Son ambition : diriger la Cojer. Sa lutte : débarquer Thérèse Faye Diouf. Marième Thiam Babou, native d’un 23 juin. Tiens, tiens, comme cette mémorable date, point de départ du… départ d’un certain Abdoulaye Wade. A 30 ans, la responsable apériste de Fatick entend s’inspirer de cette journée dont elle a été témoin pour faire abandonner, comme le ticket de Wade, Thérèse Faye.
Visage ferme doublé d’une personnalité pas toujours évidente à déchiffrer. Le physique de Marième Thiam Babou va de pair avec ses convictions. Droite dans ses bottes, la jeune Apériste gesticule à tout-va pour exprimer ses convictions. Son ambition est simple sur le papier : diriger la Convergence des jeunesses républicaines. Mais dans les faits, elle se heurte à l’adversité de l’actuelle coordonnatrice, Thérèse Faye Diouf, qui ne tient pas à lui céder la place. A tort ou à raison, Marième Thiam Babou est tristement connue des Sénégalais à cause des violents affrontements qui opposent son camp à celui de l’actuelle directrice de l’Agence nationale de la petite enfance et de la Case des tout-petits. «C’est vrai que mon nom est souvent associé à la violence. Mais on me fait un procès d’intention. Je ne suis pas violente, se défend-elle. Mais on est en politique, je n’accepterai pas que des provocations me tombent dessus en restant les bras croisés. Soyons clair !»
Dans la vie, le hasard peut parfois dicter le cours d’un destin. Native de Keur Samba Dia, un village de la commune de Fimela dans le département de Fatick il y a 30 ans, Mame Marième Thiam, à l’état civil, a toujours voulu faire partie des décideurs. Toute jeune, elle intègre les mouvements d’école pour défendre les intérêts des élèves. Cela, avec une «bonne assiduité» en classe. A l’école primaire, elle capte à l’âge de 8 ans l’attention de la Première dame de l’époque, Mme Elisabeth Diouf. «J’ai lu un discours devant l’ex-Première dame qui est issue de notre localité et qui était venue apporter des dons à l’école de Samba Dia et des vivres aux populations», raconte-t-elle. Ses positions et son charisme à l’école lui prédestinent à une carrière politique. Mais c’est dans les mouvements associatifs et sportifs que Marième fourbit ses armes.
«On va débarquer Thérèse Faye»
Au lycée Diogoye Basile Senghor de Fimela, elle décroche son Bac en 2006. «J’ai toujours eu d’excellentes notes durant mon cursus», se glorifie-t-elle. Malgré son orientation à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, Mme Thiam, pour des «raisons de famille», ne peut se rendre dans le Nord du Sénégal pour poursuivre ses études. Son destin le pousse à Dakar où elle s’inscrit à l’Ecole supérieure polytechnique. Un tournant dans sa vie, car deux ans plus tard, elle prend contact avec un certain Macky Sall en disgrâce avec le régime de Me Abdoulaye Wade. «Au Sénégal, les gens ont horreur de l’injustice. A un certain moment, nous avons tous constaté la chasse aux sorcières vécue par Macky Sall au sein du Pds», explique-t-elle. «Quand on ne sait plus où l’on va, on retourne d’où l’on vient», dit-on. Macky Sall tend la main à la jeunesse fatickoise. Marième fait son entrée en politique aux côtés du président de l’Alliance pour la République. «En 2008, nous nous sommes regroupés pour aller le voir. Dès notre premier contact, j’ai su que c’est le leader qu’il me fallait. J’ai vu une personne sereine avec une capacité d’écoute extraordinaire. Il a su, dans une salle de 300 personnes, écouter tout un chacun et apporter une réponse claire», témoigne-t-elle à l’endroit de l’ancien maire de Fatick. Dans l’opposition, Mame Marième participe à l’implantation du Mouvement des étudiants et élèves républicains au niveau du département de Fatick.
Aujourd’hui, l’attitude de Marième Thiam envers Thérèse Faye Diouf peut se résumer en une date : le 23 juin, jour de sa naissance. Symbole de cette journée de l’année 2011 où elle a préféré ne pas suivre les conseils de sa grand-mère qui lui demande en vain de ne pas investir les grilles de l’Assemblée nationale. «J’étais avec Tanor et Niasse aux avant-postes et Penda Mbow», se souvient-elle de cette folle journée de passage du projet de ticket Président-vice-Président voulu par Wade, finalement abandonné dite M23 comme Marième 23 ! En s’inspirant de cette date, elle compte mener ses activités pour faire partir Thérèse Faye Diouf, rattrapée par la limite d’âge (35 ans) au sein de la Cojer. «Lorsque le Président (Macky Sall) a choisi Thérèse à la tête de la Cojer, nous nous sommes pliés à sa décision. Je faisais partie des personnes qui se disaient que Abdou Mbow devait passer la relève si vraiment il croit à l’alternance générationnelle. J’étais en phase avec ce que prônait Thérèse Faye. Aujourd’hui, comme Abdou Mbow à l’époque, Thérèse Faye doit céder la place. Nous l’avions accompagnée et soutenue lors de son intronisation comme patronne de la Cojer. On va la débarquer», jure-t-elle avec force et conviction.
