Agé de 90 ans, Serigne Abdoul Aziz Al Amine est décédé hier à Tivaouane où il a été enterré devant des fidèles inconsolables. Il va laisser derrière lui un immense vide. Tellement sa personne se confondait à la vie politico-religieuse du Sénégal.

Serigne Abdoul Aziz Sy Al Amine s’est assoupi ce vendredi, quelques jours seulement après le 20ème anniversaire du rappel à Dieu de Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh. Il a été inhumé à l’Esplanade des mosquées à la résidence de El Hadji Malick Sy, devant des centaines de fidèles, venus l’accompagner dans sa dernière demeure. Le 6ème khalife général des Tidianes laisse derrière lui une communauté musulmane et catholique du Sénégal dans l’émoi. Son rappel à Dieu a surpris ce pays, habitué à sa silhouette et sa voix. On le voyait affaibli par l’âge, mais personne ne pensait qu’il allait quitter ce bas monde après seulement six mois de khalifat. Al Amine avait pris la tête de la communauté des Tidianes à l’âge de 89 ans, juste après la disparition de son frère Cheikh Tidiane Sy Al Makhtoum.
La confrérie tidiane, fortement éprouvée, a perdu en 6 mois deux de ses piliers, à savoir Serigne Ahmed Tidiane Sy Al Makhtoum et Abdoul Aziz Al Amin. Deux figures de la Tidianiya, mais aussi deux frères qui ont marqué de leur empreinte la confrérie. Avec la disparition de Serigne Abdoul Aziz Al Amine, Tivaouane perd son soldat, le bouclier de la tarikha. Toute sa vie durant, il l’a consacrée à la tarikha. Il a été un serviteur infatigable de ses frères. Jusqu’à l’annonce de son décès, malgré le poids de l’âge et le fardeau du khalifat, Al Amine n’a jamais montré des signes de fatigue.
C’est un guide religieux connu pour son caractère réfléchi, sa franchise et son dynamisme. Il était généreux dans l’effort de rapprocher les hommes et les Peuples. Un vrai régulateur social. Récemment, il avait demandé au Président Sall de faire preuve de clémence et de faire libérer le maire de Dakar, Khalifa Sall, actuellement en détention pour une affaire présumée de détournement de deniers publics. Il avait adopté la même posture quand Karim Wade était en prison pour le délit d’enrichissement illicite.

Un ami de l’Eglise
L’une de ses dernières sorties a été un soutien aux Rohingyas, cette minorité musulmane persécutée en Birmanie. Il avait dénoncé les pires sévices que ce Peuple subit actuellement. Chantre du dialogue islamo-chrétien, il était un ami de l’Eglise catholique du Sénégal. Il entretenait ces mêmes rapports avec toutes les familles religieuses du Sénégal Layène, Niassène, la famille de Thiénaba et les Mourides.
L’illustre disparu était aussi un éducateur hors pair. Il a toujours véhiculé les pensées et enseignements de El Hadji Malick Sy (Rta). Aux jeunes générations en mal de repère, il rappelait les enseignements islamiques. Il demandait aux jeunes de se «méfier de la langue qui est pire que le serpent». Et d’ailleurs, disait-il, c’est pour éviter que les fidèles se livrent à des discussions inutiles que son grand-père, Maodo, avait institué la Wazifa du soir, car ils avaient l’habitude, après la prière du Maghreb (Timiss) ou prière du coucher du soleil, de se livrer à des discussions de toutes sortes avant la dernière prière (Icha ou Gué).

Educateur hors pair
A 90 ans, il rejoint son grand-père après une vie bien remplie au sein de la tarikha. Le fils de Serigne Babacar Sy et de Sokhna Astou Kane a en effet été bien préparé à cette vie. Il avait fait ses premières études en même temps que ses défunts frères, Cheikh Tidiane Sy et Serigne Mansour Sy, auprès de Serigne Alioune Guèye. Serigne Abdoul Aziz Al Amine avait été très tôt confronté au khalifat. Son père, Serigne Babacar Sy, l’avait très tôt choisi comme son bras droit. Quand celui-ci fut rappelé à Dieu, Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh l’avait nommé officiellement porte-parole de la confrérie. Il avait été confirmé dans ce poste sous les règnes de Serigne Mansour Sy et de Serigne Cheikh Tidiane Sy Al Makhtoum.
Cette volonté d’être au service de son prochain dépasse le cadre de la famille Sy. Elle embrassait la communauté islamique au niveau mondial. Serigne Abdou était membre de nombreuses structures islamiques mondiales dont le Conseil mondial des affaires islamiques, le conseil exécutif de l’Association mondiale de l’appel islamique, la Ligue islamique mondiale, etc. Avec sa disparition, c’est toute la Ummah islamique qui perd un homme multidimensionnel. Il laisse derrière lui une communauté attristée, qui n’avait pas encore fini de pleurer Al Makhtoum.
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