«Munyal, les larmes de la patience» (éd. Proximité) de l’écrivaine camerounaise Djaïli Amadou Amal a remporté la première édition du prix Orange du livre en Afrique. Un roman poignant qui lève le voile sur la condition des femmes au Sahel.

Pour sa première édition, le prix Orange du livre en Afrique a récompensé mercredi 22 mai Munyal, les larmes de la patience (éd. Proximité) de la Camerounaise Djaïli Amadou Amal. Avec ce troisième roman, après Walaande, l’art de partager un mari et Mistiriijo la mangeuse d’âmes, l’écrivaine brise à nouveau les tabous en revisitant ses thèmes de prédilection : le mariage précoce et forcé, la polygamie et les droits des femmes. Ce livre retrace le destin de Ramla, 17 ans, arrachée à son amour pour être mariée de force avec Alhadji Issa, un homme riche et déjà marié. Hindou, sa sœur du même âge, est quant à elle contrainte d’épouser Moubarak, son cousin, alcoolique, drogué et violent. Safira, 35 ans, la première épouse de Alhadji Issa, voit d’un très mauvais œil l’arrivée dans son foyer de la jeune Ramla qu’elle veut voir répudiée. Lorsque chacune désire s’opposer aux décisions que les hommes, maris, pères ou oncles leur imposent, un seul conseil leur est donné : «Munyal», qui signifie patience. Cette vertu cardinale de la culture peule, enseignée dès le plus jeune âge et répétée lors du mariage, est une forme d’assignation à tout supporter, y compris les pires violences. Contraintes d’obéir à cette injonction jusqu’à se mettre en danger, ces femmes deviennent ce que la société attend d’elles. Traditions, superstitions et interprétations religieuses les poussent à la soumission.

«Une voix forte, sincère, révoltée»
Le jury de cette première édition était composé de Michèle Rakotoson (Madagascar), Eliza­beth Tchoungui, Kouam Tawa (Cameroun), Fawzia Zouari (Tunisie), Mohamed Mbougar Sarr (Sénégal), Yvan Amar, Valérie Marin La Meslée, ainsi que Nicolas Michel, romancier et journaliste, res­ponsable des pages Culture de Jeune Afrique. Prési­dente du jury, l’écrivaine et poétesse ivoirienne Véronique Tadjo a salué un roman et «une voix forte, sincère, révoltée, servie par une langue qui porte sa culture».
«L’auteure peint trois destins de femmes qui nous immergent sans manichéisme dans l’univers étouffant d’épouses aux prises avec la polygamie et les pesanteurs de la tradition», a assuré Véronique Tadjo à Jeune Afrique. «La maîtrise de la construction narrative apporte un souffle nouveau à un thème qui pourrait sembler appartenir au passé, mais qui hélas est encore d’actualité dans beaucoup de nos pays», a-t-elle encore ajouté.

«Dynamiser l’édition africaine»
Pour cette première édition, étaient sélectionnés 59 livres, publiés par 39 maisons d’édition de 16 pays africains. Djaïli Amadou Ama s’est ainsi distinguée parmi une sélection où l’on trouvait notamment Chairs d’argile de la Marocaine Salima Louafa (Afrique Orient), A l’orée du trépas du Sénégalais Khalil Diallo (L’Harmattan Sénégal), Même pas mort du Marocain Youssouf Amine Elalamy (Le Fennec), La rue 171 de l’Ivoirien Pierre Kouassi Kangannou (Eburnie), et L’amas ardent du Tunisien Yamen Manai (Elyzad).
Cette sélection «reflète les grands enjeux contemporains à la fois universels et africains : religion, terrorisme, condition de la femme, gouvernance, écologie, parmi d’autres», a loué Véronique Tadjo. Ce prix est destiné à «dynamiser l’édition africaine et à offrir aux auteurs plus de visibilité à l’intérieur comme à l’extérieur du continent», a encore ajouté la présidente du jury. La lauréate recevra ainsi 10 milles euros et bénéficiera d’une campagne de promotion de son ouvrage.