Laissons divaguer notre imagination dans un moment d’égarement, et puis, paf, admettons qu’un peu plus de la moitié de la population sénégalaise, qui fait plus de la majorité de l’électorat, après mûres réflexions, constate que, depuis soixante-quatre ans, les mâles n’ont rien fichu de bon à la tête de la République du Sénégal et vote sans trembler pour une candidate…

Donc, voilà enfin une femme au Palais. On se calme : ça sera tout sauf simple. Pour dire le vrai, il y a une multitude de propositions d’avenir venant de nos irremplaçables compagnes.

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Parmi les candidates, ça distingue la technocrate, un rien masculine qui sillonne le pays depuis une décennie ; la féministe outragée intraitable, qui s’empare des réseaux sociaux et impose ses édits et commandements ; et, enfin, la drianké décolorée, une niârêl soumise probablement, victime d’un traquenard polygame, à genoux aux pieds de son père et la racaille qui va avec, docile envers son beau-père et sa smala, dévouée à son mari et sa bande de potes puis, en vedette américaine, son marabout auquel elle se voue corps et âme.

En résumé, une association de malfrats la porte au pouvoir…
Le Sénégal étant une terre bénie, nous autres, esclaves de notre Destin, par on ne sait quel miracle assaisonné d’une alchimie de la baraka, nous échappons au pire et tombons sur le meilleur.

Première hypothèse, la plus probable : c’est une technocrate, un rien garçon manqué, raide comme la Justice, droite dans ses bottes. La voix grave, l’habit sobre, le maquillage rare, le talon proscrit, le cheveu court, l’ongle ras.

Le drame de sa vie : fille unique, elle grandit entourée que de garçons, ses gaillards de frères aux culottes desquels elle s’accroche depuis sa tendre enfance.

Résultat des courses, elle sait tout le mal que les hommes pensent des femmes. Et elle les croit presque.

Donc, on ne la lui fait pas : ça regarde les femmes de haut et les hommes de travers. Dieu merci, rien ne l’arrête, tempérament de feu oblige, c’est une fonceuse. Raison pour laquelle elle bat quelques records du soixante mètres lors des championnats scolaires avant ses dix-huit ans.

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En plus d’être une première de la classe compulsive. Numéro deux, elle ne connaît pas. Prix d’excellence au Concours général, elle serait imam de son quartier si cette saloperie de société patriarcale l’autorisait.

En résumé, Madame la première de la classe ne doute de rien. Sauf du salut de son âme pécheresse lors de son début de nymphomanie mâtinée de quelque penchant lesbien au sortir de l’enfance, parce que sa meilleure amie la colle de trop près pendant ses moments de chaleur…

C’est un ordre : Satan, sors de ce corps !
Faut-il le rappeler ? L’oisiveté est la mère de tous les vices… Pour s’occuper, ça doit trouver une parade. Et puis, un beau jour, ça se pose la question existentielle inévitable quand on se prend pour plus que pas grand-chose : pourquoi ne pas entrer en politique ?

Un dilemme qui tombe pile poil : ça pense à changer le monde depuis longtemps.

Et donc, tambour-battant, ça mène de front deux combats : à sa droite, la montée des marches professionnelles ; à sa gauche, la traversée du désert politique.

Arrive la croisée des chemins…
Madame la future Présidente se retrouve face au choix de faire fortune dans le privé, après qu’elle plante son drapeau au sommet de la hiérarchie, à la tête d’une multinationale dont ça arpente les couloirs des décennies durant, évite ses traquenards et chausse-trappes, assassine ses récalcitrants au progrès…
Ou alors, après le décompte de ses économies durement amassées, qui font quand même un matelas financier confortable, Son Excellence en puissance rend le tablier en claquant la porte de ses généreux employeurs pour épouser l’ingrat destin des incertitudes politiciennes.

Justement, question épousailles : elle n’a ni le temps ni l’envie de batifoler. Dans un moment d’égarement, elle se réveille un matin avec un beau gosse sans caractère dans son lit, ramené d’une soirée un peu arrosée, un soir de surchauffe libidinale. Il est si heureux de se retrouver dans son lit qu’elle n’ose pas briser son bonheur et l’épouse.

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Monsieur le mari de Madame la future Présidente, qui se tient à carreau, avertit d’entrée sa famille, déjà exonérée de dot, que les emmerdes de belle-famille ne sont pas pour sa femme. Traduction : rengainez vos demandes de ndawtal, de lèk’ou ndèye, lèk’ou bâye, téranga ndieuké, tânk’ou badieune de Tabaski et autres motifs de rackets en famille.

C’est lui, futur Président consort, le veinard dans l’affaire, pas le contraire…
Elle l’avertit d’entrée : lui, fatal conjoint, est pour elle comme une bossue et sa bosse : faut la porter, c’est la vie. En langage simple, un gigolo qui peut s’estimer heureux de ne pas être un mari battu…

Cette question réglée, ça peut parler des priorités de la République ?
Voici donc Madame la Présidente au Palais. Scrupuleuse de la parité inscrite dans la Constitution, Son Excellence s’oblige à désigner un mâle comme Premier ministre. Il faut donc examiner le sexe avant la compétence.

Précision importante : il n’est pas question de taille, mais de genre…
Pour donner mauvaise conscience à tous ces machos qui occupent depuis 1960 le pied-à-terre de la République sis avenue Léopold Sédar Senghor, Madame la Présidente observe à l’obsession les règles de parité… Dans le désordre, disons-le comme ça : il y a un directeur de Cabinet masculin, suivi d’une cheffe de Cabinet ; s’il y a un Secrétaire général, forcément, à ses trousses, ce sera une Conseillère spéciale…

Bien entendu, ce sera un dauphin constitutionnel, à l’Assemblée nationale, marqué à la culotte par une vice-présidente. On vous épargne le détail du Bureau des parlementaires…

Côté gouvernement, non plus, ça ne blaguera pas : le Premier ministre sera collé dans la hiérarchie à une ministre des Forces armées. Une Générale de préférence, ceinture noire de judo, de karaté et de full contact, tireuse d’élite, ancienne parachutiste prête à mettre de l’ordre en Conseil des ministres en cas de débordement masculin.

A n’en pas douter, une cheffe de l’Etat au Palais, ça promet surtout bien des émotions fortes…

On parie ? Le premier décret qui va tomber : un référendum capital pour ramener tous les citoyens sénégalais à un pied d’égalité, le projet de loi sur la monogamie ou la polygamie intégrale… Soit les hommes n’ont plus droit qu’à une épouse, soit les femmes peuvent multiplier les maris.

Vous voulez mon avis ? Ben, je vous le donne quand même : je m’en tamponne !

Par Ibou FALL