L’écrivain et cinéaste sénégalais, Sembène Ousmane (1923-2007), dont on célèbre ce vendredi le 16ème anniversaire de la disparition, a bâti toute sa carrière littéraire et cinématographique sur la voie du marxisme, a indiqué à l’Aps le critique et universitaire germaniste, Professeur Maguèye Kassé.
Selon le Pr Kassé, Sembène, qui a débuté par une carrière de romancier avant son basculement vers le cinéma, a été influencé par l’idéologie marxiste qu’il a découverte dès son arrivée en France, au début des années 1940.
Docker dans les ports marseillais pendant dix ans, il a été très tôt gagné par la lutte des classes, a affirmé le Professeur Kassé, par ailleurs président de l’association Sembène Ousmane.
«On fait une analyse très incomplète de l’œuvre de Sembène Ousmane lorsqu’on veut lui enlever ce qui fait sa substance, notamment une position marxiste affirmée très concrète de l’analyse des situations qu’a connues l’Afrique dans ses différents démembrements, une analyse qu’il traduit dans ses œuvres cinématographiques et littéraires», a fait remarquer Maguèye Kassé lors d’un entretien accordé, jeudi, à l’Aps.
L’universitaire, membre du Parti de l’indépendance et du travail (Pit), où Sembene a aussi milité, souligne que «les classes moyennes qui se sont paupérisées davantage ont été montrées avec beaucoup de crédibilité par Sembène dans la plupart de ses films, qu’il s’agisse des longs métrages comme Le Mandat (1968), Xala (l’impuissance, 1975) ou encore Guélewar (1992)».
Pour ce dernier film, Maguèye Kassé souligne que Sembène montre qu’il y a une union et une unité qui peuvent bien «s’opérer entre des gens qui ont, des fois, des croyances différentes, à condition d’identifier clairement les causes de leur situation et des problèmes auxquels ces personnes de religions différentes étaient confrontées».
Dans tout ce que le cinéaste sénégalais a écrit ou filmé, poursuit Maguèye Kassé, «on voit en filigrane, son engagement communiste et ce qu’il a appris du marxisme avec une analyse concrète de situations concrètes, et surtout, de pouvoir apercevoir, déceler, identifier et démontrer l’ensemble des contradictions qui agitent des sociétés en mutation permanente».
L’écrivain et journaliste Boubacar Boris Diop abonde dans le même sens, quand il soutient que «cet engagement communiste de Sembène Ousmane est omniprésent aussi bien dans l’écriture à travers ses œuvres littéraires que dans le cinéma avec ses films».
«Dans ses œuvres littéraires, le roman Les bouts de bois de Dieu porte sur la grève des cheminots où il a mélangé les deux grèves et les personnages de ce roman sont au service des gens défavorisés, de la classe ouvrière. C’est le personnage de Bakayoko qui a été inspiré par le syndicaliste de gauche Ibrahima Sarr qui lui a servi de modèle», a expliqué Boubacar Boris Diop. Il note qu’il n’y a pas un seul film de Sembène où l’on ne sente pas cet engagement.
Il a notamment fait allusion au film Le Mandat avec lequel, dit-il, «le facteur donne une réponse typiquement communiste au personnage principal Ibrahima Dieng en disant «toi tu vas changer cela, moi, nous tous ensemble, nous allons changer ce pays»».
Avec Le mandat, Sembène Ousmane peint sur un ton humoristique la nouvelle société sénégalaise post indépendance à travers l’histoire de Ibrahima Dieng à qui son neveu émigré en France envoie un mandat, explique Diop.
Boubacar Boris Diop évoque également le «regard très tendre» de Sembène à l’endroit des classes défavorisées et en particulier de la classe ouvrière.
«Cela vient de sa formation au Parti communiste français où il a milité et dont il a gardé à Yoff la carte jusqu’à sa mort», a rappelé l’auteur du livre Murambi, le livre des ossements, publié en 2000.
Celui que l’on appelle affectueusement «l’Aîné des anciens» et dont on célèbre cette année le centenaire de la naissance, a été aussi un syndicaliste membre de la Confédération générale du travail fondée en 1895, en France.
Boubacar Boris Diop comme le professeur Maguèye Kassé observent que c’est à partir de ce séjour français que Sembène Ousmane aurait développé ses convictions politiques et son militantisme communisant.