Téliko : «C’est de l’acharnement !»
Le procès en diffamation opposant le journaliste Madiambal Diagne au président de l’Ums a été jugé hier. Devant la barre, le patron du Groupe Avenir Communi­ca­tion a maintenu ses déclarations et indiqué les raisons pour lesquelles il a ciblé le juge Souleymane Téliko. Ce dernier, quant à lui, a nié les faits même s’il reconnaît qu’il y a remboursement et opposition. Il a réclamé la somme de 500 millions de francs en guise de dommages et intérêts. La décision sera rendue le 17 juin prochain.

L’administrateur du Groupe Avenir Communication n’a pas varié  hier par rapport aux propos tenus lors de l’émission Grand Jury le 29 mars dernier. «Oui, je maintiens mes propos. J’assume les propos tenus à la Rfm.  Et pour les propos dont on parle  dans le journal Le Quotidien, je ne les ai pas écrits. Allez voir avec le directeur de publication», dit Madiambal Diagne au juge Ndary Diop qui lui demandait s’il était bien l’auteur de ces propos qu’il venait de lui faire la lecture. Comparaissant hier devant le Tribunal correctionnel pour diffamation au préjudice du juge Ousmane Téliko, et face aux avocats de la partie civile qui élevaient des voix, le journaliste déclare : «Je tiens à préciser que je pourrais vous poursuivre pour  dénonciation calomnieuse.» A l’endroit de Me Bamba Cissé qui demandait s’il est bien présent pour assumer ses actes, Madiambal Diagne  répond : «Je suis bien là, prêt à assumer mes propos. Vous avez bien dit bien habillé, j’ai souhaité venir  fringant devant la barre pour cette procédure.»
Par rapport à la question de récuser le juge, Madiambal Diagne  dit : «J’ai foi en la justice. Je crois en l’idéal de la justice, au principe du droit. Ce qui m’a poussé à venir. J’ai confiance en la justice.» Avant de prévenir les avocats de la partie civile. «Je tiens à dire que certains peuvent être arrogants, mais je ne me laisserai pas marcher sur les pieds. Je dis que Souleymane Téliko a reçu 8 millions 800 mille francs pour la mission  rogatoire  alors qu’il a été pris en charge par l’Union africaine. Je dispose du tableau récapitulatif  des sommes qu’il a encaissées et les montants remboursés», martèle-t-il.
Face à ces affirmations, les avocats de la partie civile lui ont fait savoir qu’il n’y a pas de rapport de l’Union européenne. En réponse à cette interrogation, le journaliste a dit que  «c’est un lapsus», mais qu’il voulait parler du rapport de l’Union africaine. A en croire  Madiambal Diagne, le nom de Souley­mane Téliko figure bien  dans le rapport en question.
Mais à la question de savoir pourquoi il n’a cité que le président de l’Ums alors qu’il n’était pas le seul dans cette mission rogatoire, le prévenu précise son attaque. «Les autres magistrats ne m’intéressent pas. Tout le monde sait qu’au Sénégal je suis un défenseur de la justice. Je prétends à chaque fois  que la justice est attaquée  de la défendre. Nous avons entendu plusieurs fois Souleymane Téliko  attaquer la justice. Je suis  confronté dans cette position par les magistrats. Ce n’est pas moi qui le dis. C’est la justice après la lecture  de la décision du Conseil  de  la magistrature suprême  qui l’a condamné pour blâme», indique-t-il.

«Les autres magistrats ne m’intéressent pas.
Mais le juge Souleymane Téliko s’inscrit en faux contre les allégations du patron du Groupe Avenir communication. «Les Chambres  africaines ne sont pas un démembrement de l’Union africaine. C’est un démembrement  des juridictions internationales», précise-t-il. Avant d’inviter Madiambal Diagne à ne pas se dérober. «Il ne faut pas se dérober. Il faut assumer. C’est un homme de communication. Il s’est préparé. La question était autre. On lui pose une question sur l’indépendance de la justice. Tout ce qu’il dit n’a rien à voir  avec cette question.  Depuis plusieurs mois, tout le monde me demande  qu’est-ce qui se passe entre nous. Je ne le connais pas. Car on n’a jamais travaillé ensemble. Il y a plusieurs manières de dire des contre-vérités. Où est le rapport de l’Union européenne ? Il n’existe pas. C’est du n’importe quoi. Il se permet de dire que l’Ue a contesté devant l’Etat du Sénégal. Il a dénaturé les faits», se désole le magistrat. Avant de revenir sur la mission. «Nous étions 10, 4 enquêteurs et 5 magistrats. Il a dénaturé le rapport. Ce n’est pas une prise en charge totale, mais partielle», dit-il.

