Fort de ses traditions démocratiques et riche de ses réflexions doctrinales, tissées au cours de son histoire et perpétuées après son indépendance, le Sénégal a fait école et exception en Afrique.

Partout, on parle d’un modèle sénégalais, fondé sur le dialogue, le consensus et la tolérance, et dont la réussite résidait pour beaucoup dans le comportement vertueux et ingénieux de son Peuple et de ses dirigeants.

Senghor, premier président de la République avait laissé derrière lui, une marque profonde et indélébile : le prestige, l’autorité, la dialectique des ethnies, la durée et même les circonstances qui transformaient les orages en destin.
Il avait accompli son œuvre, à savoir une certaine idée du Sénégal qu’il portait orgueilleusement dans le monde.

Aujourd’hui, les évènements qui se déroulent sous nos propres yeux ont plongé ce pays, le Sénégal, que nous chérissons tant, dans des violences inqualifiables, des manifestations meurtrières.

Le Sénégal qui se distinguait au sein de l’Afrique par un caractère curieusement personnel, est devenu malheureusement plein de contrastes. Alors qu’on nous acceptait original.

Notre modèle s’est dissous dans les sables. La normalité démocratique, l’écoute républicaine, la discussion avant l’action, les considérations plutôt que le mépris, des exigences et principes jetés aux orties.

Le malaise nous paraît trop réel et sérieux pour ne pas débuter nos propos par la gravité. On compte déjà les morts. On partage la tristesse des familles éplorées.

Le Sénégal est en proie à une crise de bestialité trop évidente. La vérité est trop sévère.

C’est pourquoi, il nous appartient tous ensemble d’apprécier ce qui se passe chez nous, de prendre la mesure de notre intervention, de notre utilité, de son sens. Dès lors, tout silence devient lourd de signification et de conséquences.
Cette violence inhabituelle nous interpelle furieusement. Elle n’est pas fondatrice. Elle ne peut être l’horizon politique de la République.

Nous devons rester un pays de tempérance avec un Peuple doté de ses normes, de ses limites et de ses devoirs.

Aucun Sénégalais capable de discernement ne souhaite voir l’intérêt et le prestige du Sénégal abîmés.

Chacun de nous exige et doit exiger que notre pays garde son rayonnement pour ne jamais cesser d’être en Afrique, un modèle et une exception.
Si le Sénégal est resté durablement un havre de paix, il le doit à l’intelligence et à la vigilance de tout un Peuple. Pour avoir renoncé à ces principes, il a amoindri son socle républicain.

Le pays est fracturé : un Sénégal côte à côte et un Sénégal face-à-face. La situation est accentuée par les expressions de toutes et de tous sur tous les sujets et sur les mêmes tons. Au final, la confusion s’ajoute à la confusion, la violence verbale à la violence verbale.

Il est urgent de calmer les esprits, d’où la nécessité impérieuse de sortir de ce fracas et de ce chaos, de ce climat délétère et de placer l’intérêt général au cœur des préoccupations nationales.

Les Sénégalais n’accepteraient trop longtemps de se satisfaire de cette irresponsabilité destructrice. La violence a suffisamment installé le désordre dans l’espace public. Un mort de trop serait inacceptable. «Armons la sagesse», enseignait le philosophe Aron.

Retenons haut et fort le maitre-mot : apaisement. Le temps effacera les rancœurs, gommera les angoisses et calmera les emportements. Nous disons une prière ardente afin que les mots apaisent et les décisions s’imposent.
La recherche de la construction des problématiques viendra plus tard.
L’Histoire commandant toujours la politique nommera les acteurs de l’abaissement funeste de la Nation.

Ensemble, souvenons-nous que le Sénégal ne sera construit que par les Sénégalais. Dans la mesure et dans la tolérance, dans le courage et dans la générosité.

Au-delà de nos appartenances politiques ou religieuses, le Sénégal reste une idée qui s’incarne dans la volonté de vivre ensemble avec un projet et un destin. Cela requiert un fonds commun : l’attachement à la communauté nationale, à la dignité de la personne, à la survie de la société et des libertés.

C’est pourquoi, chaque compatriote, à son heure, doit faire ce qu’il peut, ajouter sa présence à l’édifice et avoir les valeurs que d’autres, après lui, serviront pour que notre pays ne décline.

Il est encore temps de revenir à une perception d’une République sereine et consensuelle qui n’a pas peur d’elle-même, ni de son avenir, ni de ses talents, ni de son envergure.

Une République démocratique et vertueuse plus grande, plus forte, plus sûre d’elle-même puisqu’elle aurait plus rassemblé que divisé tous ses enfants.
Mamadou DIALLO
Avocat au Barreau de Paris
Docteur en droit