Nouveau maire de Thiès, Dr Babacar Diop a renversé la montagne Idrissa Seck pour se poser comme le porte-étendard d’un Thiès «digne». Cette consécration est l’apothéose d’un parcours durant lequel le leader des Fds s’est armé de convictions pour surmonter l’obstacle des tentations. Le Quotidien dresse le portrait de cet enseignant-chercheur en philosophie à l’Ucad réputé «sérieux» mais aussi «trop sûr de lui».Par Ndèye Fatou NIANG et  Babacar Guèye DIOP

– Thiès a une drôle de manière de surprendre. Le 1er novembre 2020, Idrissa Seck, à la surprise générale, prend de court tout le monde et acte son alliance avec Macky Sall par une nomination à la présidence du Conseil économique, social et environnemental. 23 janvier 2022, c’est un tsunami politique qui secoue la Cité du Rail avec la fin de l’hégémonie de Idrissa Seck provoquée par l’élection de Babacar Diop, candidat de la coalition Yewwi askan wi. Son prochain édile est réputé un exemple de sérieux, de constance et de droiture. Dr Babacar Diop est cité par ses proches aujourd’hui comme une denrée rare en politique où la versatilité est devenue un dogme. Au Lycée Malick Sy de Thiès, l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, au Parti socialiste, Babacar Diop, leader du parti Forces démocratiques du Sénégal (Fds), s’est toujours armé de convictions et de principes.
Il devient le premier magistrat de cette ville qu’il a tant chérie, aimée et chantée. Sa mandature nous dira si le mariage entre lui et Thiès est parti pour durer dans le temps. A 39 ans, Dr Babacar Diop est élu 8e maire de la Ville de Thiès. Babacar Diop s’est sevré de privilèges pour se bâtir une réputation d’incorruptible, d’après ses amis. «Babacar est un pur produit du mouvement élève et étudiant. Il a été président du Foyer socio-éducatif du Lycée Malick Sy de Thiès dans un contexte très difficile. On lui a à plusieurs reprises octroyé une bourse pour qu’il quitte le Sénégal afin de poursuivre ses études à l’étranger. Il a toujours refusé», témoigne Serigne Assane Kane.

Dirigeant de grève
Diop a grandi dans le quartier de Sam Pathé. Dans ce milieu populaire, il est inscrit à l’école franco-arabe Bilal de Thiès. Babacar Diop y obtient un Certificat en arabe et en français, plus l’Entrée en sixième. Sa trajectoire le mène au Collège Djibril Thiaw de Thiès qui se trouve à proximité du marché de Grand Thiès. Il y obtient son Bfem en 1997 pour s’ouvrir les portes du Lycée Malick Sy. «Mon engagement a commencé au collège mais c’est au Lycée Malick Sy que je me suis bien impliqué en assumant des responsabilités réelles dans le mouvement élève», retrace Babacar Diop qui s’est confié au Quotidien.
Dur à cuir, syndicaliste tenace, il se signale dans l’établissement comme un leader intraitable pour conduire la grève. «J’ai dirigé une très longue grève avec comme principale revendication, la construction du second lycée à Thiès», raconte Babacar Diop. Finalement, le second établissement, dénommé Lycée Ahmadou Ndack Seck, verra le jour.
«Incorruptible», homme sans compromission, son engagement pour la cause des élèves provoque son agression le 12 février 2000 par des individus non identifiés en pleine campagne électorale. Détermination intacte, Babacar Diop et ses camarades décident de perturber la venue du Président Abdou Diouf à Thiès le 24 février 2000. Beaucoup d’autorités interviennent pour l’annulation de l’Assemblée générale des élèves du Lycée Malick Sy. L’établissement fermé et quadrillé par des éléments de la police, les élèves décident de tenir leur réunion devant les locaux Sud Fm Thiès sous les lacrymogènes de la police.

