Quand Karim Wade déposait ses dossiers au Conseil constitutionnel entre le 11 et le 26 décembre 2023 pour participer à l’élection présidentielle du 25 février 2024, le monde entier convient que sa déclaration sur l’honneur de renonciation à la nationalité française, ne pouvait être tangible, tant que l’acte la justifiant n’était pas produit à cette date. Nul n’ignore également que le décret portant rupture du lien d’allégeance du candidat Karim Wade à la Nation française a été signé le 16 janvier et publié le 17 janvier 2024, soit trois jours avant la publication de la liste définitive des candidats. La haute juridiction saisie par le candidat Thierno Alassane Sall par un recours contre la déclaration sur l’honneur de Karim Wade relative à l’exclusivité de sa nationalité sénégalaise, ne pouvait que constater logiquement, que le décret de perte d’allégeance était arrivé tardivement par rapport à la déclaration sur l’honneur de renonciation à la nationalité française du candidat Karim Wade.

Les délais en matière procédurale sont fondamentaux en Droit. C’est dire que lorsque le candidat Karim Wade faisait sa déclaration sur l’honneur au Conseil constitutionnel, il n’était pas exclusivement sénégalais et, en conséquence, le Conseil constitutionnel faisant œuvre de justice, ne pouvait que donner raison au candidat Thierno Alassane, lequel a visé la fausse déclaration sur l’honneur de son concurrent. Au-delà des règles de Droit, la vraie question substantielle que les Sénégalais devraient se poser pour celui qui se propose de les diriger est : pourquoi le candidat Karim Wade a attendu la veille de l’élection présidentielle de février 2024 pour renoncer à sa nationalité française ?

La perte du lien d’allégeance qui suppose la perte de la soumission et de la fidélité à une Nation ne suffit pas pour la perte de nationalité. Il faut également la perte du lien social qui est un faisceau de convergence d’intérêts et de sentiments. Or, n’oublions pas que le candidat Karim Wade, condamné à payer l’Etat du Sénégal pour plus de 130 milliards de F Cfa, avait exhibé sa nationalité française urbi et orbi pour s’opposer à la saisie de ses comptes bancaires à Monaco. Celui qui hier réclamait sa francité pour protéger des intérêts financiers, réclame aujourd’hui sa sénégalité exclusive pour diriger le Sénégal. Quel paradoxe. Le Président Senghor considérait que le sentiment d’appartenance à une entité territoriale par le commun vouloir de vie commune est le fondement d’une Nation ; il est évident que ce sentiment n’est pas circonstanciel, il est immuable, car fondé sur une culture.

Plus grave encore, l’ancien ministre du ciel, de la terre et la mer, qui naviguait aux quatre coins du monde comme un pilote de long courrier et qui voudrait mordicus succéder à son père, s’en prend aujourd’hui à de dignes magistrats indépendants, courageux et intègres ayant blanchi sous le harnais pour avoir dit le Droit comme de coutume. Les multiples témoignages qui fusent de partout, d’hommes de bonne foi de tous les bords sur l’intégrité de ces hauts magistrats, attestent éloquemment de la probité morale et intellectuelle de ces dignes fils du Sénégal.

Nous comprenons qu’à travers les graves accusations contre les sages du Conseil constitutionnel qui ont dit pourtant le Droit, la déstabilisation institutionnelle du Sénégal est visée avec l’instrumentation politicienne de cette fameuse commission d’enquête parlementaire pour des objectifs de report de l’élection présidentielle prochaine. Toutefois, il faudrait que ces manipulateurs politiciens sachent qu’alea jacta est.
Kadialy GASSAMA
Economiste
Membre du Sen et du Bp du Ps