Suite à l’appel à candidatures pour le Prix Rfi Théâtre 2020, 13 textes inédits ont été présélectionnés. Le prix sera proclamé et remis à la lauréate ou au lauréat le 27 septembre à Limo­ges, dans le cadre des Zébrures d’automne du festival «Francophonies – Des écritures à la scène».

Pour cette septième édition du Prix Rfi Théâtre, 218 candidats, issus de 20 pays, sont au rendez-vous. Et nous nous réjouissons du nombre croissant de candidates ! Une nette majorité d’auteurs africains, beaucoup d’Haïtiens, et la sphère géographique s’élargit à la Palestine, Maurice et aux Comores. Des écrivains déjà publiés côtoient de nouveaux arrivants. Merci à tous d’avoir participé.
Parmi les thématiques récurrentes d’une année sur l’autre, on retrouve les conflits générationnels et les contradictions entre modernité et tradition dans la sphère familiale et dans la société. Beaucoup de pièces évoquent les routes de l’exil, d’autres la condition féminine face au machisme, ou le sort des enfants en temps de paix comme en temps de guerre. La dénonciation de la dictature et de la corruption n’est pas en reste, souvent sous forme de farce. Et toujours le sens de l’humour distingue ces dramaturgies, qu’elles prennent la forme de comédies ou de tragédies. Mais, pour la présente édition, près d’une cinquantaine de textes se focalise sur l’épidémie de Covid-19. Un mal supplémentaire dans la liste des fléaux qui frappent l’humanité ?
Devant ce foisonnement, le choix des lecteurs n’est pas chose aisée. On est souvent loin des formes conventionnelles. Cependant par leur style, leur rythme, leur énergie, ces fictions théâtrales affirment souvent leur oralité, proches du conte et de la performance. Avec beaucoup de créativité verbale et poétique, des écritures s’inventent et dialoguent entre elles.
Mais, avant tout, on perçoit dans ces textes, aussi variés soient-ils, une urgence à dire, à poser des enjeux qui dépassent de loin les situations individuelles ou locales et rejoignent les grandes préoccupations d’aujourd’hui.

Les 13 textes présélectionnés pour le Prix Rfi Théâtre 2020 :  
Ainsi va la vie, Said-Mouhamed Ba (Sénégal)  
Un clochard nous prend à témoin. Il se moque de nos peurs, de nos plaintes et met l’épidémie Covid-19 en parallèle avec les millions de morts par les guerres, le paludisme, la faim… Un Dj l’accompagne et intervient en contrepoint de cette invective coléreuse et rythmée façon slam.

La Cargaison, Souley­mane Bah (Guinée) 
Des gens échoués quelque part, sous surveillance. Des voix montent de cette «cargaison» : hommes, femmes, et même un enfant dans le ventre de sa mère. Les uns se rebellent, d’autres se résignent, d’autres surveillent et punissent. Il est question d’émeute, de répression, d’emprisonnement, de cercueils et de corbillards… D’une sous-autorité qui s’élève contre une autorité. Et enfin d’une balle qui se loge dans un corps. Un groupe d’humains en détresse compose ce chœur polymorphe.

Le Poids du ciel sur la tête, Vhan-Ohlsen Dombo (République du Congo)
Gabrielle, confinée chez elle, ne supporte plus la misère du monde et la sienne. Elle a perdu son seul compagnon : un chien. Est-ce l’animal trouvé par le Fou dans les poubelles ? Même solitude chez Gabor, sculpteur mais, dans les rues animées du marché, il retrouve les échos du monde. L’écriture joue avec les mots et les sonorités.

Le Chemin vers l’homme penché ­à la fenêtre, Besma Eleuchi (Tunisie) 
Une femme fuit l’Homme accroupi sur le canapé. Elle va vers l’Homme penché à la fenêtre. Ils partagent leur solitude, leurs peurs, se découvrent. On suit la femme sur le chemin de la liberté, vers une autre langue que la sienne, où masculin et féminin ne coïncident pas toujours. Entre récit, relation épistolaire et échanges dialogués, une traversée poétique où les personnages prennent les couleurs de leurs états d’âme…

Candeur carabinée, Sandra Elong (Cameroun) 
Un adolescent a rejoint un groupe de rebelles, pour venger sa famille massacrée. L’enfant soldat se voit confier la garde d’un prisonnier. L’homme est son jeune oncle ; venu le tirer de là pour retrouver sa mère, survivante, et renouer avec son rêve : devenir un grand footballeur. De la haine à la résilience.

