Longtemps négligée et source de stigmatisation, la fistule obstétricale fait aujourd’hui l’objet d’une prise en charge rigoureuse à l’hôpital de la Paix de Ziguinchor. Grâce à une équipe spécialisée et à un accompagnement multidimensionnel, les femmes touchées par cette pathologie retrouvent espoir et dignité. A l’hôpital de la Paix de Ziguinchor, les fistules obstétricales ne sont plus synonymes de fatalité. Depuis l’accréditation du Service de chirurgie en 2018-2019, les patientes sont désormais traitées sans attendre les traditionnels camps médicaux, grâce à une organisation soutenue par le ministère de la Santé. «Aujourd’hui, dès qu’une fistule est diagnostiquée, elle est prise en charge dans la semaine», affirme Dr Aboubacar Traoré, chirurgien-urologue dans le service dirigé par le Pr Boubacar Fall. Une avancée notable qui a permis une baisse significative du nombre de cas. «Lors du camp de 2022, nous avions pris en charge une vingtaine de patientes en une semaine. Désormais, nous en traitons une dizaine par an», précise-t-il.

La gratuité des soins, autrefois à la charge des patientes, a été rendue possible grâce à la Direction de la santé mère-enfant et à des partenaires tels que l’Unfpa et l’Ong Koulimaro. «Aujourd’hui, le transport, le logement et les soins sont pris en charge. Cela a vraiment facilité notre travail», se réjouit Dr Traoré, saluant aussi l’implication des «Badienou gox» dans la sensibilisation.

Les patientes viennent de toute la Casamance, attirées par la qualité des soins. L’équipe médicale est composée de six urologues dans la région dont trois à l’hôpital de la Paix : Pr Fall, Dr Traoré et Dr Modou Diop Ndiaye. «Nous recevons aussi régulièrement des médecins en spécialisation pour renforcer nos capacités», ajoute le chirurgien.

Les fistules obstétricales, responsables de cette incontinence dramatique, trouvent leur origine dans des accouchements prolongés et mal pris en charge. «Dans 95% des cas, il s’agit de fistules obstétricales liées aux trois retards : décision, transport et prise en charge dans les structures sanitaires», souligne Dr Traoré. Il explique : «Quand la vessie n’est pas vidée et que le fœtus comprime la paroi contre le bassin, cela provoque une nécrose qui crée cette communication anormale entre la vessie et le vagin.» Au-delà de la chirurgie, la réinsertion sociale est une étape cruciale. «Il ne suffit pas de fermer la fistule. Ces femmes ont souvent été rejetées. Il faut leur redonner leur dignité par la psychothérapie et l’accompagnement social», insiste le médecin, saluant le rôle des Ong dans cet accompagnement post-opératoire. Aujourd’hui, à Ziguinchor, l’espoir renaît donc pour des femmes trop longtemps marginalisées par une pathologie encore taboue. Grâce à une prise en charge humaine, gratuite et complète, elles retrouvent peu à peu leur place dans la société.