Parbleu ! Que l’imagination et l’activité politiques sont vraiment fertiles au Sénégal, avec des spéculations surréalistes et des recoupements qui n’ont rien à avoir avec le réel. Et si cette imagination et cet activisme étaient orientés vers le travail, le chômage, l’ennui, le vice, le besoin, la criminalité auraient quitté notre société, pour paraphraser Voltaire. Voilà donc une affaire banale de dysfonctionnement relevé dans une structure de démembrement de l’Etat qui aurait pu passer dans la rubrique «faits divers d’un journal», n’eussent été la dimension politico-religieuse que les mis en cause et leurs partisans lui ont donnée et leur volonté manifeste d’internationaliser la question, hélas, sans grand bonheur.
En vérité, le procès de la caisse d’avance de la mairie de Dakar qui n’est pas celui exclusif de l’édile de la ville de Dakar a fini de mettre à nu le caractère versatile sur les principes, la fourberie relativement à l’amour de la patrie et de son patrimoine matériel et immatériel, d’une partie de la classe politique sénégalaise, mais surtout son incapacité de discernement entre contextes, concepts et ce qui est du domaine de la raison ou de l’émotion. Dans ce cadre, il faut le souligner pour le déplorer, dans ce pays, les arguments émotionnels ont toujours prévalu sur ceux rationnels. Et cela a été le cas en matière de reddition de comptes comme sur l’affaire de la caisse d’avance de la ville de Dakar, où finalement le statut d’un homme, amplifié par des prétentions qu’on lui aurait devinées, a été mis en avant, cachant un dysfonctionnement administratif, juridique, financier, scandaleux, à la limite mafieux qui n’absout personne parmi tous ceux qui ont eu à user du même modus operandi, dysfonctionnement relevé dans un rapport d’Etat remis à qui de droit.
Ce sont toujours les arguments émotionnels fondés sur le statut politique, social, religieux, professionnel (journalistes) du mis en cause qu’on brandit, qui servent souvent d’écrans aux délits et préjudices causés à la société pour dénaturer les procès, semer le doute dans les esprits les moins avertis, polluant ainsi l’atmosphère sociale, et jetant le discrédit sur les institutions en général et notre justice en particulier. Pourtant, sous les tropiques, notre justice reste l’une des plus crédibles et des plus compétentes, n’en déplaise à ses membres qui y sont entrés sans vocation ou par effraction, et en sortent avec fracas avec l’ingratitude de la chenille qui quitte son cocon.
Aussi est-on passé d’un procès banal de normalisation de la gestion d’une caisse d’avance à un procès «sensationnel, surmédiatisé» d’un homme politique, offrant l’opportunité de trépigner et de pourfendre le pouvoir en place, à des adversaires politiques dont le seul programme est «Ôte toi de là que je m’y mette». Des adversaires qui, hier comme aujourd’hui, restent mobilisés pour le retour d’un modèle de société des plus rétrogrades et honni par le Peuple, et caractérisé par une gestion mafieuse du patrimoine national et une confiscation monarchique et clanique du pouvoir. Cela est de bonne guerre, car en politique il est permis de se battre pour faire partir l’autre, mais en offrant une alternative, et tous les coups sont permis, mais en revanche, il faut reconnaître à l’autre le droit de défendre son pouvoir et la possibilité de rendre les coups reçus. Tout le paradoxe, l’incohérence et le manque d’objectivité dans la démarche des partisans et compatissants du maire de Dakar résident dans le fait de vouloir fermer les yeux sur ce qui s’est passé, le blanchir et jeter l’opprobre sur Macky Sall, sous le prétexte inconsistant qu’il veut éliminer ses adversaires. Qui d’entre eux en politique et même en sport, où le fair-play est la règle, peut rester indifférent aux ruses de son adversaire pour se faire hara-kiri ?
Il faut l’admettre, le terrain politique est une arène de gladiateurs et même la démocratie tant chantée par ses politiciens, qui ne prennent même pas le temps de s’interroger sur la nature de celle-ci qu’ils adulent et considèrent à tort comme solution à tous leurs problèmes, ne déroge point à la tyrannie politique, quoi qu’en pensent ces nouveaux illuminés qui viennent de déposer leurs apparats et leur «deund» dans l’arène politique. A coup sûr, ils se présenteront chez Ardo comme le maire de Dakar, s’ils ne surveillent leurs gardes.
Alors, on reprocherait au Président, dans cette affaire, d’avoir transmis le dossier au Parquet qui a conclu à une inculpation, d’aucuns spécialistes de la nature du sexe des anges disent de manière «sélective». Mais on ne le répétera jamais assez, le Parquet fait un réquisitoire, mais ne rend pas la justice. Et un procès ne commence qu’avec le juge, il est public et en présence d’une défense et de la partie civile. Alors il faut arrêter de diaboliser notre justice, de confondre inculpation et procès, la politique n’a pas de place dans un procès au Sénégal et dans les pays où cela arrive, les conditions citées ci-dessus n’existent pas.
