Le sort en est jeté pour la Présidentielle ivoirienne du 25 octobre 2025 : sur les soixante candidatures, les cinquante-cinq sont recalées par le Conseil constitutionnel, dont quelques poids lourds : Tidjane Thiam, financier de stature mondiale et non moins candidat du Pdci, dit autrement, l’héritier de Houphouët-Boigny, l’inoubliable Père de la Nation ivoirienne. Son crime abominable ? Avoir demandé et obtenu la nationalité française en 1987, qui lui fait perdre l’ivoirienne au bout de quinze ans, donc en 2002. Même s’il y renonce et redevient juste Ivoirien, il n’est plus sur les listes électorales. Il faudrait une révision des listes pour le réinscrire. Ce n’est pas l’Administration Ouattara qui lui fera ce cadeau…

Autre recalé remarquable, Laurent Gbagbo, prédécesseur deAlassane Ouattara à la Présidence ivoirienne, éternel opposant de Houphouët-Boigny. Une condamnation en Côte d’Ivoire en 2019 le fait radier des listes électorales. Malgré l’amnistie dont il bénéficie, il n’est toujours pas inscrit comme électeur, ceci le rendant inéligible. Affront suprême, le Conseil constitutionnel ne lui reconnaît même pas des parrainages suffisants. La honte…

Guillaume Soro, ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale, qui passe de Gbagbo à Ouattara sans état d’âme, et Charles Blé Goudé, la tête brûlée du régime Gbagbo que la sagesse visite pendant son séjour comme détenu à La Haye, ne doivent pas se faire beaucoup d’illusions quand ils présentent leurs candidatures : il faut juste ne pas se faire enterrer vivant ?
Moins notable, Pascal Affi Nguessan, qui devient le patron du Front populaire ivoirien alors que son fondateur, Laurent Gbagbo, croupit en prison à La Haye, en attendant son procès…

Les autres, soyons vaches, c’est de la p’tite bière.

Entrent donc en piste, dans cette dernière ligne droite, cinq candidats que le Conseil constitutionnel reconnaît. A tout seigneur, tout honneur, le Président sortant, Alassane Dramane Ouattara. Quatre-vingt-trois ans au compteur, quatorze années de pouvoir, trois mandats alors que la Constitution ne lui en accorde que deux, ADO en brigue un quatrième, malgré son serment de n’en faire que deux, en reconnaissant faire une entourloupe à la parole donnée, devant une sorte de, euh, cas de force majeure. Déjà, pour le troisième mandat, son candidat ayant le mauvais goût de mourir à quelques encablures de la Présidentielle, il se fait violence pour violer la Loi fondamentale ivoirienne. Le Conseil constitutionnel ivoirien a sans doute des trous de mémoire concernant la réduction aux deux mandats.

Ça arrive même aux meilleurs…

Certes, Alassane Ouattara ne marche pas en s’appuyant sur une canne, son dentier tient bon officiellement et il ne porte pas encore de loupes en public. Mais à cet âge, certes, les miracles existent, on ne peut donner la pleine mesure de ses talents.

Bref, quatorze années de pouvoir ne suffisent pas, il en veut cinq autres. La certitude d’être indispensable ? Il laisse à son pays 31 675 milliards de francs Cfa de dettes, un Pib par habitant de 1 514 835 francs Cfa. Il y a mieux, comme il y a pire. Seuls les Ivoiriens pourront décider, n’est-ce pas ?
Honneur aux dames ?
Sans doute, mais parmi les cinq candidats officiels, Simone Ehivet Gbagbo, la patronne du Mouvement des générations capables, du haut de ses soixante-seize saisons des pluies, devrait passer pour le challenger dont il faudra se méfier. Un sacré personnage. C’est manifestement la seule bête politique des candidats en piste pour octobre 2025. Contrairement au Président sortant, qui connaît surtout les lambris dorés de la finance internationale, l’ex-Première dame de Côte d’Ivoire se forge à la dure. Fille de gendarme, ils sont dix-huit dont quinze filles. Licenciée en Lettres modernes, major de sa promotion au Capes, elle passe un Dea à Dakar en 1981, puis son doctorat, avant de rentrer à Abidjan décrocher une Licence en linguistique. Résolument de Gauche, tête brûlée, membre fondatrice du Fpi aux côtés de Laurent Gbagbo qui finit par l’épouser, elle connaît à plusieurs reprises les rigueurs de la prison sous Houphouët-Boigny et sous Alassane Dramane Ouattara.
Le couple Gbagbo, qui fait chambre à part pendant son séjour carcéral, finit par divorcer. Ce qui vaut à Simone Ehivet Gbagbo, candidate du Mouvement des générations capables, un recours devant le Conseil constitutionnel du Parti des peuples africains -Côte d’Ivoire, celui de son ex-mari qui veut lui interdire de se présenter sous le nom de Gbagbo. Le Conseil constitutionnel refusera de se mêler d’une vulgaire scène de ménage.
Cette affaire nous renvoie au procès qui oppose Mike et Tina Turner, après leur divorce. Le guitariste et mentor de Anna Mae Bullock, alias Tina Turner, tentera de faire interdire à son ex l’exploitation du patronyme devenu un label. La Justice donnera raison à la chanteuse…

Les chances de Simone Gbagbo ? Mystère et boule de gomme.

Les observateurs en disent qu’elle est la seule parmi les candidats de l’opposition en lice à avoir lancé un mouvement depuis belle lurette. Une rombière de la politique qui, si l’usure du pouvoir mine la campagne du Président sortant, pourrait se retrouver au deuxième tour en position de force.
Ce serait donc la double peine pour Laurent Gbagbo qui ne sera pas de la course mais, ô la honte, pourrait se voir obligé d’aller voter pour Simone à reculons en se bouchant le nez.
Leurs jumelles le tiendront par sous les aisselles en cas de défaillance…

L’autre candidature que Gbagbo pourrait soutenir, est celle de son ex vice-président au Ppa-Ci, Aouha Don Bello, qui serait, selon le brave homme, «une candidature de précaution» au cas où celle de Gbagbo serait invalidée. C’est le cas mais, curieux hasard, il est viré de toutes ses fonctions. Il risque de faire cavalier seul, sauf si le patriarche Gbagbo revient à de meilleurs sentiments.
Que penser de Jean-Louis Billon ? Transfuge du Pdci, ancien ministre du Commerce, il est à la tête de la Sifca, la première entreprise ivoirienne qu’il hérite de son père. Trente-trois mille employés, cinq cents milliards de chiffres d’affaires.

Faudrait peut-être s’en méfier ?

Et puis, pour terminer la marche, Henriette Lagou Adjoua, militante du Pdci, ancienne ministre, dont la popularité est qualifiée par un observateur averti de «confidentielle».
La société patriarcale est d’une telle cruauté…