Nous voici enjambant des élections législatives anticipées qui, dans les motifs de son déclenchement comme dans sa finalité, ont fait couler beaucoup de salive et d’encre, presque pour rien ! Les Sénégalais, tranquilles et responsables, sont allés voter pour ceux qui le désiraient. Ceux qui sont restés au lit ou près de leur tasse de thé ont été, certes, les plus nombreux ! Tant pis, on fera avec ! Les nouveaux élus sont loin de s’occuper du nombre de votants et de celui des abstentionnistes. Ils n’en n’ont cure ! Assemblée nationale, nous voilà ! Peut-être, en y réfléchissant, il importerait d’étudier l’éventualité d’un vote obligatoire dans notre nouvelle Constitution si attendue et sans doute inévitable avec son cortège, encore et encore, de retour aux urnes par référendum ! Tout doit aller désormais vite pour laisser place à l’action, au travail ! Les Sénégalais n’oublient pas les promesses des valeureux vainqueurs et elles doivent être tenues ou expliquer alors, sans tarder, pourquoi toutes ou certaines devront attendre un peu, le temps de bien se caler et de laisser bien infuser le thé à la menthe !

Tout de même admirable, émouvante, inédite, plutôt que tragique et détonante, cette aventure du Premier ministre Ousmane Sonko, président du parti Pastef, qui, à lui seul, en chef incontesté, gagne la Présidentielle, gagne les Législatives dont on croyait qu’il allait payer la casse, après un court exercice du pouvoir au pain sec ! Une majorité de Sénégalais, une fois encore, l’ont plébiscité, alors que ses opposants croyaient qu’il serait puni avec une majorité hypothétique, sinon fortement relative, au carrefour même d’une probable cohabitation ! Rien de tout cela ! Rien à dire : les Sénégalais ont choisi, même le ventre vide, à donner toutes ses chances à Pastef pour gouverner. Tant mieux ! En effet, à la vérité, il n’était pas interdit de les aider à gouverner, sans entrave, avec une majorité à l’Assemblée nationale. De Senghor à Macky Sall, le chef de l’Etat a toujours fini par se doter d’une majorité et gouverner. Cela n’empêche aucun pouvoir d’aller ensuite à la défaite, s’il a usé de son temps de vie au pouvoir, quelle que soit la dimension de ses réussites ! On part toujours et c’est quand on est fort, que l’on prépare sa défaite !

Voilà donc que se poursuit la marche audacieuse et triomphante d’un leader politique singulier, à la fois aimé et vomi, audacieux à friser la folie, constant dans l’épaisseur de sa lutte, offensif à volonté, téméraire, oppressant pour ses adversaires. Ousmane Sonko ne lâche rien, ne pardonne rien ! C’est véritablement un monstre politique porté par une génération aussi folle et téméraire que fidèle à leur Bob Marley. C’est ainsi. Pour l’heure. Demain sera un autre jour.

Le piquant et modèle rare, sinon unique, de gouvernance au Sénégal, en Afrique et peut-être même par le monde, est que voilà un président de parti qui va à l’assaut du pouvoir suprême, gagne et installe un militant de son camp comme président de la République, lui étant jugé hélas inéligible à ce haut grade ! L’humble et inespéré militant de parti choisi entre mille, devient ainsi chef d’Etat. Surréaliste ou presque ! Le militant mis sur orbite lunaire nomme son patron, chef du parti victorieux, comme Premier ministre. Ce dernier décide de retourner aux élections législatives anticipées, avec tous les risques, pour asseoir le pouvoir de son parti et pouvoir dérouler librement, confortablement et souverainement son programme. Il gagne ! On attend impatiemment de voir la suite. En effet, restera-t-il encore au poste de Premier ministre ou le quittera-t-il pour s’asseoir dans le fauteuil de président de l’Assemblée nationale ? Mystère et boule de gomme !

