans, directrice d’Africa GreenTec Sénégal, opératrice d’énergie solaire, a la tête tournée exclusivement sur le développement rural à travers son électrification. Une solution pour son épanouissement économique et social.

Elle s’appelle Ndèye Anna Ndiaye… Dans le monde de l’énergie, son nom a un écho singulier. Dans un secteur aussi «testostéroné», la présence d’une dame à la tête d’une société qui opère dans le secteur solaire est une formidable histoire. Elle est à la fois belle et unique. C’est un récit d’un engagement personnel en faveur de l’épanouissement des populations du monde rural.

A 41 ans, Ndèye Anna Ndiaye dirige Africa GreenTec Sénégal. Sous sa direction, elle a construit son premier pilote à Ndiob, avec un cluster de trois villages situés dans la région de Fatick. C’est une unité de production mobile containerisée, qui a permis à ce village d’être éclairé et aussi aux populations d’avoir des revenus supplémentaires grâce à cette énergie verte. C’est l’Impact site. «Grâce à ce projet, nous avons introduit sur le marché des services visant à renforcer l’autonomie des populations des zones rurales. La prochaine étape pour nous : la réalisation de plus de projets d’énergie solaire dans les prochaines années afin d’autonomiser des milliers de personnes et de lutter contre le changement climatique», dit Mme Ndèye Ndiaye.

On peut la croire. Elle revient d’un voyage à Médina Yoro Foulah, localité nichée dans la région de Kédougou. Comme à Ndiob, ce projet d’électrification rurale touche 52 villages du pays éparpillés dans plusieurs régions. «Africa GreenTec donne aux gens les moyens d’être plus autonomes et de se développer grâce à des solutions énergétiques durables. Grâce à l’Impact site, l’entreprise sociale allemande fournit de l’énergie propre et des services importants à des endroits où la population n’a pas accès à l’électricité», poursuit-elle. Ces unités de production offrent des avantages économiques et sociaux aux populations locales. «On va booster le fort potentiel de ces zones et les activités économiques de ces populations. A Ndiob, on a installé une pompe solaire pour faire du maraîchage. L’impact est énorme : ce qui leur permet d’avoir une source de revenus», assure Ndèye Anna Ndiaye.

Impact site
Il faut savoir qu’Africa GreenTec Sénégal est une filiale allemande. Elle est présente dans 9 pays en Afrique dont l’Ethiopie, le Niger, Madagascar, le Tchad, le Mali et la Zambie. Le Sénégal est le dernier pays à être connecté à la société. Comment avez-vous fait ? «Il ne voulait pas venir au Sénégal. Il y a eu un contact qui m’a présenté le Ceo, qui n’était pas intéressé pendant trois mois. Il m’a dit un jour : «Comme tu insistes, je serai à Bamako.» J’ai un pris un billet pour me rendre à Bamako pour le convaincre. Il m’a pas posé des questions : «Pourquoi le Sénégal et qu’allez-vous nous apporter.» J’ai déjà commencé à faire ce que vous faites dans mon pays. On va mettre en place une centrale solaire containérisée au niveau du Dac de Séfa pour pilote, même si, plus tard, le projet est tombé à l’eau… Il dit qu’il ne pensait pas qu’une jeune femme irait jusqu’à acheter son billet d’avion pour venir. Je l’ai convaincue», se souvient Mme Ndiaye.

La chance sourit aux audacieux. N’est-ce pas ? «J’ai dit au Ceo que vous allez commencer votre pilote parce que je n’ai pas d’argent. J’ai eu assez d’expériences avec d’autres partenaires. On est partis à Djoliba et dans d’autres villages maliens pour voir comment leur vie a évolué, sans l’électricité et avec l’électricité. On a créé la filiale au Sénégal et j’ai pris ma part de cofondatrice. Je ne suis pas là pour ouvrir des portes», rappelle-t-elle.

Solutions innovantes
C’était en 2019. Elle ouvre les portes mal éclairées par la présence féminine. «A l’Aser, tout le monde m’a accueillie parce que je suis la seule opératrice dans le secteur des énergies renouvelables. Il y en avait une qui s’est retirée», révèle Ndèye Ndiaye. Africa GreenTec signe une convention avec l’Agence sénégalaise d’électrification rurale pour électrifier 52 villages en proposant une «solution innovante». «On leur a proposé 3 pilotes qu’on va étudier ensemble et comparer aux autres. Nous apportons dans la distribution une centrale containérisée mobile de 50 kw qui dessert un rayon de 4 km. Avec des compteurs intelligents sur fonds propres. Nous demandons un accompagnement institutionnel de l’Etat et la validation de nos études», expose-t-elle.

Si Ndiob a été le village expérimental, l’idée est de dupliquer cette ingénierie dans tous les sites. «Si les populations ont besoin de regarder la télé, de charger la télé, pour étudier, nous disons que le courant est un moteur de développement économique. Il faut montrer aux populations comment l’utiliser à des fins économiques parce qu’elles ont un fort potentiel qui doit être boosté. Elles ont besoin d’être formées», poursuit Anna Ndiaye. Il y a des solutions connexes qui apportent des revenus aux habitants.

