Dans un contexte d’austérité du sport sénégalais, marqué par la non-assistance de l’Etat aux sélections de jeunes, à la Ligue Pro et aux clubs africains, Ndiaga Matar Ndiaye s’invite dans le débat. Prenant prétexte des Diaspora bonds évoqués par le Premier ministre, Ousmane Sonko, le consultant en sport et développement propose dans même foulée des Diaspora bonds dédiés au sport. Ce qui serait, selon lui, une grande opportunité pour le secteur de l’industrie sportive.

«L’idée évoquée par le Premier ministre Ousmane Son­ko d’un recours aux Diaspora bonds comme mécanisme de financement, mérite une attention particulière, tant pour le Sénégal que pour l’Afrique en général, mais aussi du point de vue européen», souligne Ndiaga Matar Ndiaye, dans une réflexion qu’il nous a fait parvenir. Selon le consultant en sport et développement, «il s’agit d’un instrument financier par lequel un Etat fait appel directement à sa diaspora pour mobiliser de l’épargne en faveur du développement. L’Inde et Israël l’ont expérimenté avec succès, et plusieurs pays africains réfléchissent désormais à en faire un levier structurant.

Du point de vue de l’Union européenne, une telle innovation pourrait être, à mon avis, perçue positivement, car elle s’appuie sur des ressources déjà existantes et permet de renforcer le lien entre les diasporas et leurs pays d’origine.
Aujourd’hui, les transferts de fonds de la diaspora sénégalaise atteignent environ 2, 8 milliards d’euros par an. Une émission de 500 millions d’euros représenterait environ 18% de ces flux annuels, l’équivalent d’une contribution moyenne de 700 euros par membre de la diaspora (en prenant une estimation d’environ 700 000 Sénégalais à l’étranger).

Cet instrument constitue pour bien des secteurs (santé, éducation, infrastructures, etc.), un levier fort de transformation économique et sociale. Elle est donc une grande opportunité pour le secteur de l’industrie sportive».

«L’industrie du sport reste encore sous-financée et insuffisamment structurée»
«Industrie sportive», le mot est lâché. Justement, dans un tel contexte marqué par la non-assistance de l’Etat aux sélections de jeunes, aux clubs africains, entre autres, Ndiaga Matar Ndiaye propose : «Le sport au Sénégal est bien plus qu’un simple divertissement : c’est une passion nationale, un vecteur d’unité et un formidable moteur d’opportunités pour la jeunesse. Nos champions de football, de basket, de lutte ou d’athlétisme font briller le pays dans le monde entier, mais derrière ces succès, se cache une réalité : l’industrie du sport reste encore sous-financée et insuffisamment structurée.

C’est dans ce contexte que l’idée de Diaspora bonds dédiés au sport prend tout son sens. La diaspora sénégalaise, très attachée à l’image sportive de son pays, pourrait devenir l’un des principaux investisseurs d’un secteur qui parle directement à son cœur. Imaginons, par exemple, une levée de 100 millions d’euros spécifiquement orientée vers le développement sportif : un instrument qui transforme la fierté en action, et l’attachement identitaire en investissement concret. Les fonds mobilisés pourraient servir à :
• Moderniser nos infrastructures : construire ou rénover des stades régionaux, construire des centres de performance et des académies pour jeunes talents, créer des espaces polyvalents qui accueillent sport, culture et formation.
• Développer une économie autour du sport : lancer une filière textile sportive «Made in Sénégal» pour produire équipements et maillots, soutenir des startups spécialisées dans les technologies sportives ou l’e-sport, former des jeunes aux métiers du sport, du management, à la médecine sportive.

• Accroître l’attractivité internationale : accueillir des compétitions régionales ou internationales, promouvoir le tourisme sportif avec des stages et centres d’entraînement, moderniser et valoriser la lutte sénégalaise comme patrimoine culturel et produit touristique.

Parce que chaque victoire du Sénégal, chaque moment de gloire sportive est vécu avec intensité par nos compatriotes à l’étranger. Investir dans des Diaspora bonds dédiés au sport, c’est donner à la diaspora l’opportunité de transformer sa fierté en un soutien concret. C’est aussi offrir aux jeunes au pays des alternatives réelles à l’exil, en créant des emplois et des perspectives nouvelles dans un secteur qui leur parle naturellement.

Un tel projet s’inscrit aussi dans les priorités du partenariat Europe-Afrique : emploi des jeunes, inclusion sociale, promotion culturelle. Le sport est un vecteur de paix et d’intégration. Soutenir son développement, c’est contribuer à la stabilité et au dynamisme des sociétés. Avec l’appui d’institutions comme la Bei ou l’Afd, des Diaspora bonds pour le sport gagneraient encore en crédibilité et en attractivité.

En conclusion, le sport est déjà l’une des plus belles vitrines du Sénégal. Faire de cette passion une véritable industrie est désormais à portée de main. Des Diaspora bonds dédiés au sport permettraient de transformer l’attachement des Sénégalais du monde à un moteur de développement pour la jeunesse, l’économie et le rayonnement international du pays.»
hdiandy@lequotidien.sn