Allons un peu nous perdre dans des configurations commodes : connaissant la nature et le feu guerrier qui l’habite et qui ne le quittera pas de sitôt, malgré des indices de sérénité et de prudence qui l’ont un peu rattrapé durant la campagne des Législatives, parions que Ousmane Sonko restera Ousmane Sonko, c’est-à-dire visible et omniprésent au-devant de la scène politique nationale, en restant à son poste de Premier ministre. Là, il est dans l’action, au cœur de l’action et maître de l’action ! Accepter d’aller occuper le fauteuil de président de l’Assemblée nationale serait se soustraire aux feux de rampe et au grand théâtre de l’animation de la scène politique sénégalaise. Cela ne lui ressemblerait pas ! L’homme est fait pour être vu, entendu, écouté, à toutes les heures de la vie de la Nation ! C’est cela un héros qui veut ne pas être oublié, qui ne veut pas être masqué par d’autres prétendants !

Mais où placer alors Bassirou Diomaye Diakhar Faye, président de la République du Sénégal ? Qui a vu ou aperçu le chef de l’Etat ? Totalement masqué, si ce n’est effacé par l’énorme présence de son Premier ministre, président du parti Pastef ! Non pas que Monsieur Sonko veuille le masquer, mais l’actualité ne voit que lui, n’entend que lui, ne pose ses regards que sur lui ! Presque impossible de changer la donne ! Toutes les places sont prises par Ousmane Sonko, présent ou absent ! Rester Premier ministre de cette manière et dans ce rôle jouissant d’avoir toutes les caméras braquées sur soi, n’est pas forcément vouloir être le seul visible et le seul engagé dans l’action ! Accepter de muter vers l’Assemblée nationale serait laisser davantage de visibilité au président de la République au regard de la presque discrétion de ce poste, comme chef du Parlement ! Le fait de n’être que dans les airs et parcourir le monde, présider les conseils des ministres, lancer des messages de paix et de réconciliation ne peut pas être seulement le rôle d’un président de la République. Nombre d’observateurs, à tort ou à raison, pensent que Ousmane Sonko devrait donner de la place et de la visibilité au premier des Sénégalais que dans sa majorité, le Peuple aime, affectionne, pour ces valeurs tant chantées qui l’habitent et l’habillent : l’humilité, l’écoute, la sérénité, l’éthique. Diomaye est contagieux ! Il est difficile de ne pas l’aimer. C’est ainsi. De Ousmane Sonko, on s’exclame, dépassé par son sucés têtu et triomphant : Dieu l’a élu cet homme ! Accepte-t-on le tous, comme tel et prions ! Diomaye ? La sentence est celle-ci : Dieu sait pourquoi IL l’a choisi comme président de la République et non Sonko. Mais Allah est bien passé par le «prophète» Sonko pour coopter Diomaye !

Ne le taisons pas. Mettons tout sur la table, vrai ou faux ! Nombre d’observateurs pensent que si l’actuel Premier ministre acceptait de muter vers l’Assemblée nationale comme président, il pourrait arriver que le président de la République dont on connaît la piété, l’extrême humilité et l’extrême désintéressement, puisse proposer sa démission et laisser le leader et le héros de tant de prouesses politiques éblouissantes venir occuper le fauteuil de l’Avenue L.S. Senghor. Une manière, disent les mauvaises langues, de se venger de Macky Sall, l’immense bâtisseur, quoique l’on dise ou pense de lui. Diomaye est un pur joyau. Il est capable de se surpasser. Mais Ousmane Sonko sait également où est la vraie grandeur ! Sans doute que Diomaye restera là où il est ! Ousmane là où il servira le mieux ! Diomaye sera le tambour et Sonko la baguette. Il semble désormais connaître, comme nul autre pareil, quelle danse, quels pas de danse et sous quel rythme aiment se déhancher les Sénégalais qui votent Pastef !

Oui, nous aimons danser ! Alors dansons pour éloigner le doute, l’angoisse, la faim, les factures, les poches trouées et si vides. Se développer ne veut pas dire ne pas danser. La culture sera notre première souveraineté ! Elle doit être placée au sommet de l’Etat, c’est-à-dire que chaque enfant du Sénégal reçoive comme viatique et comme don : l’alphabet, l’enseignement, l’éducation, la formation. Que chaque enfant du Sénégal ait droit à un livre, un tableau, une sculpture, un théâtre, un cinéma, un musée, une architecture, une musique, une maison de la culture, une éducation artistique. Nous devons retourner au véritable sens de l’homme, c’est-à-dire lui donner et lui apprendre à échapper à sa condition d’être miséreux, inculte et vaincu en «transformant son destin en conscience». L’homme ne doit pas seulement vivre d’évasions, mais surtout de possessions et d’héritage fondateur ! Aux hommes politiques qui ont pris le risque de promettre de conduire leurs semblables vers le paradis, voilà l’ordre protocolaire, c’est-à-dire d’abord une victoire sur nous-mêmes ! C’est là que commence la refondation systémique !