«Son objectif, c’est  de créer le doute…»
Selon le président de l’Ums, qui crie à l’acharnement, Mamdiambal Diagne a un procédé cynique et extraordinaire de dénaturer les choses. Pour lui, c’est de l’acharnement. «Son objectif, c’est  de créer le doute et de ternir l’image d’une personne. J’ai souffert depuis très longtemps», informe-t-il.
Par ailleurs, le juge Téliko se demande comment M. Diagne a pu disposer du dossier faisant état  des remboursements. «Qui lui a remis le dossier ? C’est un dossier confidentiel. Cela montre l’implication du ministère de la Justice. Je le dénonce jusqu’à la dernière énergie. Ce monsieur est à son quinzième mensonge. Ce qui l’intéresse, ce n’est pas d’informer juste et vrai.»
Mais M. Diagne est catégorique dans ses propos. Il a remboursé. «Il a pris  des montants qu’il ne devait pas toucher. De toutes les personnes concernées, il est la seule personne qui a donné des leçons de morale.  Il faut noter aussi que c’est plusieurs missions et que chaque fois il percevait les mêmes avantages. Ils ont remboursé, parce que le ministre a demandé à ce qu’ils remboursent. On sait combien de dossiers somnolent en  lui. Au Sénégal, il y a plus de 400 magistrats, il y a un seul cité dans un dossier d’escroquerie», lui rend-il aussi la politesse.
Mais le président de l’Ums soulignera qu’en 26 ans de carrière, il n’a jamais été impliqué dans un dossier d’escroquerie. «J’ai été mobilisé en qualité d’expert par l’Union européenne», fait remarquer M. Téliko. Quand Me Ndèye Fatou Touré  lui a demandé de dire d’où il a tiré  le rapport épinglant le juge Téliko, l’administrateur du Groupe Avenir Communi­cation a refusé de donner sa source.
Invité aussi par Me Bamba Cissé à donner la signification du mot épingler, il dira qu’il a sa compréhension de ce terme qu’il a utilisé dans ses accusations. Mais qu’il a été conforté par les définitions données par les avocats de la partie civile.
Pour Me Daff de la partie civile, le journaliste a bénéficié d’une tribune et persiste dans la délinquance de diffamer leur client. Selon lui, ce n’était pas seulement les magistrats qui étaient dans cette mission, mais M. Diagne avait tout simplement l’intention de nuire à l’honorabilité  de Souleymane Téliko.
D’après Me Ndoumbé  Wane de la partie civile aussi, la première réponse de Madiambal pour apporter ses preuves c’est de dire qu’il assume ses propos. «Il dit que l’Ue est le prolongement de l’Ua. Mais à la fin il dit que c’est un lapsus. Où est la lettre de protestation de l’Ue ? Il est incapable de la montrer»,  pense la robe noire selon qui, il n’y a qu’un seul courrier envoyé  au ministère de la Justice, et c’est celui de Aly Ciré Ndiaye, actuel président de la Cour d’appel de Dakar.
Quant à Me Ousseynou Gaye, il pense que Madiambal Diagne fait dans l’extrapolation.  Me Bamba Cissé dit avoir mal quand il a entendu le prévenu dire qu’il pouvait récuser le tribunal. «Nous sommes devant la barre, mais pas dans Les lundis de Madiambal», lui a-t-il dit en lui signifiant que l’expression épinglée qu’il a utilisée est trop chargée. Et au lieu de s’accuser, il parle de lapsus. Il réclame la somme de 500  millions de francs en guise réparation.
Le représentant du Parquet a requis l’application de la loi. De leur côté les avocats de la défense, n’ont pas jugé utile d’aller dans le fond du dossier. Selon eux, la procédure présente des irrégularités. Ils ont demandé son annulation pure et simple. D’après les avocats, ce sont les magistrats qui sont responsables des délits de presse.  «Si vous  entrez en voie de condamnation, vous allez susciter des réactions. Vous ne  pouvez pas le faire. Pour avoir une décision exemplaire, il faut une procédure exemplaire. Mais celle-là n’est pas bonne», disent-ils sans entrer dans les détails.
Toutefois, la défense fait remarquer que dans la citation, aucune disposition du Code pénal n’a été citée. Elle précise en outre que l’organe n’a pas été cité encore moins le directeur. Ce qui l’amène à dire que c’est nul en matière de diffamation. Les conseils de M. Diagne demandent de prendre en compte la bonne foi du prévenu qui n’a fait que reprendre un rapport. Estimant qu’il n’y a pas de délit dans le cas d’espèce, ils demandent de lui faire bénéficier  de la bonne foi.
L’affaire sera vidée le 17 juin prochain.