Scientifique, enseignante-chercheure à l’université de Ziguinchor, militante du consommer local, Siré Diédhiou, directrice de l’Isep de Bignona, qui s’est battue pour décrocher ses diplômes à l’Ucad, est une femme au parcours inspirant.Par Ibou MANE –

Si le Sénégal compte cinq Instituts supérieurs d’enseignement professionnel (Isep), deux sont dirigés par des femmes, ceux de Diamniadio et Bignona. Cet Isep, situé dans la région de Ziguinchor, est dirigé par Siré Diédhiou. Ensei­gnante-chercheure au Départe­ment de l’agroforesterie de l’université Assane Seck de Ziguinchor, elle fut ainsi propulsée à la direction de l’Isep de Bignona en 2020.
Elle a fait tout son parcours supérieur à l’université Cheikh Anta Diop où elle a obtenu une maîtrise en Sciences naturelles en 1999 et un Dea en biologie végétale en 2002. Depuis, l’ex-pensionnaire de l’Ucad continue à franchir plusieurs paliers dans le cadre de son cursus professionnel. Une riche carrière universitaire démarrée entre 2000 et 2002 en tant qu’assistante de recherche à l’Institut de recherche pour le développement ; puis entre 2002 et 2008, comme assistante de recherche à l’Oregon state university/Institut sénégalais de recherche agricole (Isra)/ Institut de recherche pour le développement (Ird) au Séné­gal. En 2010-2011, elle est recrutée en tant qu’agronomiste-chercheure associée au Centre international de recherche agronomique pour le développement (Cirad) en Martinique-Ohio state university. Entre 2009-2010/ 2011-2012, elle est choisie comme assistante analyste à University of San Francisco. Et c’est finalement en 2013 que Mme Siré Diédhiou va retrouver sa Casa­mance natale via l’Université Assane Seck de Ziguinchor (Uasz) où elle exerce d’abord en tant qu’enseignante-cher­cheure puis assistante entre 2013 et 2016. Titulaire depuis 2020 du titre de maître de conférences, elle poursuit sa carrière scientifique.
A l’Isep de Bignona, elle est une étoile pour ses étudiants.

Elle s’offre en modèle à ses apprenants
L’Isep est un modèle différent de celui des universités, car il n y a pas de redoublement. «Si vous ne suivez pas le même rythme que vos camarades, vous serez laissé en rade. Je vous exhorte vraiment à faire le maximum pour pouvoir être au même niveau que vos camarades», s’est voulue formelle Mme Diédhiou à l’endroit de ses apprenants. Forte de sa posture d’enseignante-chercheure à l’Uasz où elle continue de dispenser des cours et à interagir tous les jours avec ses étudiants, elle montre que la rigueur est la clef du succès. Un discours qui en dit long sur sa capacité à gérer, voire à manager ses étudiants et apprenants. Ainsi en guise de conseils à ses pensionnaires, Siré Diédhiou professe : «On ne peut pas dire a priori que «moi je ne peux pas réussir» ; car je suis fermement convaincue que tout le monde peut réussir avec certes de la volonté ; et si vous étiez attentistes jusqu’à présent, c’est le moment de vous réveiller car tout le monde peut réussir et il n y a pas de prérequis pour réussir.» Une manière pour celle qui a quitté sa Casamance natale pour l’Université Cheikh Anta Diop (Ucad) de Dakar, où à partir de Rufisque elle ralliait chaque jour l’institution universitaire, de s’offrir en modèle à ces jeunes souvent désorientés et attentistes face aux épreuves et aux dures réalités de la vie. Les souvenirs de ces années estudiantines montrent les sacrifices consentis pour arriver à ce stade. «A 5 heures du matin, on était déjà dans les cars rapides, pour arriver tôt avant l’ouverture du campus. Et à cette heure-là, on se bousculait avec les vendeuses de légumes qui ralliaient à leur tour leurs sites de vente ; car il s’agissait pour nous d’arriver à l’Ucad bien avant 7 heures pour pouvoir avoir une bonne place au sein de l’amphithéâtre et bien suivre nos cours. Si je m’étais préoccupée des barrières, de la distance, des dures conditions du trajet et autres désagréments, je ne serais pas là aujourd’hui à vous tenir un tel discours», confesse-t-elle. Siré Diédhiou cite également en exemple sa camarade de promotion à l’Ucad, étudiante en Droit à l’époque, Fatou Faye Lecor, procureure aujourd’hui à Rufisque. Elles ont vécu ensemble les dures conditions de la vie estudiantine. Une manière pour Siré Diédhiou de montrer que la vie rime avec endurance, persévérance, volonté. Car fortement con­vaincue qu’il n’y a pas de secret pour réussir. Seul le travail, argue-telle, paye. Et l’école publique, traversée par une crise structurelle et conjoncturelle, est le meilleur tremplin pour atteindre le sommet. «Que vous soyez fils de paysan ou de salarié, l’avantage au Sénégal est que vous partez tous du même pied. Personne ne peut dire aujourd’hui que les Dg de société, les gens haut placés étaient tous dans des établissements privés, non ! Ce sont des gens qui ont eu à fréquenter l’Ucad et qui connait l’Ucad sait que les conditions y sont très difficiles», rappelle la directrice de l’Isep de Bignona. Seuls le travail, la persévérance sont la clé de la réussite. «Le chemin est difficile mais pas impossible», dixit Siré Dié­dhiou. L’enseignante-chercheure est également très exigeante avec les questions de discipline et comportement dans l’espace académique. «S’il y a les études pour réussir, il y a également le côté comportement exemplaire pour tout apprenant et à qui je souhaite en outre de la patience, de la résilience», prône-t-elle.

Adepte du consommer local
Militante en outre du consommer local, Mme Siré Diédhiou se désole de voir nos produits locaux, des fruits et légumes, qui pourrissent faute de débouchées locales et d’unités de transformation dédiées. Et tout son rêve aujourd’hui est de voir des boutiques version Auchan avec des produits made in Sénégal. «Ce n’est pas impossible, on peut le faire ici au Sénégal», clame-t-elle. Et l’enseignante-chercheure de compter sur ces étudiants et jeunes apprenants de l’Isep qui seront dans deux ans en quête d’emploi. Siré Diédhiou place un grand espoir en ces jeunes. La directrice de l’Isep de Bignona, qui totalise à son actif plusieurs publications entre 2016 et 2021 dont plusieurs portent sur les questions environnementales et agricoles, véritable stakhanoviste, servira de guide à cette cuvée.
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