Les avocats des victimes, dans leurs plaidoiries, ont décrié la décision rendue sur les intérêts civils. Les parties civiles demandent à la Chambre d’appel de corriger les «erreurs de droit», contenues dans la décision rendue en première instance. Les juges d’assises ont rejeté la constitution de partie civile de centaines de victimes au motif qu’elles n’avaient pas produit de preuves de leur identité. Pour les avocats des victimes, cette décision est une violation des droits de leurs clients. Ils invitent la Cour à se coller à la jurisprudence internationale.

Les parties civiles demandent aux juges de la Cour d’appel de corriger la décision rendue en première instance relative aux intérêts civils. Pour Me Jacqueline Moudeina, avocate principale de l’Association des victimes du régime de Hissein Habré, ce jugement est ambigu et pose d’énormes problèmes. Il faut rappeler que la Chambre d’assises a rejeté la constitution de parties civiles de centaines de victimes au motif qu’elles n’avaient pas apporté la preuve de leur identité. Or, regrette Me Moudeina, les juges de la Chambre d’assises n’avaient pas retenu en amont un critère bien défini pour qualifier les victimes de parties civiles. Ainsi, pour le groupe de victimes défendu par Me Moudeina, 3261 victimes sont écartées des réparations. Sans compter les deux autres associations de victimes. Un «énorme préjudice» auquel, la Chambre d’appel doit remédier, selon l’avocat suisse Allain Verner. Pour Assane Dioma Ndiaye, la Chambre d’appel doit corriger cette erreur de droit. Car, argumente-t-il, en matière de justice pénale internationale, les critères sont plus souples que le droit interne. Mais, manifestement, souligne le Président de la Fidh, «les juges de la première instance ont fait une application du droit sénégalais en exigeant soit un jugement d’hérédité soit une preuve quelconque qui établirait un lien entre le préjudice subi et le fait allégué».
Des preuves difficilement acquises pour les victimes, d’après l’avocat sénégalais qui tient en compte la situation du Tchad mais aussi le fait que la majeure partie des victimes vivent dans les provinces. «Il était difficile d’apporter la preuve par l’Etat civil », renseigne Me Assane Dioma Ndiaye qui invite la Chambre d’appel à se coller à la jurisprudence internationale avec les tribunaux cambodgiens. «Ces juridictions ont eu le même cas mais elles ont admis des victimes qui avaient des problèmes de l’établissement de leur identité et la preuve de leur qualité de victime. Elles avaient même prévu une possible réparation pour les victimes qui n’avaient pas participé au procès», explique l’avocat.

«La décision de réparation risque d’être une trahison si… »
L’avocat au barreau de Genève pointe du doigt une autre «erreur de droit». Selon lui, la décision sur les intérêts civils, en plus d’être injuste envers les victimes, ne donne aucune précision sur les modalités de sa mise en œuvre. Pour l’avocat, la décision n’explique pas la responsabilité globale de Habré ni les ressources permettant un paiement. «Qui va être le responsable du paiement ? Quel sera le mécanisme de recours ?», s’interroge l’avocat des victimes devant la barre. Si des réponses ne sont pas apportées, le risque est que la décision ne sera pas exécutée. Ça risque d’être «une promesse», un «mirage», une «illusion» ou même une «trahison», prévient l’avocat suisse. Il demande ainsi à la Cour d’ordonner le versement des ressources dans le fonds mis en place récemment par l’Union africaine. La partie civile réclame aux juges un administrateur du fonds, qui va s’assurer du versement des ressources. Mes Philipe Houssine et Yaré Fall ont mis l’accent sur le montant des indemnisations. Me Yaré  Fall juge dérisoires les montants alloués aux victimes de viols (20 millions) et aux victimes directes (15 millions). Quant à Houssine, il réclame des montants égaux pour toutes les victimes, car d’après lui toutes les victimes se valent.
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