Champion national du slam en 2018, Abdourahmane Dabo, plus connu sous le nom de Al Fàruq, va représenter le Sénégal à la prochaine Coupe d’Afrique de slam poésie, prévue en novembre prochain au Tchad. Pourtant, ce natif de la Casamance reste encore méconnu du public sénégalais. Etudiant en M2 à l’Ugb et membre fondateur du collectif Nd’art slam, l’artiste s’est patiemment construit un univers à lui, constitué de mots, de lettres, de déclamations.

«C’est Al Fàruq. Je suis Casamançais d’origine. Etu­diant en Master 2 géographie, spécialité gestion des espaces et société rurale à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. Slameur à plein temps.» Ces quelques mots ont suffi à Al Fàruq pour se présenter, mais il en a fallu encore plus en avril dernier pour convaincre le jury qui l’a consacré champion de la Ligue sénégalaise de slam 2018. La finale a opposé les meilleurs slameurs du Sénégal, des gens rompus à la tâche et bourrés d’expérience, mais Al Fàruq, malgré sa récente entrée dans le milieu, a su mettre en avant ses talents de fin poète et slameur pour séduire aussi bien le public que le jury. Avec une note de 17/20, le natif de Bignona a pu se qualifier en finale et finir en tête de cette finale avec 18/20.
En déclamant Monstre, un texte parlant du complexe de l’Africain et Tour du monde en amour, un autre dans lequel il abordait l’amour de manière ironique, Al Fàruq s’est imposé face à ses concurrents, mais il reconnaît que ce n’était pas aisé. «Le niveau était très élevé alors que pour moi c’était la toute première fois que je participais à une compétition de cette envergure. La poésie que je faisais avant m’avait permis de participer à des concours certes (finaliste du Prix Stéphane Hessel de la Jeune écriture francophone en 2015 (Rfi) grâce à sa nouvelle Le Carnet. Ndlr), mais c’était juste à l’écrit. Avec le concours de slam, c’était la première fois que j’exprimais cela sur scène.» Il y avait donc une part d’appréhension et un peu de trac, mais l’envie de gagner et de partager était plus forte que tout. Le jury a penché du côté de celui qui a puisé du fond de ses tripes les mots qui ont fait de lui le vainqueur de la compétition nationale. Mais les autres n’ont pas démérité si l’on en croit les propos du champion.
Coup de chance ou de force ? Pour Al Fàruq, il est cependant clair que s’il a pu réussir cette prouesse, c’est quelque part grâce à l’appui de personnes très dynamiques qui croyaient en lui. «Il s’agit des personnes qui dirigent la Ligue régionale de Ziguinchor de slam, en l’occurrence sa présidente Valérie Ndiolé Sambou. Qui est également coach en slam», souligne-t-il. Grâce à l’encadrement de cette dernière, Al Fàruq a travaillé sa présence scénique, sa voix et acquis bien d’autres techniques qui lui ont permis de gagner en confiance et de partir sur un meilleur pied que ses concurrents.

Retour aux débuts et sur les préparatifs de la Coupe d’Afrique de slam
Aujourd’hui, le champion de slam du Sénégal est pleinement engagé dans les préparatifs de la Coupe d’Afrique de slam prévue en novembre à Ndjamena. Néanmoins, il a tenu à faire une sorte de retour mental aux sources : En 2013, à Saint-Louis, le premier texte. «J’étais dans le collectif Les poètes en vadrouille et on faisait des activités les mercredis ou les samedis à l’Institut français de Saint-Louis ou à la galerie Ataya», explique-t-il. En ce moment, c’était juste une passion pour les mots, les vers. Et Al Fàruq ne se revendiquait pas réellement slameur, mais c’était devenu une évidence au fur et à mesure. «J’ai commencé à véritablement m’intéresser au slam en 2017», confie-t-il. Il participait alors à la mise en place de Nd’art slam, le collectif qui représente la stratosphère du slam dans la région de Saint-Louis. «C’est là que j’ai commencé à me rendre compte des atouts que j’avais et à ne plus les minimiser, à ne plus me dire, c’est ma passion, je le fais par plaisir. J’ai commencé à rêver.»
Cherchant encore plus loin cet amour pour les mots qui l’habite, Al Fàruq soutient que c’est depuis l’enfance. «Contraire­ment à aujourd’hui où j’ai de l’aisance dans l’expression, enfant j’étais très timide. Et le seul cocon où je pouvais m’exprimer, c’était la feuille. Il suffisait qu’on me donne un stylo et une feuille pour que je déplace des montagnes avec mes petits doigts. C’est de la que m’est venue cette verve en écriture», renseigne-t-il. Très vite, il s’est rendu compte que c’était un moyen de partager, une manière d’être présent dans le monde, de marquer son empreinte, de parler de ses amis, parents et a­mours.
Est-ce le fait d’être originaire de la Casamance, de côtoyer la verdure, les magnifiques paysages, la nature généreuse ? Toujours est-il que le slameur, par ailleurs déjà auteur d’un recueil de poésie, Déluge de l’esprit (Edilivre, 2015), est riche de son inspiration. Le rêve devenant réalité, Al Faruq met un point d’honneur à ne slamer que la vérité, comme le suggère justement son nom de scène. Au sommet du slam national, l’artiste a le ticket qui lui permet de participer à la Coupe d’Afrique de slam poésie. Une coupe qu’il espère ramener au Sénégal. «Je pense que j’ai tous les éléments pour remporter la Coupe d’Afrique de slam. Je me prépare de la meilleure des manières, je suis sur scène et je vais dans les spectacles», indique le champion du Sénégal qui a tout de même conscience que rien n’est acquis d’avance. «C’est une compétition d’envergure continentale, avec des champions nationaux, en provenance d’une vingtaine de pays. Les candidats, je le sais, seront d’un niveau excellent», indique-t-il.
En plus, Al Fàruq sait que la pression montera en présence du parterre de ministres qui doivent être invités. Il essaie alors de ne pas se laisser enfermer dans la suffisance de dire que déjà champion du Sénégal, il n’aurait pas vraiment besoin de travailler et chercher à s’améliorer. «J’irai à la Coupe d’Afrique de slam avec toute la confiance des Sénégalais. Et je suis tout confiant que je ne vais pas y faire une simple figuration. Je vais tenir la dragée haute à tous», promet-il.
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