Les avocats des accusés Marième Sall, Ibrahima Hann, Latyr Niang et Abdou Aziz Dia alias Abu Zaber ont été unanimes. Ils ont tous sollicité l’acquittement de leurs clients et fustigé le comportement du Parquet et des juges d’instruction.

Les avocats de Ibrahima Hann ont plaidé l’acquittement, car pour Me Mbaye Sène, le fait de connaître imam Ndao n’est pas une infraction qu’on peut retenir à l’encontre de leur client. «Ibrahima Hann, rappelle-t-il, devait obtenir un non-lieu depuis le début de cette affaire, mais on ne le fait pas. Ce qui est une injustice. C’est une gravité, une injustice commise par le Parquet.» En écho à ces remarques, il attire l’attention de la Chambre criminelle : «Il n’y a plus de sécurité judiciaire dans notre pays, si les juges d’instruction croient qu’ils sont des substituts du procureur de la République, s’ils pensent qu’ils doivent faire passer comme lettre à la poste tout ce que dit le procureur de la République, alors que ce denier n’a pas enquêté, n’a pas instruit.»
La défense de Marième Sall est aussi loin d’être satisfaite, malgré l’acquittement requis par le Parquet. Pour ses avocats, le mal est déjà fait parce qu’elle croupit en prison depuis 6 mois, alors qu’elle n’a posé aucun acte allant dans le sens des faits qui lui sont reprochés. Si on en croit à Me Wellé, Marième Sall inspire la confiance. «C’est pourquoi elle est sollicitée dans son quartier. Quand quelqu’un veut garder de l’argent ou des bijoux de valeur, on pense à elle», dit-il. C’est ainsi que Coumba Sall lui avait confié l’argent dont elle n’avait pas vérifié le contenu. Pour Me Wellé, elle a été perdue par son cœur, son comportement d’honnête personne. «La justice doit être sereine pour apprécier les faits qui lui sont fournis. Ce sont des récriminations pour le moins effarantes», remarque Me Aly Fall avant de demander de l’acquitter purement et simplement. «Et ce ne sera que justice», insiste-t-elle. Abondant dans le même sens, Me Alassane Cissé soutient qu’il n’y avait aucune raison de maintenir Marième Sow dans les liens de la détention. «Pourtant, cette dame avait obtenu une liberté provisoire avant d’être arrêtée à nouveau sans que l’on sache la motivation», se désole-t-il. Ainsi, Me Cissé s’offusque de la manière dont ce dossier a été traité. «Lorsqu’on rend une justice, l’obligation est de permettre à la personne incriminée de comprendre le pourquoi des poursuites, mais également le contenu. Rien n’est clair, rien n’est établi», dit-il. A l’en croire, sa cliente a été arrêtée dans le seul but de dénoncer Matar Diokhané. «Mais en réalité, il n’y avait aucune charge contre elle. Il ne faut pas embarquer des innocents dans une guerre ou une lutte qui n’est pas la leur», remarque-t-il.

Feu sur le Parquet
Les avocats de Latyr Niang ont tenté aussi de démonter l’accusation retenue contre leur client qui risque la prison à perpétuité. Selon Me Mbaye Sall, le procureur ne s’est fondé que sur les déclarations à l’enquête préliminaire pour requérir. Alors que le juge d’instruction devait renvoyer devant la Chambre criminelle les accusés sur la base des charges. «Malheureusement, on a fait du copier-coller. C’est pour l’amour de sa religion que Latyr Niang a accepté d’aller au Nigeria quand Aboubacry Guèye lui a fait la proposition. Latyr Niang n’a jamais participé à une quelconque guerre aux côtés de Boko haram ni été initié au maniement des armes», avance-t-il. Au final, il a plaidé l’acquittement parce qu’il n’a jamais été aussi à Gosa, Handack ou Sambisa.
A la barre, Me Abdoulaye Seck a fait un profil de Latyr Niang. Il dit : «C’est un jeune Sénégalais de Richard-Toll qui a vécu à un moment à Rosso et a été bien encadré par ses parents. Il a commencé par fréquenter l’école sénégalaise avec volonté. Son souhait était de réussir. Hélas, il a tenté trois fois la classe de Cm2, mais il n’a pas réussi. Il a essayé le métier de tailleur, mais la chance ne lui a pas souri, car il ne l’aimait pas. Par la suite, il a tenté le football. Il était un bon footballeur, mais malheureusement il n’a pas eu la chance d’être recruté par un grand club. Il est allé aux côtés d’un oncle qui réparait des réfrigérateurs pour gagner sa vie. Ce métier ne lui rapportait pas beaucoup. Il s’est lancé dans le commerce.» Il poursuit : «N’ayant pas eu la chance d’apprendre le Coran, il a eu celle d’approcher Aboubacar Guèye qui l’a initié. Ce dernier était devenu son maître, sa référence. Et il le suivait partout. C’est avec cet Aboubacar Guèye qu’il a fait cette mésaventure. Il a tenté de voyager pour subvenir aux besoins de ses deux épouses, de ses 5 enfants et des parents.» Que faisait-il dans le fief de Boko haram ? «Son intention, précise Me Seck, n’était pas d’aller là-bas pour faire le djihad ni d’aller combattre aux côtés de Boko haram. Lorsqu’il a su que ce qu’il a été allé faire au Nigeria n’avait pas lieu et qu’il a vu des choses dont il n’avait pas voulu s’y mettre, il a vite rebroussé chemin pour retourner au Sénégal. C’est lorsqu’il est revenu ici, alors qu’il était en train de se reconstituer, que le sieur Aboubacar Guèye l’a appelé pour le mettre en rapport avec Ibrahima Diallo afin que ce dernier lui remettre 550 euros», révèle l’avocat qui estime que Latyr Niang n’était pas au courant «que cet argent provenait d’activités terroristes». Aboubacry Guèye avait promis de l’aider pour réparer le préjudice qu’il lui a causé, ajoute la robe noire qui pense qu’il n’y a pas de «blanchiment de capitaux» en l’espèce.
Par ailleurs, les avocats de Abdou Aziz Dia alias Abu Zaber, qui risque la perpétuité, ont aussi plaidé l’acquittement. Selon Me Ndoumbé Wane, «le procureur a scindé les accusés en groupe. Ceux qui ont été au Nigeria il a requis la perpétuité, ceux qui n’ont jamais été au Nigeria l’acquittement, ceux qui ont été au Sénégal et ayant des connexions avec Matar Diokhané (5 ans, 10 ans, 15 ans et 20 ans), et le parrain, imam Ndao (30 ans). Notre client, dit-elle, n’a assisté à aucune réunion encore moins à une concertation. Et ce n’est pas parce qu’on parle dans ce dossier de terrorisme qu’on doit requérir la perpétuité».
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