L’évolution des relations internationales de ces dernières années, pour qui s’intéresse aux théories politiques, aura nettement laissé voir se dessiner de nouveaux types de partenariat qui ne sont pas sans réinterroger la notion d’«alliance». Et s’il en est ainsi, c’est parce que ce concept très prisé de nos jours dans le monde politique, est devenu très relatif.
En effet, de nouveaux visages que donne à voir le monde politique, construits sur la base de partenariats d’un type nouveau, non adossés à une logique d’appartenance aux mêmes réalités idéologiques, ni fondés sur une vision commune liée au sentiment d’appartenance à un même destin, décrivent désormais la réalité du monde politique. Une image à partir de laquelle on peut largement extrapoler afin de repenser le monde en redéfinissant la question du «sens«. Et cette question du sens, liée à la nature et au destin des alliances menacées dans leur logique, est devenue une question cruciale dont la réponse indiquera sûrement sur quels principes se construira la politique étrangère des puissances de notre monde.
Il est admis, comme l’affirmait Richard Haass, un expert en relations internationales, que «le ciment antisoviétique qui agissait durant la guerre froide a disparu depuis longtemps». Mais, ce qui est étonnant, au regard de la politique étrangère des Etats, c’est ce constat d’intrigants rapports qui se nouent entre certains Etats que rien ne lie a priori, idéologiquement parlant. On assiste de plus en plus, en effet, à des spectacles qui relatent des alliances bizarres, laissant ainsi penser à «un mariage sans amour au sein duquel les deux parties continuent à vivre sous le même toit sans plus aucun lien réel entre-elles», ajoute Haass.
Mais, le son de cloche avait déjà été donné par les Etats-Unis, en particulier le ministre de la Défense de l’époque, Donald Rumsfeld, à travers ces propos avancés, pour parler de la lutte contre le terrorisme : «Il n’y a pas une seule coalition. Il y a différentes coalitions… C’est la mission qui doit déterminer la coalition.» Terrible aveu qui nous fait apprécier autrement les relations entre Etats.
Il est évident que ces dites relations se présentent sous un jour nouveau. Les cartes ont ainsi été redistribuées depuis cette annonce de Rumsfeld, même si Obama, durant son magistère, a tant bien que mal respecté le partenariat fondé sur la communauté de valeurs.
Toutefois, avec Trump au pouvoir, nous assistons à la fin des «alliances gravées dans le marbre», avec la naissance d’un nouveau type de rapport qui consacre une approche mercantiliste, faisant état de sanctions drastiques que le Président américain n’hésite pas à appliquer à ses concurrents (dont certains sont pourtant de proches alliés politiques). Le désengagement de Trump vis-à-vis de l’Otan dont le financement, assumé pour une très grande part par les Etats-Unis (75%), en dit long sur les nouvelles règles du jeu politique.
Ailleurs, la Turquie de Recep Tayyip Erdogan joue elle aussi sur un nouveau modèle politique qui fait fi des critères des démocraties contemporaines, en se mettant à dos l’Otan et en cherchant de nouveaux partenaires de remplacement, à l’instar de la Russie, de la Chine, de l’Iran… Il est clair que ce nouveau type de partenariat se fonde exclusivement sur l’intérêt, un partenariat «à la carte» tout bonnement, dont les protagonistes se fréquentent dans la méfiance réciproque (la Russie ayant été, il y a peu, un adversaire de la Turquie). Comme quoi, «les affaires sont les affaires». Mais le côté politique du sujet est plus étonnant encore.
En effet, les Etats-Unis ont montré qu’ils avaient les moyens de faire capituler leurs adversaires, car, malgré la condamnation de l’Union européenne, suite à la sortie des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire iranien, les grandes entreprises ont commencé à se retirer d’Iran, en raison de leur dépendance vis-à-vis du marché américain.
L’exemple syrien vient s’ajouter à ce partenariat d’un genre nouveau, à l’instar du processus d’Astana (un ensemble de rencontres multipartites), bien entretenu par la Russie, la Turquie, l’Iran, aux côtés de la Syrie ; autant de pays dont le partenariat ne repose ni sur des valeurs communes ni sur des intérêts convergents de longue date, mais sur un calcul mûrement entretenu par la Russie notamment, et dont la pierre angulaire demeure le paramètre naval, élément moteur dans les relations russo-syriennes. Et la Turquie quant à elle, est le premier partenaire commercial de la Syrie…
Autant de raisons de penser l’équilibre fragile du monde, avec la nature nouvelle des partenariats politiques. On ne perd pas de vue que la Russie, depuis la chute du bloc de l’Est et de l’Urss, ne croit plus aux alliances, mais plutôt à une convergence immédiate d’intérêts.
Quant à Erdogan dont le rival saoudien est fragilisé par le meurtre du journaliste Khashoggi, s’alliant au Qatar, pire ennemi de Ryad, il ne cache pas son désir de préserver l’intégrité territoriale syrienne, afin de poursuivre ses opérations contre les milices kurdes.
Pour Trump, les choses sont déjà claires avec l’affirmation de son slogan de campagne «America First», dont la conséquence est illustrée par ces fameuses sanctions opérées sur des entreprises étrangères, et qui confirment la volonté du Président américain de bousculer les règles commerciales mondiales. Et pour parler de sa curieuse alliance avec Mbs, le prince saoudien, Trump n’a pas hésité à évoquer l’achat d’armes américaines ou encore la stabilité des prix du pétrole, dont Ryad est le premier exportateur mondial. Et par là, nous comprenons que le Président américain minimise l’accusation d’assassinat de Khashoggi par le Prince Mohamed Ben Salmane, accusation pourtant clairement formulée par la Cia.
Tout ceci au nom d’une logique des intérêts qui précipite notre monde vers un désordre certain.
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