Cependant, si on veut réduire l’affaire de la caisse d’avance à une dimension politique factice, l’honnêteté intellectuelle commanderait qu’on convoque l’histoire politique récente pour savoir lequel entre Khalifa et le président de la coalition a développé le premier l’adversité politique que d’aucuns soutiennent avoir déteint sur le «procès». Faut-il le rappeler, pour vaincre le monstre politique que nous préparait le Pds et éviter son retour, le pacte tacite jusque-là respecté par le président de la coalition était «gagnons ensemble et gouvernons ensemble». Malheu­reusement, au terme de la distribution des responsabilités, des grincements de dents ont commencé à se signaler au sein de la coalition, où il était quasi impossible de satisfaire tout le monde. Ainsi, des velléités de remise en cause de la dynamique se sont fait enregistrer au sein de presque toutes les formations politiques, et c’est dans ce cadre qu’au sein du Ps, les courants ont resurgi, dont celui de Khalifa qui, à partir de 2013 déjà, avait commencé à prendre ses distances par rapport à l’orientation de son parti dans le Benno. Ainsi, le camp de Khalifa ne ratait plus l’occasion pour pourfendre aussi bien Benno que l’autre camp du Ps, partisan de la dynamique des grands ensembles, même si Khalifa a mis du temps à se démasquer. Et l’opposition jubilait déjà à voir un Benno tassaro. Tout le malaise – l’effritement de la confiance – est parti de ce comportement séditieux. S’il y a donc à analyser l’aspect politique, c’est sous l’angle d’orientation et de lignes politiques qu’il faut le faire et non sous l’angle crypto personnel, entre deux hommes.
En outre, sous le registre de la logique, s’il est établi, comme on veut le faire croire, que Khalifa Sall est un adversaire politique potentiel à la candidature présidentielle contre Macky Sall et sa coalition et qu’il se bat avec des armes politiques, que y aurait-il d’étonnant s’il était combattu politiquement ? Que voudrait-on faire de cette logique, «à la guerre comme à la guerre», que tous ces politiciens assimilent parfaitement et dont ils usent et en abusent ? Au demeurant, si l’entreprise de dislocation de Benno book yaakaar avait réussi comme l’avaient tenté beaucoup d’acteurs politiques depuis 2013, qui sait, avec le problème sécuritaire dans la sous-région et la précarité économique que le défunt régime nous avait légués, si le Sénégal allait survivre ? Qui sait si les progrès économiques et sociaux réalisés dans le cadre du Pse allaient voir le jour ? Aujourd’hui, tout le monde parle d’adversité politique, de recul de la démocratie, sans dire par rapport à quelle séquence de notre histoire, par rapport à quel pays, à quel Peuple ? Mais il faut situer la responsabilité de l’origine de cette adversité, si adversité il y a ? En vérité, Khalifa, volontairement, s’est mis à dos ses camarades et compagnons d’armes d’hier et n’en a pas tiré toutes les conséquences en termes de rigueur et de retenue.
Au demeurant, la fourberie, l’incohérence, la posture versatile de bons nombres de politiciens résident dans le fait qu’ils demandent la rupture tout en s’adossant au passé, ils réclament la norme tout en s’agrippant à la pratique routinière, ils prônent l’éthique et la rigueur tout en encourageant la complaisance, la tortuosité, ils convoquent la démocratie tout foulant aux pieds les lois et règlements sur lesquels est adossée toute démocratie majeure et viable. Ce faisant, pour toutes les affaires qui atterrissent en justice et qui concernent un homme politique, c’est une levée de boucliers, les faits importent peu, c’est un acharnement politique, c’est une violation de la démocratie qui n’existerait que pour les caprices d’une certaine élite politique. Arrêtons cette farce ! Où peut-on trouver l’homme politique en dehors de son terrain de prédilection politique ? «Celui qui combat par l’épée périra inéluctablement par l’épée», comme le dit bien l’adage.
C’est pourquoi l’enseignement que Benno book yaakaar et le président de la coalition devraient tirer de cette affaire de la caisse d’avance et de l’épreuve, en perspective des élections, c’est d’identifier et de compter d’abord sur les vrais amis, conformément à l’adage qui nous dit ceci : «C’est dans l’épreuve qu’on reconnaît les vrais amis», car les faux ont commencé à décrypter les notes de l’adversaire, s’ils ne dansent pas déjà leur musique. Gardons le cap, ne soyons pas divertis, le Peuple sénégalais n’est jamais tombé sous le charme de politiciens prestidigitateurs !

Waly Coura NDIAYE
Cadre de Bennoo Book Yaakaar
wandiaye@gmail.com