Pour une refondation institutionnelle du secteur de l’action sociale au Sénégal

Le Plan de redressement économique et social (Pres), présenté par le gouvernement du Sénégal, ouvre une nouvelle ère de gouvernance fondée sur la rigueur budgétaire, l’efficience administrative et la justice sociale. Deux axes stratégiques majeurs méritent une attention particulière : la réduction du train de vie de l’Etat et la rationalisation des institutions publiques, notamment par le biais de fusions structurelles. Ces mesures traduisent une volonté affirmée de modernisation de l’action publique et appellent une révision en profondeur des dispositifs institutionnels, particulièrement ceux relatifs à la protection sociale et au développement humain.
Dans ce contexte, l’architecture actuelle du secteur social révèle une fragmentation préoccupante. En effet, la multiplication des structures en charge de la mise en œuvre des politiques sociales entraîne une dispersion des compétences, des chevauchements d’attributions, ainsi qu’un déficit de lisibilité pour les citoyens et les partenaires techniques et financiers. Plusieurs institutions interviennent sur des périmètres similaires, souvent sans coordination optimale. A titre illustratif, on peut citer :
la Délégation générale à la protection sociale et à la solidarité nationale (Dgpsn), rattachée à la Présidence ;
la Direction générale de l’action sociale (Dgas), relevant d’une tutelle ministérielle ;
la Direction générale du développement communautaire et de la promotion de l’équité (Dgdce), avec ses directions techniques internes ;
le Fonds de solidarité nationale (Fsn) ;
Divers programmes, agences, fonds et projets de filets sociaux.
Certes, chacune de ces entités remplit un rôle important dans son domaine. Toutefois, l’absence d’un pilotage stratégique unifié et d’une autorité centrale spécifiquement dédiée à l’action sociale et à la solidarité nationale limite considérablement leur efficacité. Cette situation engendre plusieurs conséquences, notamment :
une dilution des responsabilités ; des lenteurs dans la mise en œuvre des interventions ;
une gestion non rationalisée des ressources humaines, matérielles et financières ;
une absence de capitalisation des actions ; un impact social limité malgré l’ampleur des moyens mobilisés ; une perte de confiance des bénéficiaires ;
ainsi qu’un suivi-évaluation et une traçabilité insuffisants.
Dès lors, dans le sillage du Pres et dans une logique de rationalisation des politiques publiques, il devient impératif de repenser en profondeur le cadre institutionnel du secteur social. La création d’un ministère du Développement social et des solidarités, doté de compétences élargies et de moyens renforcés, apparaît comme une nécessité stratégique incontournable. Un tel ministère permettrait :
de regrouper les structures existantes sous une autorité unique (Dgpsn, Dgas, Dgdce, Fsn, etc.) ;
de piloter la politique sociale de manière transversale et intégrée, prenant en compte les filets sociaux, l’inclusion économique, l’autonomisation et la résilience communautaire ;
de renforcer la territorialisation des actions sociales, en s’appuyant sur des relais locaux pertinents ;
de mettre en œuvre des stratégies cohérentes et inclusives de protection des groupes vulnérables (enfants, personnes âgées, personnes vivant avec un handicap, femmes en situation de précarité, etc.) ;
de promouvoir une approche fondée sur les droits humains, la justice sociale et l’autonomisation durable des populations.
Le développement social ne saurait plus être relégué au second plan. Il constitue un levier fondamental de stabilité nationale, de paix sociale et de progrès inclusif. Les objectifs du Pres convergent d’ailleurs avec ceux de la Stratégie nationale de développement à l’horizon 2029, notamment en matière de lutte contre la pauvreté, de résilience des ménages, de développement communautaire et d’équité sociale et territoriale.
La création du ministère du Développement social et des solidarités permettrait ainsi de traduire ces ambitions en actes, en cohérence avec les priorités nationales.
Il convient de souligner que ce plaidoyer ne vise nullement à remettre en cause les efforts existants, mais plutôt à capitaliser sur les acquis. Une telle refondation offrirait l’opportunité de fédérer les expertises et de renforcer les synergies. Ainsi, la Dgas, forte de son expérience dans la protection sociale et l’encadrement des services sociaux, la Dgpsn, innovante dans la mise en œuvre des filets sociaux, la Dgdce, engagée dans le développement communautaire et la promotion de l’équité, ainsi que le Fsn et d’autres acteurs institutionnels pourraient œuvrer ensemble, de manière coordonnée et efficace, au sein d’un dispositif institutionnel unifié.
Ce changement de paradigme permettrait de bâtir une politique sociale cohérente, inclusive et axée sur les résultats, avec un fort impact social.
Cette contribution s’inscrit dans une démarche citoyenne et constructive. Elle émane d’un professionnel du travail social, témoin direct des vulnérabilités croissantes, des dysfonctionnements institutionnels et des attentes profondes de nos concitoyens. La création d’un ministère du Développement social et des solidarités constituerait un signal politique fort, traduisant la volonté de placer l’humain au cœur de l’action publique.
Elle permettrait de renforcer le capital humain, de soutenir les dynamiques communautaires et de poser les bases d’un Sénégal plus solidaire, plus équitable et plus résilient.
Aujourd’hui, l’histoire nous offre une opportunité précieuse de refonder le secteur social. Ne la manquons pas.
Malick NIASSE
Conseiller en Travail Social
Spécialiste en ingénierie sociale et en mediation
Tel: 772305690
Kilamniasse@gmail.com