Pour la réalisation du «Projet», Ousmane Sonko doit rester à la Primature

Les résultats sortis des urnes, lors des élections législatives anticipées du 17 novembre, ont confirmé l’hégémonie du parti Pastef sur l’échiquier politique. Certains analystes et politiciens, de mauvaise foi, n’ont pas manqué de s’en prendre au Peuple sénégalais sans aucun respect pour sa volonté, celle de s’être exprimée librement comme il est de coutume dans un pays où on vote depuis 1848 lorsque les habitants de la ville de Saint-Louis et de Gorée ont acquis la citoyenneté française ; privilège qui sera accordé en 1871 aux deux autres communes, Dakar et Rufisque, avant d’être élargi en 1946 à l’ensemble des citoyens.
Des propos, à la limite injurieux, ont été prononcés et repris par des organes de presse irresponsables. «Il faut être d’un niveau avancé d’arrogance-«xamadi» en wolof- pour traiter tout un peuple de «alku» -maudit- en français parce qu’il a exercé pleinement sa souveraineté en votant, en toute liberté, pour le parti auquel il a confiance, surtout s’il s’agit d’un peuple comme le nôtre, donné en exemple au-delà des frontières pour sa résilience, son courage, sa clairvoyance et sa maturité», commentait un ami sidéré par les propos de Moustapha Diakhaté. Dans un entretien sur 7Tv avec Mamadou Awa Ndiaye, le sieur Diakhaté, un des pourfendeurs du régime, ne s’est pas limité à des critiques envers le leader du parti Pastef qui, selon lui, ne mérite pas la confiance des Sénégalais, mais a traité de maudits tous ceux qui ont voté pour Pastef.
D’autres, plus mesurés dans leurs commentaires, ont traité le peuple de populace, de foule ignorante, surtout que le Peuple sénégalais ne s’est pas vraiment exprimé puisque, sur une population estimée à 19 millions lors du dernier recensement, seuls 3 649 959 ont voté. Ce qui est important de rappeler à ces analystes, c’est que la souveraineté populaire recoupe la définition de la démocratie, mais ne l’épuise pas : ce n’est pas simplement l’expression directe et sans filtre de la volonté du Peuple. Ceux qui ont porté au pouvoir le tandem Diomaye-Sonko ont choisi en connaissance de cause. Avant de choisir, on a étudié une situation, consulté, tendu l’oreille aux différents candidats à la députation dont le leader du parti Pastef, l’actuel homme fort du pays. On peut comprendre qu’il y ait des choses à améliorer pour tendre vers une démocratie participative avec une population toujours plus éduquée et plus informée ; on peut reprocher à toutes les démocraties représentatives d’être trop oligarchiques. C’est ce que rappelle, d’ailleurs, Pierre Martin lorsqu’il précise : «Le gouvernement représentatif comporte à la fois des traits démocratiques et des traits non-démocratiques. La dualité est dans la nature et pas seulement dans le regard de ceux qui l’observent (…) La désignation des gouvernants par élection au suffrage universel et sans condition d’éligibilité combine plus étroitement encore les dimensions démocratiques et non démocratiques… L’élection apparaît comme une procédure inégalitaire et non démocratique, car contrairement au sort elle ne donne pas à n’importe qui le souhaitant une chance égale d’accéder aux fonctions publiques. L’élection est même une procédure aristocratique ou oligarchique en ce qu’elle réserve les charges à des individus éminents que leurs concitoyens jugent supérieurs aux autres…» (P. Martin, Principes du gouvernement représentatif 1995, pp306-308).
