Il y a des figures dont le Peuple noir continuera toujours de se souvenir. Non pas de leur personne mais plutôt de leur plume, de leur dévouement et de leur combat intellectuel pour la réhabilitation de la race noire. Il s’agit bien de celles de Senghor et de Césaire, et son «élève» Fanon. Mercredi, une table ronde intitulée «Transphilosophies Voix – Césaire, Fanon, Senghor» a été organisée par la philosophe, Seloua Luste Boulbina, dont le thème est «Une littérature pirate ?». En ce sens, d’éminents professeurs de lettres (Mamadou Ba, professeur de littérature ; Ousmane Diakhaté, professeur de littérature ; Bado Ndoye, professeur de philosophie) ont fait une étude comparative entre ces trois grands acteurs et auteurs de la libération du Peuple noir. Pour mieux faire comprendre ce thème «incompris» pour bon nombre de participants, Mamadou Ba, enseignant à la Faculté des Lettres et sciences humaines, tente de lever le coin du voile sur le mystère autour de ce dernier. Il dit : «Je pense que la signification du mot pirate c’est celui qui est faible, qui est dominé et qui va chercher chez celui qui le domine comment voler les armes pour se battre contre le dominant. Objectivement c’est celui qui est plus faible, qui n’a pas de puissance et qui est totalement dominé par rapport aux autres. Qui ne peut pas fabriquer des armes aussi fortes comme celles de l’autre. Donc, on va piller les armes de l’autre ou on va retourner les armes de l’autre contre lui-même. L’idée, c’est que la culture occidentale est la culture dominante : c’est le colonialisme, l’impérialisme. Et les noirs vont chercher les armes chez les dominants pour les retourner contre eux. Il faut comprendre qu’il s’agit là de l’arme de l’intelligence. Le Peuple noir était assujetti et dépossédé matériellement, culturellement, spirituellement et économiquement. Il fallait donc mener la guerre de libération intellectuelle, mentale.»
Fanon considérait Senghor et Césaire comme des
théoriciens
Malgré qu’ils soient tous des noirs, il faut noter que les trois hommes de lettres se démarquent de leur style. Selon le professeur Ba, Fanon est plus radical que Senghor et Césaire. Il considérait ces derniers comme des théoriciens et non des hommes d’action. «Césaire et Fanon sont des Antillais. Les Antillais sont des descendants d’esclaves et donc ils n’ont ni passé, ni culture, ni histoire, ni religion. C’est le peuple qui a été dépouillé de toutes ses significations et un peuple qui a été abandonné et transposé. C’est pourquoi leur écriture et leur poésie sont beaucoup plus revendicatives, violentes et agressives. Senghor c’est un Africain qui vit dans sa communauté, sa culture, sa religion, qui vit avec ses parents dans un environnement social, culturel, économique. Donc, sa poésie s’est surtout attachée à regretter l’Afrique, à présenter une belle image de l’Afrique traditionnelle. C’était une façon de contester, de montrer que ce continent ne doit pas être colonisée et que celui-ci à sa culture, sa religion, sa politique», compare-t-il.
Une Saison au Congo de Césaire jouée par les étudiants en wolof
Une des scènes traduites en wolof par Boubacar Boris Diop a été jouée par des étudiants. Il faut dire que dans cette scène, l’on a voulu faire comprendre aux spectateurs comment le général Mobutu, chef des armées congolaises, a profité de la situation pour prendre le pouvoir des mains de Patrice Lumumba. Le professeur Ousmane Diakhaté explique la scène. Il dit : «Suite à la conférence de Berlin de 1884 qui partagea l’Afrique entre les autres les pays européens. Le Roi belge, Léopold 1er, obtint pour la petite Belgique (30 500 km2), le Congo (2 345 000 km2) qui constitue sa propriété. Mais autour de 1960, il y a eu le vent des indépendances. La Belgique a donc compris que là où les colonies françaises, portugaises, espagnoles obtenaient l’indépendance, il ne peut pas continuer à conserver ses colonies. Il va convoquer une table ronde à Bruxelles ou on décida d’accorder l’indépendance au Congo. Et on improvisa un gouvernement avec un Président, Kasavubu, chef d’un parti, un Premier ministre, Patrice Lumumba. On pensait par-là donner un semblant de liberté mais tout en continuant à exploiter la Belgique. Donc, la Belgique a cru trouver une solution, c’est-à-dire rester sans partir.»
Stagiaire