Le président de l’Ums ne trouve pas la présence du chef de l’Etat à la tête du Csm symbolique. Souleymane Téliko estime que c’est le symbole de la mainmise de l’Exécutif sur le pouvoir judiciaire.
Lors de son grand entretien le 31 décembre, le Président Macky Sall avait soutenu que sa présence à la tête du Conseil supérieur de la magistrature est purement honorifique. Le président de l’Union des magistrats sénégalais (Ums) balaie d’un revers de la main cette déclaration du chef de l’Etat. «S’il le dit, cela veut dire que le Président n’exerce pas de réels pouvoirs. Or la présence du chef de l’Etat, c’est un des éléments qui confortent la mainmise de l’Exécutif sur la carrière des magistrats», a insisté ce samedi lors du lancement de la Plateforme des acteurs de la société pour l’indépendance de la justice. Selon Souleymane Téliko, «les autres éléments ont trait au fonctionnement et aux attributions des postes». Il en conclut : «On ne peut pas dire que c’est symbolique alors qu’on est dans un système où les clés d’attributions sont exercées pour la majorité par les membres de l’Exécutif.» Le président de l’Ums précise : «Au sein du symbolique, il n’y a que trois pouvoirs. Un pouvoir de proposer qui est exercé par le ministre de la Justice, un pouvoir de mettre des avis qui est exercé par les magistrats et un pouvoir de nommer qui est exercé par le chef de l’Etat», dénombre-t-il. Ce qui l’amène à dire «que les attributions, à savoir le pouvoir de nomination et de proposition, qui sont les plus importantes, sont exercées par les deux membres de l’Exécutif». Quid du fonctionnement du Csm ? «Il n’y a pas de la transparence, ni d’appel à candidatures», persiste le juge Téliko qui estime que «c’est le ministre qui vient avec ses propositions et choisit de manière discrétionnaire». A l’en croire, les magistrats n’ont pas le droit de donner leur opinion si un magistrat est habilité à occuper un poste. «Cela veut dire qu’on n’a pas le pouvoir de dire que le choix n’est pas bon. On a une marge de manœuvre très marginale», dénonce-t-il. Alors que dans un système de transparence, «il y aurait eu un appel à candidatures, des critères préalablement définis avec un pouvoir de proposition exercé par les magistrats». Ce schéma aurait conféré un titre honorifique au chef de l’Etat. «Mais malheureusement, les magistrats n’ont pas le pouvoir de proposer, insiste M. Téliko. Le Président ne doit être là que pour entériner», ajoute M. Téliko, qui cite le cas de la France érigée en modèle absolu de notre système judiciaire. «En 2008, Sarkozy est sorti du Csm, car voyant qu’il n’avait pas de pouvoir sur la justice. L’accord donné par le chef de l’Etat est limité au chef d’attribution du Tribunal d’instance et de grande instance, mais il garde la nomination des chefs de Cour. C’est le ministre de la Justice qui fait des propositions, mais se concerte forcément avec le chef de l’Etat», éclaire le juge qui précise qu’on «ne doit pas biaiser le débat en indiquant la position de l’Ums». «Notre position n’est pas dirigée contre l’Exécutif. Nous voulons un système judiciaire fort, un pouvoir qui a les moyens budgétaires de son indépendance», plaide-t-il, après avoir encouragé la Plateforme citoyenne pour l’indépendance de la justice à s’engager dans la mise en œuvre de cette réforme.
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