Par ailleurs, le Peuple peut bien se tromper : qu’il déraisonne au point de produire des lois absurdes ou de désigner un chef tyrannique -on sait que la critique est aussi vieille que Platon, qui n’était pas favorable à la démocratie, régime qui risquerait à tout moment, pense-t-il, de virer en «ochlocratie»- mais un bon régime politique a besoin d’un chef, de tribuns (représentants les intérêts du Peuple) contre les «grands» ainsi que d’institutions fortes qui assurent l’ordre public. Il est vrai que toute contrainte est pénible à l’homo democratus devenu exigeant, pensant même que tout est possible : il ne supporte même plus la limitation de la condition humaine, la mort, notait Dominique Schnapper dans son ouvrage La démocratie providentielle, Essai sur l’égalité contemporaine (2002). Seulement, comme le pensait Durkheim, qui insistait sur l’importance des «limitations», faute de limites posées à leurs désirs, les individus finissent par éprouver le «mal de l’infini».
On ne s’insurge nullement contre la critique car elle est nécessaire en ce qu’elle manifeste la liberté politique, mais elle deviendrait destructrice si elle tombait dans l’outrance. Le risque majeur serait de passer d’une démocratie «réglée» à une démocratie «extrême» selon les termes que nous empruntons à Montesquieu. Ce dernier considérait, d’ailleurs, que le principe démocratique était la vertu ; il entendait par là : le respect des lois, l’amour de la Patrie et un minimum de vertu au sens moral du terme. Concrètement, on ne respecterait plus le résultat des élections sous prétexte que l’on a voté contre la majorité, ni la légitimité des élus ni les lois qui permettent de régler la vie en société. Une démocratie ne vit que grâce à la confiance de ses membres : c’est la confiance entre ses membres qui crée le lien social, et c’est le respect des institutions qui permet l’exercice de la démocratie (Dominique Shnapper, 2014).
Qu’on nous le concède : le respect de la souveraineté populaire est le cœur de l’idéal politique et Ousmane Sonko est celui qui incarne pour l’instant cet idéal, le changement auquel nous aspirons d’ici 2050, surtout qu’il a la confiance des Sénégalais qui n’ont pas voté pour les investis, mais ont plébiscité l’homme.
Le «Projet» décliné, vendu aux Sénégalais pour un changement systémique, a besoin d’hommes courageux, de guides éclairés, prêts à tous les sacrifices dont le don de soi pour la Patrie. Le promoteur majeur du projet, qui a tout donné au pays, est le plus habilité à l’exercer, à le protéger. Et, nous pensons honnêtement que la place de Ousmane Sonko est à la Primature ; il ne doit pas aller à l’Assemblée Nationale, à moins qu’il décide d’ignorer les propositions à l’interne.
Ceux qui poussent Ousmane Sonko à l’Assemblée nationale sont des opposants ou frustrés de l’ancien régime qui tentent d’influencer, mais qui n’auront pas gain de cause : le Peuple les a vomis et le duo Diomaye-Sonko qu’ils minimisent est plus futé qu’eux.
Notre Pros national a sillonné le pays : plus de 5000 km à l’intérieur du pays, département après département, pour expliquer aux Sénégalais sa vision d’un projet d’espoir qui, à coup sûr, amènera notre pays sur les rames du développement. Il doit rester le pilote et veiller sur le «Projet» qu’en restant Premier ministre, surtout que de nouvelles dispositions, comme l’a annoncé le Président Diomaye, vont renforcer les pouvoirs du Premier ministre. Pour la réalisation du «Projet», Ousmane Sonko a besoin de disposer de plus de pouvoirs : il ne peut plus se limiter aux pouvoirs que lui confère la Constitution.
En sus, des pouvoirs partagés avec le Président soumis à son contreseing, on attend à ce que le Premier ministre dispose davantage de pouvoirs du fait de sa légitimité populaire, surtout que c’est la volonté du Président Diomaye de renforcer les pouvoirs du Premier ministre et de soutenir éventuellement la candidature de son ami à l’élection présidentielle de 2029, pourvu que durent la complicité, l’amitié entre les deux hommes espoirs de tout un Peuple.
Bira SALL
Professeur de Philosophie au Lycée Ababacar Sy de Tivaouane
Chercheur en Education et Formation.
sallbira@yahoo.fr
Alioune Fama DIOP
Cadre administratif en RH .Spécialiste en évaluation des performances en milieu organisationnel.
alifa.diop@gmail.com