Le one-man-show de Maître Moussa Diop, qui le conduit, direct, entre les mains d’ombrageux enquêteurs de la police, est un cas d’école : l’éminent avocat «inscrit au Barreau de Paris», ancien Directeur général de la société nationale de transport des voyageurs Dakar dem dikk à ses heures perdues, candidat déclaré à la Présidentielle de février 2024, vient cette semaine de saborder avec panache sa barque électorale.

Le sémillant rastaquouère résume, à lui tout seul, tout le savoir-faire bien sénégalais de revenir sur ses pas sans en avoir l’air ; l’art de se renier en rejetant la faute sur les autres ; le chic d’emprunter des chemins de traverse pour sortir de scène sans en avoir l’air…

En un mot comme en cent, notre longue liste des transfuges et des traîtres, notre tradition millénaire des reniements et des félonies.

Lire la chronique – Présidentielle 2024 : Un authentique Sénégalais au Palais

Il lui faut de la science, de la témérité et un brin d’instinct suicidaire, pour sortir de scène, après une entrée fracassante durant laquelle rien n’est négligé, du costume chic au rasage méticuleux, depuis les élucubrations précieuses jusqu’aux postures empruntées.

La sagesse populaire le dit si joliment, à propos de l’art du revirement : «Weulbatikou dam’oul ndig’ou diâne…»

A quel Maître Moussa Diop se fier ? Parce qu’il y a comme un glissement de sémantique, c’est un euphémisme, entre son bras de fer avec Barthélemy Dias, alors irascible modeste maire de Mermoz, et ses mamours avec le même édile, quelque temps après. Maître Moussa Diop, le Directeur général de Dakar dem dikk, mais surtout serviteur zélé du régime de Macky Sall, n’est plus le même homme que le brave «avocat inscrit au Barreau de Paris» qui se retrouve au chômage et reprend des couleurs à travers une réconciliation médiatique avec l’ennemi juré, sous la bénédiction de Ousmane Sonko, le magnifique patron des énervés, alors Pape incontesté du buzz.

Lire la chronique – Présidentielle 2024 : Un superstitieux au Palais

Certes, du gasoil flambe bien longtemps dans les bus entre-temps et on voit déjà venir Maître Moussa Diop avec ses grosses roues… A quoi faut-il sérieusement s’attendre, lorsqu’il propose avec aplomb un avenir à dix-huit millions de Sénégalais qu’il toise depuis sa superbe, et auxquels il ne semble rien comprendre ?

S’attend-il aux sordides obstacles qui se dressent devant lui : les parrainages de la racaille et la caution de trente vulgaires millions de francs Cfa ?
Apparemment, ça l’affiche mal et jeter l’éponge pour ces considérations triviales serait indigne de son standing. Finir sa campagne pré-électorale en garde à vue commanditée par le procureur de la République soi-même, est une option honorable. C’est celle qu’il choisit, et grand bien lui fasse…

Lire la chronique – Présidentielle 2024 : Un je-m’en-foutiste au Palais

Il n’est pas le premier, ni le seul, encore moins le dernier. On rembobine ?

Récemment, Youssou Ndour, en personne, après une démission médiatisée de la coalition présidentielle et une candidature pour l’honneur, avoue que la marche est trop haute. Un peu comme son ancien collaborateur Mamoudou Ibra Kane, devenu honorable patron de presse, qui lâche tout et lance un mouvement citoyen quelque temps avant de présenter sa candidature à la Présidentielle de 2024. Son speech sur l’imbroglio des parrainages cache à peine son désarroi…
Les centaines de candidatures, à n’en pas douter, se réduiront comme peau de chagrin à mesure que la date fatidique du dépôt définitif approche.

Faut-il s’en étonner ou s’en plaindre ?
A dire vrai, les deux plus sérieuses candidatures pour ces élections de 2024 sont déjà victimes de cet art de la pirouette…

La première, et plus sérieuse, élégante s’il en est, est celle du président sortant, Macky Sall. Son discours est plein de panache lorsqu’il annonce son intention de ne pas briguer un troisième mandat, le non moins «second quinquennat» auquel la loi lui donne droit. Pour ceux qui n’ont pas la mémoire courte, certes, le sujet est tabou depuis sa réélection en 2019. Les militants téméraires qui s’essaient à rappeler sa promesse de ne pas effectuer plus de deux mandats se font virer sans ménagement, tandis que ses inconditionnels qui font de sa candidature en 2024 une «demande sociale» prennent du galon.

Lire la chronique – Présidentielle 2024 : Un revenant du Nicaragua au Palais

Et puis les événements se suivent, et ne ressemblent pas à ce à quoi il s’attend…
Vous voulez mon avis sur son fameux «respect de la parole donnée» qui lui interdit d’y aller à la hussarde ? Non ? Ben, je vous le donne quand même : je n’en crois pas un mot… Je reste persuadé que sa décision ultime se base sur les sombres chiffres des dernières élections et la situation sécuritaire précaire des deux dernières années. Sa coalition bat de l’aile, à en perdre sa majorité parlementaire, et le Sénégal ne peut pas se payer le luxe d’une crise supplémentaire avec sa candidature forcément controversée, après les péripéties macabres de «l’affaire Sonko» qui le mènent au bord du précipice.
Une pirouette qui sauve sans aucun doute la République du chaos et lui redonne de belles couleurs à l’international.

Rien de comparable avec celles, à répétitions, de Ousmane Sonko, l’as des cabrioles, le gourou des bonimenteurs.

Le leader de Pastef commence sa série sur des chapeaux de roues : accusé de viols répétés par une jeune femme du nom de Adji Sarr, comprenez une vulgaire masseuse que son standing interdit de reconnaître, le président de la République (putatif) Ousmane Sonko, Pros pour les disciples, déploie ses talents d’acrobate : du mal de dos à la cinquième lombaire traité depuis l’enfance à la graisse de serpent, jusqu’au complot de l’Etat fomenté par les officines présidentielles, il n’en rate pas une, et aucune galipette pour épater la galerie n’est de trop.

Et puis, arrive le temps des reniements : parti de son tonitruant «gatsa, gatsa», alors que sa coalition opère une entrée fracassante au Parlement, on en arrive à un nostalgique «Sonko nam nâ la» quand le parti Pastef est dissous, son manitou en prison avec des chefs d’accusation d’une extrême gravité que des rumeurs inquiétantes viennent compléter.

Lire la chronique – Allez, un gougnafier au Palais

La réalité est bien prosaïque : sa prometteuse candidature en 2024 de même que le régime Pastef qu’il nous promet au lendemain de ses exploits à la Présidentielle de 2019 s’égareront sous les doux massages de Adji Raby Sarr. C’est un euphémisme, là encore.

Cela dit, vous voulez connaître ma pirouette préférée de cette élection de 2024 ? Ben, je m’en fiche, je vous la dis quand même.

Présenter sa candidature à la Présidentielle sous le patronyme de Dougoutigui Soumbounou, quand même son voisin ne le reconnaît pas, ça, c’est de l’audace, que dis-je, de la dangereuse cascade : il faut oser…
Je kiffe, comme diraient les jeunes.
Par Ibou FALL