Disciple de Mamadou Dia, Sémou Pathé Guèye et Abraham Lincoln
Babacar Diop est décrit comme un exemple de persévérance. C’est parce que l’actuel enseignant-chercheur au département de Philosophie à des références. Ils s’appellent Mamadou Dia, ancien président du Conseil, Abraham Lincoln, ancien président des Etats-Unis et le philosophe, Sémou Pathé Guèye, décédé en 2009 et qui l’a couvé à la Faculté des lettres et sciences humaines. Amoureux de lecture, il a découvert Mamadou Dia dans un numéro du journal Sud Quotidien en 1998. Babacar Diop s’est alors mis à lire les ouvrages du premier Premier ministre du Sénégal indépendant. «Il a beaucoup lu. Chaque fois qu’on s’intéressait à des activités sportives, il restait dans la chambre pour lire. Il a lu tous les ouvrages de Mamadou Dia, Senghor et Cheikh Anta Diop», souligne Serigne Assane Kane.
Pr Malick Diagne, chef du département Philosophie à l’Ucad, a été séduit par le sérieux de Babacar Diop. «Il passe tout son temps à acheter des ouvrages et à lire. Il a deux passions : la politique et la lecture. C’est quelqu’un qui ne fait rien sans l’avoir instruit. C’est un homme très réfléchi. Il est très déterminé dans ses positions et convictions. Il ne pose pas d’acte par hasard», ajoute Pr Diagne qui milite également dans le parti dirigé par Babacar Diop. Dès sa venue à l’université, Babacar Diop a cherché à rencontrer son idole, Mamadou Dia, qui réside à la Zone B. «A force d’y aller, je faisais partie de ses hommes confiance. J’étais à un moment donné son secrétaire. Je lui lisais ses livres et il me dictait ses lettres parce qu’il ne voyait plus», se souvient Babacar Diop, d’une voix poétique quand il parle du président Dia.
Sur le plan politique, son choix s’est porté sur le Parti socialiste, une formation politique de l’opposition en 2005 quand le Président Wade était au pouvoir. A la tête de la Jeunesse pour la démocratie et le socialisme (Jds), créée sous les conseils de Sémou Pathé Guèye, un mouvement affilié au Ps, Babacar Diop tente de donner un nouveau souffle à l’ancien parti unique essoufflé par la transhumance. «On s’est côtoyés pendant des années au Ps en tant que tous les deux poulains de notre défunt Secrétaire général, Ousmane Tanor Dieng. Pour beaucoup d’observateurs, Babacar Diop est l’un des jeunes intellectuels les plus brillants de sa génération. C’est un acteur politique honnête et sincère, surtout dans la gestion des affaires et des derniers publics. C’est un acteur politique qui tient beaucoup au respect de la parole donnée mais surtout qui a le courage de ses idées», observe Abdoulaye Gallo Dia, membre du Bureau politique du Ps.
Sur la gestion des affaires publiques, Serigne Assane Kane rappelle qu’il leur arrivait d’avoir des problèmes de tickets de restaurant à l’Ucad alors que Babacar Diop dirigeait l’Amicale des étudiants de la Flsh. «Jamais il n’a pris un franc des caisses de l’Amicale pour des objectifs personnels alors qu’il gérait des millions», jure-t-il. Né le 17 août 1982, Babacar Diop a passé son enfance entre Cité Lamy, Hersent et Sam Pathé. Très rigoureux dans l’éducation de ses enfants, le père, Cheikh Mbacké Diop, instituteur de formation, instaure des restrictions à sa progéniture avec l’aide de la mère de la famille, Fatou Bane. Le jeune Babacar passe ainsi son enfance entre l’école, la daara et les champs.

Surnommé Laye Diaw
Passionné de football aussi, il n’aura pas le temps de le jouer. Mais Babacar Diop s’informe sur l’actualité du ballon rond. Au collège, ses camarades lui collent le nom de Laye Diaw. Pr Abdoulaye Elimane Kane lui, a fait la rencontre de Babacar Diop au département de Philosophie et au Ps. «Dans les deux expériences, son sérieux, son courage et sa courtoisie apparaissent à ceux qui l’observent comme marques incontestables de sa personnalité. L’image qu’il donne est celle d’un homme sincère dans son engagement pour l’évènement d’une société plus juste, plus prospère et plus solidaire», remarque M. Kane. Ses caractéristiques, Idrissa Seck les connaissaient avant de rallier le camp présidentiel.
Babacar Diop qui avait soutenu la candidature de l’ancien maire de Thiès à la Présidentielle de 2019, oppose un niet à Idy qui lui proposait un poste dans le gouvernement. «Quand il a décliné l’offre de Idrissa Seck, Babacar m’a rappelé pour me donner la nouvelle. Il a dit à Idy : «Je suis un opposant radical au régime de Macky. Donc, je ne peux pas entrer dans son gouvernement.»», rembobine Pr Malick Diagne. Cette opposition radicale va le conduire en prison où il va passer quelques jours. En décembre 2019, il est arrêté pour participation à une manifestation interdite, avec Guy Marius Sagna et 7 autres activistes. «En prison, j’ai écrit deux poèmes pour le président Mamadou Dia», se remémore Babacar Diop.

«Trop sûr de lui»
S’il est sérieux et persévérant, Dr Babacar Diop n’était pas un génie à l’école. «Il est parfois passé à la session d’octobre. Il s’est bonifié avec le temps. Il a toujours aimé les études», confie un professeur à la Flsh. Toujours devant dans le mouvement des élèves, Babacar Diop a aussi dirigé la Coordination des étudiants thiessois et était un temps le représentant des étudiants à l’Assemblée de l’université. «Il est trop sûr de lui et n’accepte pas d’être second voire se ranger derrière quelqu’un d’autre», objecte Abdoulaye Gallo Diao.
Mais Pr Malick Diagne trouve un autre défaut à son leader politique. «J’ai tout fait pour que Babacar épouse une femme mais il est tout le temps occupé par la politique», signale-t-il. La politique justement l’a propulsé au-devant de la scène comme le premier magistrat de la Ville de Thiès. Pour Babacar Diop, c’est l’heure où l’obscurité s’efface pour laisser entrevoir la lumière.
nfniang@lequotidien.sn et bgdiop@lequotidien.sn