Le Bal de l’incontinence, Djevens Fransaint (Haïti) 
Un groupe d’individus improvisé en famille squatte une maison bourgeoise décrépite. Le père est le tyran de ce petit royaume. Confrontés au monde extérieur par la visite d’un médecin directeur d’une clinique et des pompes funèbres ou d’un émissaire de l’Etat chargé d’effacer la famille de l’Histoire, la mère et les deux fils font de la résistance. Un théâtre absurde et cruel où chaque séquence s’articule autour d’une péripétie loufoque….

La Traversée, Mireille Gandebagni (Bénin)
Vidou et Filsterre sont en route pour «le paradis» : pas celui d’Allah mais un ailleurs, loin de leur pays gangréné par la misère et la corruption. Ils ont raté le bateau… Chacun s’en rejette la faute. Cette comédie un peu aigre prend un tour tragique : au fil du dialogue, Vidou dévoile ses vilénies… Mordu par un serpent, Filsterre ne fera pas la traversée, mais exige le repentir de son faux ami …

Hangbé, Kokouvi Dzifa Galley (Togo)
Hangbé s’adresse à la statue de son frère jumeau mourant, le roi Akaba. Elle va lui succéder sur le trône et mener une guerre victorieuse à la tête de ses amazones : les Minos. A la mort de son fils unique, elle sera contrainte d’abdiquer. Les invocations d’Hangbé à son frère et à ses guerrières, à son père puis à son fils sont accompagnées de chants et de voix multiples. Rythmée et poétique, cette épopée rend justice à une femme légendaire qui régna de 1708 à 1711 et créa du corps des amazones du Dahomey.

Babillages, Sarah Hatem (Liban)
La Voix bleue (féminine) s’adresse à un enfant. D’autres voix lui font écho tantôt chorales, tantôt individuelles. Sous forme de huit variations musicales, Babil­lages traite de la guerre (celle du Liban), de l’exil : maisons quittées, jouets abandonnés… La route, le bateau, les bombes… Ces voix tissent un paysage de mémoire, à l’aune d’enfances traumatisées.

Le Purgatoire, Naïza Fadianie Saint-Germain (Haïti) 
Au purgatoire, Lili, adepte de Rimbaud et transsexuelle, donne une leçon de grammaire à la prude Juliette Capulet et à Linda Lovelace, actrice de porno : elles doivent analyser un vers des Onze mille verges de Guillaume Apollinaire ! Tamar les rejoint avec un poème érotique de Paul Verlaine. Les personnages anachroniques de cette comédie déjantée s’affrontent à coups de références coquines, cinématographiques et littéraires, et s’en prennent au machisme…

Palabres urbaines, Jean-Paul Tooh-Tooh (Bénin)  
La pièce donne voix à un grand nombre de personnages sous forme de séquences titrées : Diarrhée ; Python sous la jupe ; Argent internet + Famille et Sorcellerie ; Famille et Polygamie. Des micros histoires s’entrecroisent tandis que l’auteur commente et questionne son texte. Le «grand théâtre du monde», tantôt comique, tantôt polémique, tantôt tragique : un matériau polyphonique dans lequel la mise en scène peut puiser et distribuer les rôles à sa convenance…

Le Chant de la petite horloge, Jérôme Tossavi (Bénin)  
Alerte dans les bureaux : un sac abandonné, un tic-tac suspect ! Va-t-il exploser ? Que faire ? Les personnages s’agitent, se perdent en conjectures. Chacun s’exprime, dans l’urgence. «Chaque réplique porte potentiellement le souffle d’un personnage (de cinq à quinze)», précise l’auteur.  Finalement, il y aura plus de peur que de mal. Cette comédie renvoie autant au terrorisme qu’à une pandémie – ou à l’état explosif d’une société.

Frères de sang, Pingdwinde-Paul Zoungrana (Burkina Faso)
Un narrateur démiurge met en scène la confrontation entre un terroriste et un gendarme. Le gendarme course et rattrape le terroriste : c’est un ami d’enfance qui, après le massacre de sa famille, a rejoint le camp des Islamistes. Chacun raconte son histoire depuis la guerre civile… Ironique, le narrateur commente leur dialogue par des diatribes monologuées, rythmées ou chantées.
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