Osons le dire et l’affirmer : ce sont ceux qui ont pris les «armes» contre l’Etat -tel qu’il a été il reste l’Etat- à qui les Sénégalais ont confié l’Etat, à leur tour. Ils devront veiller sur lui et nous le rendre grandi et protégé. Ils en ont fait le serment ! Un Etat se construit dans la paix et dans l’exigence éthique et patriotique de ceux qui ont été choisis pour le conduire. Le plus grand déficit budgétaire, c’est le manque d’éthique, de rigueur et de souveraineté ! Il est temps que l’Afrique gagne enfin. Elle n’a pas toujours perdu comme on veut nous le faire croire. Mais commençons par garder notre jeunesse à la maison ! Ne restons pas comme des paralytiques ! Pour ma part, je souhaite avant de mourir, revoir une jeunesse sénégalaise debout et conquérante à partir des terres d’Afrique, sans jamais renoncer d’aller toujours loin pour la quête de savoirs et l’alliance des civilisations. Ne jamais oublier pour elle, que c’est du particulier que l’on va vers l’universel. Senghor nous l’a appris ! J’ai été si heureux d’entendre Sonko citer Senghor lors d’un de ses meetings législatifs !
Pour Diomaye et pour Ousmane Sonko, la question n’est pas de savoir si les Sénégalais les aiment. La question est de savoir si eux-mêmes veulent véritablement refonder le Sénégal ou se coucher. L’avenir nous le dira bientôt au regard des priorités sociales et économiques posées, et à court terme, et qui doivent être vite résolues. Aujourd’hui, ils sont le seul recours. Il faut prouver aux Sénégalais d’abord, à l’Afrique et au monde, que le combat de Pastef avait non seulement sa «profonde nécessité», mais qu’il a «finalement gagné» et qu’il est au pouvoir. La métamorphose des dieux est attendue dans leurs résultats rapides du paysage morose, osseux, que vit le Sénégal face à des défis pressants ! «L’infirmité du système» Diomaye-Sonko aboutirait à une grave panne du Sénégal, et pour longtemps. Diomaye restera ouvert, attentif, compatissant, sensible, équitable, respectueux. Sonko, l’homme à abattre, restera sous son «armure impassible et impénétrable». Sonko fondra, mais fondra très peu. Je le rappelais sous Macky Sall : un chef qui gouverne «n’est pas un ours qui danse» ! Diomaye-Sonko, ce couple sans précédent dans l’histoire politique du Sénégal, sera désormais le visage du Sénégal. Un tableau à qui il reste d’être une grande et inoubliable œuvre d’art ou un éphémère trompe-l’œil ! Il est temps que la politique cesse d’être un mot répugnant et hideux !

Des voies insurrectionnelles, puisse Pastef arriver à une chevalerie faite de travail colossal, durable et gagnant, de loyauté envers le Peuple qui l’a élu, de générosité envers les plus démunis, de dévouement à la Patrie, de courage face à l’injustice, d’inflexibilité face à la corruption et le pillage des ressources publiques, de courtoisie face à leurs opposants. C’est bien face à l’opposition d’abord, que toute démocratie se prouve, se mesure, se valorise ! Comme ce pays est beau et grand quand on voit les messages de félicitations de l’opposition au camp gagnant de Diomaye-Sonko ! Il faut perpétuer cette élégance et l’implanter dans l’Hémicycle ! Nos prières et nos vœux accompagnent Pastef !

Il paraît que Dieu est revenu passer les vacances au Sénégal, depuis le 18 novembre au petit matin, Heureux de la paix qui a prévalu et régné dans les urnes ! Profitons-en ! Tous ne pourront LE voir, mais tous ont le droit d’espérer que le Sénégal gagnera et qu’il gagnera toujours.
Amadou Lamine SALL Poète
Conférencier invité de l’Université du Kwazulu-Natal, Afrique du Sud et de l’Université de Montréal au Québec