«Nous regardons la principale activité des populations pour leur apporter des solutions connexes. A Ndiob, on a constaté qu’il y avait du maraîchage. Nous avons mis en place des chambres froides containérisés pour qu’elles puissent stocker leurs productions, vendre de l’eau fraiche. C’est un business-modèle, avec une coopérative de femmes qui le gère, que nous voulons mettre en place partout», explique-t-elle.

Africa GreenTec pense à ces emplois verts. Elle a érigé une pompe de potabilisation et de dessalement de l’eau, installé 100 pompes solaires financées après un cofronding de 7000 euros pour remplacer celles qui fonctionnaient au diesel. «Surtout avec des facilitations d’accès sur 3 ans. L’énergie solaire est assez coûteuse. Une façon de contribuer à la protection de l’environnement avec la création des emplois verts tout en facilitant l’accès de l’eau. Nous permettons une autonomisation avec des produits viables. Nous demandons à l’Etat une licence d’opératrice pour dupliquer ce modèle dans les autres 52 villages. Nous sommes dans deux villages de Kaffrine», annonce Mme Ndiaye.
Aujourd’hui, le mix devient une politique énergétique. Mais, il y a des contraintes qui pèsent sur le secteur à la veille de l’exploitation des ressources fossiles. «Il faut sensibiliser parce que tout le monde n’est pas conscient de l’impact des changements climatiques. Les agriculteurs peuvent vous dire ce qui a changé. Nous faisons notre part, mais ce n’est pas suffisant. On a le soleil et tout le monde peut en profiter. On peut aller au-delà des 30%. J’ai espoir qu’avec le nouveau pouvoir, on va accélérer cela», espère-t-elle. Elle se projette sur des projets mix dans certaines structures. «Au niveau du Lycée Jacques Prévert de Saly, ils sont à 80%. Il y a un pilote pour un 100%, une usine de fabrication de briques à Sindia. Pour les Pme-Pmi, il y a vraiment à faire. C’est un lourd investissement», assure-t-elle. Tout en annonçant éventuellement une usine d’assemblage de produits solaires. «Vous voyez, je suis focus sur le monde rural, mais je ne serai pas contre de développer un projet pour le monde urbain», relativise Mme Ndiaye.

Ndèye Anna Ndiaye naît à Khombole en 1983. Fille d’un papa énarque, elle est trimballée un peu partout au Sénégal au gré des affectations du pater.
Enfant, elle a parcouru plus de 100 villages du Sénégal en raison du travail de ses parents. Elle fait son cycle scolaire entre Richard-Toll, Ziguinchor, Dagana et Khombole.

C’est à Khombole qu’elle obtint son Bac en 2002. «J’ai donc beaucoup appris sur la façon de vivre dans les zones rurales du pays», dit-elle. Après un an au Département espagnol de la Faculté des lettres et sciences humaines de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad), elle s’est inscrite à l’Iam où elle obtint un Master 2 en Business administration, option Finance-banque, après une Licence professionnelle en Business administration (Bba). «Et je me suis engagée à rester au Sénégal, étudier et réussir au Sénégal», dit-elle. Après un stage dans une société immobilière, la chance lui a souri. «J’ai commencé à travailler après ma deuxième année. J’étais stagiaire aux Almadies. Le fondateur devait partir et il n’y a que la stagiaire. Il m’a dit: «Est-ce que tu peux gérer ça ?» Alors qu’on avait un chantier de deux milliards. J’ai dit bien sûr. J’ai pris le risque. J’étais seule. Je devais gérer un chantier de haut standing de 2 milliards F. J’ai fait sortir tous les documents des tiroirs pour faire le travail avec les architectes et les ouvriers. Après un mois, il est revenu avec son équipe. Il a dit : «J’y crois pas !»», se souvient-elle.

Depuis 2006, elle tente d’entreprendre. C’est une touche-à-tout. «J’ai été dans l’immobilier. J’ai vendu de la friperie. J’ai connu des échecs et j’en ai appris beaucoup. J’ai appris avec l’expérience», retrace-t-elle. Bien sûr, il y a une parenthèse de 9 ans à la Caisse de sécurité sociale dont le Pca était Racine Sy. «Après cette expérience, j’ai dit que je ne vais plus travailler pour personne», jure-t-elle.

Le projet écrit en 2016 «Lumière pour l’émergence dans ma commune» était toujours dans la tête.

Elle voyage en Allemagne, Autriche, en Slovénie pour faire aboutir l’idée. «Le protocole, c’était un kiosque solaire créé avec un partenaire que je représentais au Sénégal. J’ai été approchée par des investisseurs autrichiens qui voulaient investir au Sénégal», se rappelle Ndèye Anna. Elle garde encore la même direction : «Apporter une plus-value à la communauté. Je dis chaque fois à mes partenaires que nous avons déjà l’apport : nos sources qui sont brutes et ont besoin d’être exploitées pour devenir des produits finis. Je dis que j’ai l’apport : pays stable, nos ressources naturelles et notre position géographique stratégique.» Evidemment, la force du Sénégal.
Par Bocar SAKHO-bsakho@lequotidien.sn