Thierno Diagne, maire de Sindia, croupit depuis hier en prison. Il a été encore inculpé pour les délits de blanchiment de capitaux, détention de faux billets de banque, usage de faux.Par Alioune Badara CISS –
Thierno Diagne a été finalement placé sous mandat de dépôt. Le maire de Sindia est poursuivi pour les délits de blanchiment de capitaux, détention de faux billets de banque, usage de faux dans un document administratif datant de mars 2022, escroquerie sur une somme de 65 millions de francs Cfa datant de mars 2022, conflit avec la Fondation Sonatel sur 2700 parcelles d’une valeur d’1,7 milliard de francs Cfa.
Autant de charges que le juge du 1er Cabinet d’instruction du Tribunal de grande instance de Mbour a mises sur le dos du maire de Sindia. Des délits assez suffisants pour le placer sous mandat de dépôt.
Le dossier du maire de Sindia, qui était sur la table du procureur, a été de nouveau activé. Thierno Diagne fait l’objet de plusieurs plaintes de personnes qui l’accusent de les avoir escroquées dans le lotissement de Ndombo, situé dans la commune de Sindia.
D’ailleurs, cela lui avait valu une première arrestation le 15 mars 2023, avec 10 de ses collaborateurs devant le Parquet. Le candidat de Bby, qui venait de gagner fraîchement les élections locales dans la commune de Sindia, avait été arrêté par les Pandores pour une affaire d’escroquerie portant sur le foncier et sur une somme d’1,7 milliard de francs au préjudice de la Fondation Sonatel pour un total de 2700 parcelles.
Lors de son face-à-face avec le juge d’instruction du Tribunal de grande instance de Mbour, ce dernier l’avait finalement placé sous mandat de dépôt compte tenu de la gravité des accusations.
Cette affaire, qui avait été soulevée avant la tenue des élections locales, avait été suspendue. D’ailleurs, il avait déjà fait face aux enquêteurs de l’Ofnac, mais par la suite, le dossier n’avait pas évolué.
Après, cette plainte de la Fondation Sonatel a été diligentée et a fini par avoir raison de Thierno Diagne qui brigue un second mandat. En effet, le maire de Sindia est souvent cité dans des affaires d’escroquerie foncière. Après celle de Ndingler où il était le président de la Commission domaniale du temps de Ousmane Lô, ancien président de cette communauté rurale, sur l’attribution de 300 hectares à Babacar Ngom.
Aujourd’hui encore, il est rattrapé par une affaire qui date de 2015. La Coopérative de construction et d’habitat des employés de la Sonatel avait introduit une demande pour une attribution de 160 hectares. Le 10 septembre 2015, par délibération n°013/CMS approuvée par le sous-préfet de Sindia le 26 octobre 2015 par arrêté n°949/SP, le maire Thierno Diagne fait adopter une délibération portant sur 190 hectares ! Les 160 hectares sont pour la Coopérative de la Sonatel et les 30 hectares de plus devaient en principe tomber dans l’escarcelle de la mairie. En réalité, ce n’était que de la poudre aux yeux, car le maire Thierno Diagne avait d’autres projets pour ce surplus de 30 hectares qu’il confie à un de ses gendres pour les vendre sous le manteau. Pour bien huiler cette mascarade, Thierno Diagne dresse une liste de propriétaires terriens à indemniser.
Ainsi, entre 2016 et 2017, la Sonatel a effectué des versements pour les propriétaires terriens. Elle a déboursé environ 1, 8 milliard de F Cfa. Les propriétaires terriens, qui figurent sur la liste établie par le maire, doivent cependant reverser 10% de commission à la mairie. Mais ironie du sort, cette liste est composée majoritairement de l’édile en personne et de ses proches, tandis que certains propriétaires terriens expropriés courent toujours après leur argent.
Ces derniers auront la surprise même de voir des agents en train de procéder au lotissement de ces terres pour le compte de la Coopérative de la Sonatel.
Pourtant, ils ont affirmé n’être ni vendeurs ni au courant d’une quelconque délibération. Interpellé, le maire leur rétorque que les terres ont été cédées et qu’ils feraient mieux de se rapprocher des services de la mairie pour obtenir un papier afin de recevoir leur paiement. Des paiements plafonnés à 15 millions par propriétaire et ce, quelle que soit la surface foncière. D’autres propriétaires terriens courent toujours après le maire pour recevoir leurs indemnisations pourtant déjà versées par la Coopérative de la Sonatel. Pour leur assurer que les choses sont en bonne voie, il va désigner un de ses conseillers pour conduire les propriétaires terriens chez une notaire qui a son étude à Saly.
Cet espace attribué à la Fondation Sonatel est insuffisant, c’est pourquoi elle va demander 100 parcelles de plus pour caser tout son monde. Une bonne affaire encore pour Thierno Diagne qui promet de trouver un site pouvant accueillir les 100 parcelles demandées. Et c’est là que le maire va montrer ses vrais talents, ne disposant plus de terres et ne pouvant pas encore exproprier d’autres propriétaires, il va puiser dans les 2700 parcelles de la Sonatel pour faire des doublons.
Le pot aux roses sera découvert par le notaire qui a décelé le faux, notamment sur beaucoup d’attributions. Et a refusé de payer le reliquat de 120 millions de F Cfa versé par la Sonatel pour les 100 parcelles supplémentaires.
Annulation de l’attribution de 378 ha à un promoteur français à Guéréo
Pour illustrer la mauvaise gestion du foncier dans cette commune, la Cour suprême a restitué récemment les 378 hectares aux paysans de Guéréo. Elle a annulé l’affection de 378 ha de ces terres cédées en 2012 à un promoteur français à Guéréo et les a restituées aux paysans qui en sont les propriétaires. La Cour suprême, par la décision par arrêt n°39/2020 du 26 novembre 2020, avait annulé la délibération n°2/CRS du 02 février 2012 du Conseil rural de Sindia approuvée le 02 octobre 2012 par le sous-préfet de Sindia portant attribution de 378 ha du plan de lotissement des collines de Guéréo à la structure dénommée Architecture et aménagement durable (Aad) du promoteur français Pascal Versiglioni.
La résolution de ce conflit foncier avec la Fondation Sonatel, mais également avec ce promoteur français, n’est que l’arbre qui cache la forêt, car dans cette commune, les litiges fonciers sont nombreux. Il en veut pour preuve, le cas de l’hôtel Décaméron avec la population de Ndoss à Guéréo. Il y a également le problème foncier qui oppose les habitants de Kiniabour à Charles Adad. Et là également, à côté du village, on a une localité qui s’appelle Ngorya, ce sont des champs que les gens veulent prendre aux populations. Il y a aussi les terres qui suscitent une véritable convoitise de la part des investisseurs. Le célèbre problème des 300 hectares opposant l’homme d’affaires sénégalais Babacar Ngom et les populations de villages de Djilakh et de Ndengler reste toujours entier malgré une certaine accalmie notée ces derniers temps.
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