Très peu de jeunes ont accès à la terre pour la production et l’entreprenariat agricoles. Des terres qui ne leur appartiennent pas, pour la plupart. Comment dans ces conditions impulser un développement durable des terroirs ruraux si les bras valides (les jeunes) ne sont pas valorisés ? Quelles sont les raisons de cette mise à l’écart ? Que faut-il pour un meilleur accès des jeunes au foncier agricole leur permettant d’entreprendre ? C’est pour trouver une réponse à ces interrogations que le projet Tiers Sud Beydaare, en collaboration avec la Sodagri, a organisé, vendredi passé à Vélingara, un forum dont le thème général est : «Foncier et développement : la question de l’accès des jeunes à la terre.»
«Foncier et développement : la question de l’accès des jeunes à la terre», c’est le thème général du forum de Vélingara organisé vendredi passé par le projet Tiers Sud Beydaare, en collaboration avec la Sodagri (Société de développement agricole et industriel du Sénégal). Les participants à cette rencontre étaient essentiellement des jeunes, des maires, des secrétaires municipaux et les responsables des commissions domaniales, ainsi que des techniciens des services de l’agriculture, de l’élevage et du développement communautaire. Près de 200 personnes ont pu écouter, d’abord, des communications du consultant Léopold Wade, spécialiste en décentralisation et en gouvernance foncière, puis celui du coach, formateur en genre, Oumar Diatta. M. Wade a traité du thème : «Analyse des différentes modalités de l’accès des jeunes à la terre et quelles conditions pour que les jeunes s’installent massivement dans l’agriculture.»
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Religieusement écouté par un public qui l’a connu comme ancien Préfet de Vélingara, Léopold Wade a donné des chiffres relatifs au faible accès des jeunes à la terre. Il a renseigné : «Une étude de l’Ansd de 2021 indique que seuls 15% des jeunes ont accès à la terre et 3% d’entre eux seulement sont munis d’un titre de propriété et puis les 2/3 de ces jeunes sont de sexe masculin.» Il poursuit : «Le peu de jeunes qui disposent de terres à usage agricole les tiennent de leurs parents et ces jeunes ont un faible niveau d’éducation formelle et n’ont aucune formation en agriculture et en élevage.» Et de s’interroger : «Comment peut-on dans ces conditions espérer développer notre agriculture ?» Ensuite, M. Wade a dévoilé un coin du voile sur la législation foncière du Sénégal et des démarches à entreprendre pour accéder à une terre à usage agricole.
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L’autre panéliste, Oumar Diatta, a traité du thème : «La prise en compte des jeunes dans les actions de développement : quelques repères pour appréhender la question de leur installation comme entrepreneurs agricoles.» Pour enseigner aux jeunes des départements de Kolda, Vélingara, Tambacounda et Kédougou, zones d’intervention du projet Tiers Sud Beydaare, il recommande qu’un «entrepreneur doit, au quotidien, pouvoir rechercher et saisir les opportunités qui s’offrent à lui dans son environnement et puis s’atteler à la matérialisation de ces opportunités». Ce n’est pas tout. «Il faut rechercher les dispositifs techniques, financiers, réglementaires existants et les explorer. Pour cela, il faut aller vers l’information.» Avant de donner la parole aux jeunes, Oumar Diatta et Léopold Wade leur ont posé des questions du genre : «Comment devenir un entrepreneur à succès, comment démarcher une entreprise agricole au Sénégal qui finance les projets agricoles ?» Ou encore : «Où se trouve le blocage de l’accès des jeunes au foncier ? Que faire pour attirer les jeunes vers l’agriculture et les y maintenir ?»
Les contraintes mises en exergue
Les questions posées par les panélistes sont adressées essentiellement aux jeunes qui étaient majoritaires dans la salle. Ils ne se sont pas fait prier pour répondre auxdites questions. D’abord, Mamassamba Baldé, jeune Secrétaire municipal de Kandiaye, souligne : «Le défaut d’accès au foncier agricole des jeunes est lié à un problème culturel. Ici, tant que le papa vit, les terres sont à lui du fait du droit de hache. Un jeune qui demande de la terre pour lui seul est considéré comme un égoïste. Et puis l’école sénégalaise ne prévoit pas de formation à l’entreprenariat, ni à l’agriculture. C’est après les années 2000 que des écoles de formation ont essaimé dans ce pays. Il faut que l’agriculture et l’entreprenariat figurent dans le curriculum de nos enseignements. Les jeunes n’ont pas les informations nécessaires pour aller vers les banques et structures de financement, ni pour accéder à la terre.»
Alpha Kandé, jeune agriculteur dans le bassin de l’Anambé, soutient : «La tournure que prend cette campagne agricole risque de décourager les jeunes agriculteurs. Personnellement, j’ai investi 4 millions de francs que je risque de perdre : les oiseaux dévorent nos grains de riz, pas de machines pour les récolter dans l’eau. Nous ne sommes pas assez accompagnés par l’Etat. Difficile d’avoir un prêt dans une structure de crédit pour un jeune. En tout cas, les informations manquent pour orienter les jeunes vers les structures de crédit ou de financement des projets agricoles. Cette situation empêche d’avoir des champions en agriculture pour servir de modèles et maintenir les jeunes dans le terroir.»
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Tidiane Baldé, jeune de Kandia, estime que «pour créer des entrepreneurs agricoles, il faut que cette discipline soit enseignée dès l’élémentaire aux jeunes Sénégalais. Pour l’accès au foncier, les procédures d’accès à la terre sont longues et exigent des financements dont ne disposent pas les jeunes».
Enfin, le coordonnateur du projet Tiers Sud Beydaare, Abdou Niang Thiam, a campé le contexte de la tenue de ce forum : «Le forum avait comme objectif de sensibiliser et de former les jeunes sur les modalités d’accès au foncier aménagé et sécurisé. Vous savez, le 14 octobre passé, le président de la République Bassirou Diomaye Faye a lancé l’Agenda 2050 pour un Sénégal souverain, prospère et juste. Dans le cadre de ce nouvel agenda, tout repose sur les jeunes. Comme tout repose sur la jeunesse dans le cadre de cet agenda, il était normal que le projet Tiers Sud Beydaare, qui a de grandes activités sur le foncier et les jeunes, cherche à savoir pourquoi ces derniers n’ont pas accès à la terre. Car pour des projets de développement agricole et industriel, il faut avoir de la terre. Il faut avoir un espace pour développer des unités de transformation, développer des activités agricoles et d’élevage, avoir de l’espace pour faire de l’aquaculture et de la pisciculture. Tout retourne au substrat terre.» Abdou Niang Thiam a déjà de la matière pour élaborer et défendre la 2ème phase du projet Tiers Sud Beydaare, qui a comme partenaires techniques et financiers l’Union européenne (Ue), l’Agence française de développement (Afd) et l’Etat du Sénégal.
Par Abdoulaye KAMARA (Correspondant) – akamara@lequotidien.sn