Quand on en parlera désormais, le passé sera de mise ! Le parti Pastef n’est plus une formation politique légalement reconnue. Le ministre de l’Intérieur l’a dissous par décret. Antoine Félix Diome reproche à Sonko et Cie d’avoir appelé à l’insurrection. Par Malick GAYE –

Le parti Pastef n’est plus une formation politique reconnue par l’Etat. Le ministre de l’Intérieur, par décret n°2023-1407 du 31 juillet 2023, a dissous le parti pour les motifs suivants : «A travers ses dirigeants et instances, le parti Pastef a fréquemment appelé ses partisans à des mouvements insurrectionnels, ce qui a entraîné de lourdes conséquences, incluant de nombreuses pertes en vies humaines, de nombreux blessés, ainsi que des actes de saccage et de pillage de biens publics et privés. Les dernières en date sont les graves troubles à l’ordre public enregistrés au cours de la première semaine du mois de juin 2023, après ceux du mois de mars 2021.» Par conséquent, Antoine Félix Diome estime que «suite à ces événements, qui constituent un sérieux et permanent manquement aux obligations des partis politiques, et conformément aux dispositions de l’article 4 de la Constitution et de l’article 4 de la loi n°81- 17 du 6 mai 1981 relative aux partis politiques, modifiée par la loi n°89- 36 du 12 octobre 1989, le parti politique Pastef est dissous par décret n°2023-1407 du 31 juillet 2023». C’est la deuxième fois qu’un parti politique est dissous, après le Parti africain pour l’indépendance (Pai) dans les années 60.

Cette décision sonne le glas du «Projet» que tant de res­ponsables ont vendu aux Sénégalais. En effet, créé le 6 février 2016, le parti Pastef s’est très tôt fait remarquer en prônant, dans un premier temps, une refondation politique.
Ousmane Sonko a été très tôt mis en avant. Ses thèmes de prédilection étaient la gestion et la fiscalité. Inspecteur des Impôts, Ousmane Sonko se met à dénoncer les entreprises qui bénéficient d’une exonération fiscale, faisant par la même occasion le lien avec les autorités. Qui sont peintes comme des «bandits à col blanc qui ne sont là que pour des intérêts crypto-personnels».

Dans ses sorties médiatiques, Sonko se positionne comme un lanceur d’alerte et entraîne son parti dans cette logique. Le don de soi pour la Patrie en bandoulière, le parti Pastef se fait un nom et peaufine son image en dénonçant les autorités ou institutions de la République qui ne s’acquitteraient pas de l’impôt. Aux yeux du grand public, il veut se positionner comme le messie. L’Assemblée nationale, Youssou Ndour, gestion des contrats de recherche d’hydrocarbures, etc., le parti Pastef contraint le gouvernement de Boun Abdallah Dionne à s’expliquer et Sonko commence à imposer un duel en désignant le chef de l’Etat comme son alter ego. A partir de cet instant, rien ne sera plus comme avant. En effet, plus d’un an après la création du parti Pastef, Sonko est radié de la Fonction publique par un décret présidentiel. Son parti saute sur l’occasion pour s’attirer la sympathie des Séné­galais.
Malheureusement, cette situation n’a pas eu l’effet escompté. En effet, dans sa logique de renouvellement de la classe politique, le parti Pastef choisit d’aller aux Législatives de 2017 en ne se basant que sur des personnalités issues des réseaux sociaux. Cette stratégie s’avèrera un flop. Seul Ousmane Sonko remporte un siège de député en obtenant le plus-fort reste avec plus de 37 mille voix.

A l’Hémicycle, le leader des «Patriotes» bénéficie d’une exposition médiatique et ne s’en prive pas. Il force le duel avec Macky Sall et entreprend de «ridiculiser ses ministres». Chemin faisant, de nouvelles têtes émergent et son parti devient un «bon client» des médias.

En 2019, le parti Pastef ne voulant pas répéter la même erreur que lors des Législatives, capte les partis satellites de Gauche pour former la coalition 2019. Pour sa première participation à la Prési­dentielle, Sonko arrive 3ème derrière Idrissa Seck et Macky Sall. Le parti Pastef est considéré comme le grand gagnant du scrutin. En effet, pour sa première participation, le parti, bien qu’aidé par d’autres formations politiques, totalise plus de 687 mille voix. Un bond en avant qui consacre le parti Pastef comme une formation qui compte dans l’échiquier politique du Sénégal. Même si des analystes politiques ont voulu nuancer le score en rappelant l’absence de Karim Wade et Khalifa Sall, Sonko et son parti Pastef continuent sur cette lancée en utilisant comme personne les réseaux sociaux. Leurs sorties sont suivies par des milliers d’internautes. Le discours devient radical et change au gré des circonstances. Entre la «fusillade des anciens présidents» et le rapprochement avec Wade, le parti Pastef prêche le faux pour obtenir du vrai. La popularité de son leader met le parti à l’abri de toute critique, surtout sur internet. Ils utilisent de faux comptes et désacralisent ceux que le Sénégal avait élevés au rang de guides religieux. C’est, sans nul doute, cette façon de faire qui a conduit à la dissolution du parti Pastef. Il n’est point besoin d’avoir un doctorat en informatique pour trouver sur le net des messages subversifs ou incitant à la violence. Le fameux «Gatsa-Gatsa» en est la preuve. Avec cette dissolution, le «Projet» est sérieusement compromis.
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