«Je ne suis pas une proche de Mame Mbaye Niang»
Cependant, cette obsession à vouloir diriger l’aile jeune de l’Apr laisse place parfois à de violents affrontements entre les deux tendances. En novembre, des jeunes proches de Thérèse Faye l’auraient agressée à la permanence du parti à Fatick. Récemment, on l’a accusée d’être derrière des jeunes qui auraient jeté des pierres au convoi de la coordonnatrice de la Cojer à Kaolack. D’ailleurs, sur cette affaire, le maire de Fimela, proche de Thérèse, l’a nommément citée et a décidé de porter plainte devant la justice. Sur convocation de la gendarmerie de Fimela, Marième a, il y a quelques jours, été entendue. Titulaire d’une licence en Commerce international et spécialisée en management de gestion des projets, Marième Thiam travaille au ministère du Commerce en tant que chargée du bureau administratif et financier. «Je ne me retrouve plus dans ce que fait l’actuelle coordonnatrice. Il y a cette masse silencieuse de jeunes qui ne se retrouvent plus dans la Cojer. Est-ce que je devrais garder le silence comme eux et me plier ? Je choisis de dire non et de me battre pour que Thérèse cède la place», insiste-t-elle.
En parallèle, elle dirige une caravane dénommée «Ma carte, mon choix, cap vers 2017-2019». D’après elle, si Thérèse ne veut pas partir, c’est parce qu’elle vise le ministère de la Jeunesse actuellement occupée par son «frère» Mame Mbaye Niang. A ce dernier dont on dit qu’elle lui est proche, Mme Babou répond sèchement : «Je ne suis le bras armé de qui que ce soit. Je suis jeune, mais responsable. Je suis venue militer à l’Apr librement. Il faut respecter la jeunesse de ce pays. Mame Mbaye Niang est un frère, ‘’mon ministre de tutelle’’ pour la Cojer. Il ne contrôle pas mes positions politiques.» Elle ajoute : «Thérèse et son groupe sont dans l’inertie et refusent que des jeunes plus engagés fassent le boulot. Elle est dans le clanisme. On doit changer le cours des choses. Nous ne sommes pas des frondeurs ni des fractionnistes.»
Le jour où elle a immobilisé le cortège présidentiel
En continuant à s’attaquer à Thérèse Faye, Marième ne défie-t-elle pas l’autorité du président de la République et chef de l’Apr qui, lors de l’Université républicaine, a renouvelé sa confiance à l’actuelle coordonnatrice de la Cojer ? «Le Président a dit qu’il n’y aurait pas de renouvellement des structures du parti avant 2019. Il n’a pas dit que Thérèse ne partira pas. J’ai écouté, entendu et compris le discours du Président Sall. En 2014, Abdou Mbow est parti sans renouvellement. Donc, Thérèse va partir. Si la jeunesse ne sait pas revendiquer, elle n’aura rien», soutient-elle. D’ailleurs, durant l’organisation de cette Université républicaine, Marième Thiam a réussi la prouesse d’immobiliser le convoi du président de la République en partance vers Saly pour lui asséner ses vérités devant des centaines de jeunes acquis à sa cause qui ont capté l’attention du cortège présidentiel.
En serrant la main de Macky Sall sur la route de Gandigal, elle dit : «M. Le Président, votre jeunesse est dehors. Cette jeunesse que vous allez trouver à Saly ne constitue pas uniquement celle qui avait cru en vous en se battant pour votre personne. Nous ne sommes pas pour le boycott, mais c’est notre manière de participer à l’Université républicaine qui est devenue une affaire de clanisme et de copinage.» Le leader de l’Apr répond : «Félicitation et merci, je te vois Marième.» Au-delà de son parti, la responsable apériste plaide également l’alternance générationnelle dans la répartition des responsabilités publiques. «Il faut que les jeunes soient responsabilisés. On doit prendre conscience du rôle qu’on doit jouer dans le développement du pays. J’aimerais que les tâches soient un peu plus réparties, c’est-à-dire que les jeunes occupent au moins 30 à 40% des responsabilités.» Mariée et mère d’un petit garçon, Marième Thiam Babou entrevoit son avenir avec optimisme. Mais cela passe d’abord par une victoire sur Thérèse Faye Diouf qui continue de diriger la Cojer.