Le Professeur Abdoulaye Dieng s’interroge sur la pertinence de la suppression éventuelle du poste de Premier ministre. Le constitutionnaliste avertit sur les conséquences d’une telle loi.
La suppression annoncée du poste de Premier ministre continue de faire débat. Et le Professeur Abdoulaye Dièye, qui était hier l’invité de l’émission «Objection» de Sud Fm, s’interroge surtout sur les motivations de cette idée du chef de l’Etat. Après avoir rappelé les contextes sous Senghor et Diouf, le constitutionnaliste se demande toutefois, pour ce qui concerne Macky Sall, si cette décision a été «bien mûrie» alors qu’on sortait de la révision constitutionnelle de 2016. Il dit n’avoir pas le sentiment que «le Président a été gêné au niveau du pouvoir exécutif» au point de penser supprimer cette institution. «On cherche, mais on ne trouve pas d’explications sur la pertinence de cette suppression. Il faut tout de même éviter la spéculation. Ma conviction est que, quand les réformes ne sont pas mûries et fondées sur des règles consensuelles, on n’a jamais la solidité», a-t-il dit.
«Le mode de scrutin fait partie des réformes que l’on attendait»
En attendant de voir l’exposé des motifs de cette loi annoncée, l’enseignant chercheur à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Ucad expose les conséquences d’une telle réforme. «En cas de suppression, il n’y a plus de droit de dissolution du Parlement, ni de possibilité de voter une motion de censure. Je ne crois pas que cela soit bon parce que les expériences ont montré qu’à part les Etats-Unis, partout où il y a eu ce type de régime, il y a eu parfois blocage. Et dans tous les cas, ce n’est pas cela qui renforce le pouvoir législatif. Le gouvernement en tant qu’organe constitutionnel n’existe plus. Alors, quand il y a crise, les mécanismes de sortie sont la motion de censure et le droit de dissolution», souligne-t-il. Mais pour lui, «les réformes que l’on attendait, si on veut vraiment aller dans un système d’équilibre, c’est peut-être essayer de revoir le mode de scrutin ou de maintenir le poste de Premier ministre pour équilibrer un peu». Il rappelle d’ailleurs que les Assises nationales et la Cnri l’avaient suggéré.
«En cas de suppression, le Président ne pourra rien contre l’Assemblée»
Pr Dièye trouve d’ailleurs qu’il y a un paradoxe dans le fonctionnement des institutions. «Au Sénégal, c’est le gouvernement, qui ne détermine pas la politique de la Nation, qui est responsable devant le Parlement. C’est un problème. Mais dans les régimes parlementaires monistes, c’est l’organe qui détermine la politique de la Nation qui est responsables devant le Parlement. Là au moins, il y a une cohérence. Au Sénégal, si jamais l’Assemblée vote une motion de censure, ce n’est pas le Président qui est touché, mais le gouvernement. Quand il y aura suppression du poste de Premier ministre et qu’on respecte l’orthodoxie, le Président ne pourra rien contre l’Assemblée nationale. Et c’est cela le problème. Maintenant, on peut imaginer qu’il (Macky Sall) fasse comme Senghor qui avait supprimé le poste, mais avait institué le droit de dissolution», indique-t-il.
hamath@lequotidien.sn
Une Tempête dans un verre d’eau
Cette expression française semble bien convenir à la déclaration de suppression du poste de Premier Ministre au Sénégal. Quelle que soit la force de la tempête, elle ne risque pas de faire de grands dégâts dans un verre d’eau, sauf de le renverser, et là aussi il n’y a pas de quoi créer une agitation nationale puisque c’est le futur défénestré lui même qui nous explique la pertinence.
Trois ans d’application, au plus, et on reviendra à l’orthodoxie !