Première exposition de Melick Kaboré au Sénégal : Quand l’habituel devient exceptionnel
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Une échappatoire colorée ! C’est par ce procédé que Melick Kaboré, alias Retrokab, a repris goût à la vie après le confinement. L’artiste photographe expose ses œuvres à la galerie Studio quatorzerohuit jusqu’à la fin du mois de juin. «Rétrospection» est une lecture simpliste de la vie tout en soulignant les détails qui échappent à la mémoire collective.Par Malick GAYE
– Le don étant acquis, Retrokab a travaillé son talent au point de toucher la sensibilité du public en rendant l’habituel exceptionnel et l’exceptionnel banal ! Avec son appareil photo ou le plus souvent son smartphone, il révèle dans ses photographies des détails invisibles à l’œil nu. Des détails pourtant autour de nous, dans les reflets de l’eau, sur l’asphalte ou encore dans des miroirs… Retrokab est donc un photographe qui a appris à observer la nature, son environnement et à saisir l’instant présent. Lors de ses voyages à travers le monde, il part à l’aventure et capte des scènes de vie singulières. L’œuvre qui illustre le mieux sa vision est cette photographie de trois Ivoiriens mochement maquillés, revenant d’une fête communautaire. Les couleurs merveilleusement exaltées ou pixélisées peuvent accrocher le visiteur pendant de longues minutes. «Je me sentais comme mort pendant le confinement en France. Ce retour aux sources est important pour moi. Cela m’a permis de me sentir mieux», a affirmé l’artiste pour expliquer son besoin d’immortaliser la vie. C’est ainsi que sa fibre artistique s’est révélée. En effet, né à Abidjan en 1999, Melick Kaboré était à Rouen, en France, pour suivre des études de médecine, biologie et marketing. Le confinement imposé par le Covid-19 a été un mal nécessaire pour lui. Obligé de s’y conformer, Melick Kaboré décide de retourner dans sa Côte d’Ivoire natale pour se ressourcer. Sur place, son penchant artistique a pris le dessus. Il décide de rester et s’adonner à la photographie. Sa muse, il ne la cherche pas loin. Il se pavane avec son téléphone ou son appareil photo à la recherche d’une histoire, d’une originalité ou d’une scène qui doit être racontée. «Mes œuvres ne sont jamais prédéfinies. Je prends des photos et c’est bien après que je décide de les retoucher», a-t-il expliqué. Cette instantanéité recherchée dans ses prises de vue se lit parfaitement devant le portrait d’une Goréenne. La dame tenant son bébé par les bras, montre le dos à l’objectif tout en marchant vers une farandole de couleurs à l’horizon et en tenant un sac pour enfant. L’image est à la fois parlante et muette. Le visiteur, à coup sûr, prendra du plaisir à l’interpréter. C’est le même cas de figure pour un conducteur de calèche rufisquois. Toujours l’objectif derrière le dos, la photo de Serigne Touba imprimée sur sa veste en jean, il scrute l’horizon avec le bleu comme fond. Cette œuvre a une beauté inexplicable. Si Retrokab sait utiliser la technologie pour faire des miracles, son sens artistique peut plonger le visiteur dans une interrogation sans fin. Avec ses amis, il a matérialisé le retour aux sources en photographiant leurs reflets dans l’eau tout en renversant l’image. Les chaussures Air force one, bien visibles sur les pieds de ses modèles qui sont au bord de l’eau, marquent un contraste saisissant. Retrospection ne se raconte pas, elle se savoure et se vit !
mgaye@lequotidien.sn