Face à la montée de l’extrême droite, aux clichés et propos haineux, Mariama Samba Baldé propose une parade. Un recueil de textes et de photos intitulé «Boubous-Hors clichés» et un film documentaire «Qui suis-je sans mari ?». Un travail qui vise à déconstruire les clichés. Elle a présenté ces deux œuvres il y a quelques jours à la librairie Harmattan.

En déplacement au Sénégal, Ségolène Royal, en tant que présidente de la région Poitou-Charentes, rencontre des groupements de femmes engagées dans la lutte contre l’émigration clandestine à Thiaroye-Sur-Mer le 6 avril 2009. Pour entrer dans l’ambiance de l’évènement, Ségolène Royal arbore un grand boubou. La photo est reprise en France et provoque un torrent de réactions haineuses.
A l’issue d’une séance du Conseil de Paris, Alain Destrem, élu Ump du XVe arrondissement, répond à une question de Canal+ qui lui demande à quoi lui fait penser la photo de Ségolène Royal en boubou parue dans Le Parisien : «A ma femme de ménage», rétorque-t-il. Cet épisode coïncide également avec la nomination de Christiane Taubira au gouvernement en France et celle de Cécile Kyenge au Parlement italien avec son lot de propos haineux et racistes.
Ce sont ces épisodes qui sont le point de départ de l’ouvrage que l’auteure et éditrice, Mariama Samba Baldé, décide alors d’écrire. Boubou – Hors clichés est un recueil de textes et de photos réalisées par Mariama Samba Baldé. L’ouvrage ainsi que le film qu’elle a réalisés, Qui suis-je sans mari ?, ont été au centre d’une rencontre il y a quelques jours à la librairie Harmattan.
Pour l’auteure, ces deux œuvres participent à un «travail de déconstruction sur les clichés». «Les clichés sur la peau noire, l’Afrique, le corps de l’africain, les métiers qu’on estime en Occident que les Africains doivent exercer. Les clichés sur les vêtements des Africains. Donc, c’est une invitation à s’inscrire dans la profondeur et pas dans la superficialité», explique Mme Baldé. «C’est la même démarche qui m’a conduite à faire Qui suis-je sans mari ? Il faut savoir aller au-delà des identités de surface et l’identité d’une femme, ce n’est pas le fait d’avoir un mari, ce sont les qualités qu’elle porte, ce qu’elle fait et ce qu’elle apporte à la société», explique Mme Baldé.
«Toutes les deux œuvres posent la question de l’identité. Le livre sur la perception de l’Africain noir dans le contexte européen et le film sur la perception de la célibataire dans le contexte sénégalais. Dans les deux cas, des clichés circulent et débouchent sur des situations absurdes, mais aussi deviennent des facteurs de souffrance. Ces deux œuvres interrogent le regard et posent la question du respect», indique Mme Baldé.
Pour déconstruire les clichés attachés aux Noirs, Mariama Samba Baldé réalise une série de portraits de femmes africaines arborant de magnifiques boubous. Dans une mise en scène recherchées, ces femmes, parmi lesquelles Germaine Anta Gaye ou encore le Dr Marie Diallo, vont montrer l’élégance et le port de ce vêtement africain.

Repli identitaire
Depuis, la situation n’a guère changé. Au contraire, la montée des extrémismes touche plusieurs pays et le racisme se porte très bien. «C’est le corps du Noir que certains ont du mal à voir en haut de l’échelle», dénonce Mme Baldé qui note dans le monde entier de plus en plus des signes de repli identitaire.
«Il y a de plus en plus de crispation ; d’où la nécessité de faire ce travail de déconstruction du regard parce que c’est souvent l’ignorance qui pousse à avoir certaines positions extrêmes. S’il y a un combat à mener, c’est contre l’ignorance.» En Inde, en France ou en Chine, la question du racisme anti-Noir interpelle, même si l’Occident cristallise les attentions.
Mais pour Mme Baldé, il y a un travail à mener des deux côtés. «On peut toujours se poser la question est-ce que c’est facile d’avoir la peau noire. Tant que l’Afrique sera vue comme un territoire que les populations ont envie de fuir, tant que vont être galvaudées ces images de misère, on aura ce regard sur l’Africain et il y aura un travail de longue haleine à mener sur l’Africain du côté de l’Occident par rapport aux clichés et à l’ignorance, et du côté de l’Afrique, on a aussi un travail à faire pour se développer», indique l’auteure.
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