Placé en garde à vue ce mardi, le journaliste sénégalais Cheikh Yerim Seck fait l’objet d’un retour de Parquet. Mais la procédure fait bondir les associations de presse. Aussi bien la Coordination des associations de presse (Cap) que le bureau sénégalais de Reporters sans frontières (Rsf) dénoncent un retour en arrière.

 

Par Mame Woury THIOUBOU – Retour de Parquet, en attendant le face-à-face avec le procureur de la République, pour le journaliste Cheikh Yerim Seck hier soir. La pilule passe difficilement du côté des organisations de la presse. La Coordination des associations de la presse (Cap) et Reporters sans frontières (Rsf) dénoncent une «nouvelle atteinte à la liberté de la presse». Convoqué pour audition ce mardi par la Division spéciale de la cybersécurité, Cheikh Yerim Seck s’est vu notifier une garde à vue. Selon plusieurs medias, il est poursuivi «pour diffusion de fausses nouvelles et diffamation». «L’audition du mis en cause a porté sur sa dernière émission à la 7 Tv, au cours de laquelle il a affirmé ne pas croire aux chiffres énoncés par le gouvernement concernant la situation économique héritée de l’ancienne gestion. Le journaliste a confirmé ses propos étayés par les chiffres publiés sur le site du ministère des Finances du Sénégal et par le fait que, selon lui, si le Sénégal a pu lever des fonds sur le marché de l’Uemoa, c’est parce qu’il respecte les critères de convergence, sur la dette et le déficit budgétaire», rappelle la Cap.

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L’organisation, après en avoir délibéré, estime devoir rappeler à l’Etat du Sénégal un certain nombre de points. «La Cap rappelle que le Sénégal est un Etat de Droit et qu’en conséquence, les libertés de presse et d’expression y sont consacrées par sa Charte fondamentale», souligne en premier la Cap, qui appelle «à la libération du journaliste Cheikh Yerim Seck qui est libre d’user de son doit à une libre expression». L’organisation considère ainsi «qu’en l’absence d’une certification par la Cour des comptes des chiffres annoncés par le gouvernement, tout citoyen est libre de se saisir du sujet et d’en faire les commentaires qu’il souhaite, dans le strict respect de la loi».

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Pour Rsf, cette arrestation de Cheikh Yerim Seck est de trop. Sadibou Marong, Secrétaire général de Rsf pour l’Afrique subsaharienne, dénonce un retour en arrière pour le pays. «Il est quand même assez déplorable de voir que les démons du passé sont en train de ressurgir au Sénégal, comme le montre la convocation depuis hier du journaliste Cheikh Yerim Seck, suivie de sa garde à vue. Je signale que c’est au Sénégal qu’on a vu, il y a quelques mois, avec un défilé incessant de journalistes dans les locaux de la police, des emprisonnements et accusations», souligne-t-il au micro de la Radio futurs medias (Rfm). «Il n’y a pas de mal pour un journaliste à être critique», estime M. Marong, qui rappelle que «tous les jours et dans tous les pays du monde, des journalistes, dans l’exercice de leurs fonctions, peuvent être amenés à faire cela». La Coordination des associations de presse en appellent ainsi «au sens élevé de la responsabilité des autorités judiciaires, y compris celles en charge des poursuites, face au respect des principes sacro-saints énumérés et protégés par la Constitution de la République du Sénégal, siège de leur pouvoir».

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L’audition de l’ancien journaliste de Jeune Afrique intervient après celle du chroniqueur de SenTv, ainsi que la convocation, hier matin, du propriétaire de SenTv, Bougane Guèye Dany. Par ailleurs, évoquant le contentieux entre l’Etat et certains organes de presse sur des questions fiscales, la Cap regrette le non-respect des engagements pris par le ministre des Finances et du budget, lors de la rencontre du 13 septembre 2024. Selon la Cap, ces engagements «étaient censés détendre les relations heurtées entre les patrons de presse et les nouvelles autorités, relativement au blocage des comptes bancaires et à la suspension des conventions commerciales».
mamewoury@lequotidien.sn