A côté des principaux concernés, ceux qui tournent autour de la musique donnent leur compréhension des raisons du déclin de plusieurs artistes. En plus du défaut d’encadrement, des avancées technologiques et d’un manque de recherche, les deux experts parlent surtout de l’inorganisation du secteur de manière générale.

La musique sénégalaise a connu une évolution particulière. Mais si certains se sont bien imposés, d’autres peinent toujours à tracer leur chemin. C’est le cas, entre autres, de Abou Tiouballo, Amy Collé Dieng, Lamine Seignane, Thione 2, Tanor Tita Mbaye, Maïga, Amy Mbengue, Arame Thioye, Abdou Rass, Malouida, Boy Marone, Ndèye Kassé et la liste est longue… Ces artistes ont sombré dans les abîmes de l’oubli malgré un succès incontestable. Ils se cherchent encore.
Selon Papis Samba, les raisons de cette rupture sont à chercher à plusieurs niveaux. «Qualité, production, diffusion. Au Sénégal, on pèche partout», note-t-il. Avant de renchérir : «Les tourneurs de spectacles, il n’y en a pratiquement plus. Les diffuseurs manquent. Les grands studios, Xippi, Studio 2000 ont fermé et sont devenus des studios de télévision. Les capitaines d’industrie musicale sont devenus des patrons de presse. On ne trouve plus de bons régisseurs de spectacles ni de managers. Dans le temps, il y avait des gens qui avaient de l’expérience et un background musical. Aujourd’hui, qui sont les managers d’artistes ? Aujourd’hui, personne ne produit, les artistes deviennent leurs propres producteurs».
Un problème d’organisation qui, ajouté à celui de l’encadrement, n’arrange pas les choses, aux yeux de l’auteur du livre Musique sénégalaise : itinérances et vibrations, qui constate qu’«au Sénégal, il n’y a plus d’orchestre. Les artistes qui sortent des productions, personne ne les encadre. Il n’y a plus d’écoles, des orchestres, depuis l’époque de Star Band». Ce qui déteint sur la qualité musicale en général et explique l’échec de certains, si l’on se fie au raisonnement de l’expert. L’avènement de l’internet n’a pas que des effets bénéfiques sur la musique, souligne-t-il par ailleurs. Aujourd’hui, certains chanteurs portés par l’effet de buzz et le nombre de «vu» sur le net en arrivent à oublier le fondamental : l’apprentissage. «Il n’y a pas que le talent qui compte. Ce n’est pas parce qu’on a un produit sur le marché que l’on est connu. On sort à la télé. Non ! Le travail est constant et permanent. Il faut apprendre, apprendre et apprendre», dit M. Samba. Sur ce point, l’animateur Dj Prince note que pour prospérer dans la musique, il y a tout un travail à faire en amont.
Des répétitions, en passant par les ateliers musicaux, aux recherches, tout est important pour l’animateur qui rappelle que «les Youssou Ndour et consorts vivaient leur art au quotidien. Ils partaient chaque jour en répétition, même sans concert. Ils faisaient des recherches qui apportaient un plus à la musique qu’ils proposaient aux consommateurs. Ce n’était pas une question de buzz, ni de créer un tube qui faisait un tabac un instant, puis disparaissait aussitôt après». Et tout comme M. Samba, Dj Prince cherche aussi les raisons de l’infortune de certains musiciens dans l’avancée technologique qui souvent «porte préjudice aux musiciens». S’ajoutant à cela, le manque d’exigence du public. «Nopp yé feebar. Les gens sont emballés par le buzz. A force d’écouter la mauvaise musique, leurs oreilles ne sont plus réceptives à la bonne. On doit rééduquer les oreilles, leur apprendre à écouter de la bonne musique, parce qu’elles sont atteintes de surdité», dit-il en fin.