Si on a choisi de militer pour le respect des droits des femmes et les violences basées sur le genre, il ne devrait pas y avoir «d’exception même si la situation est très compliquée». C’est la conviction de Fatou Warkha Samb du collectif «Dafa doy» et fondatrice de la plateforme Warkha Tv. Cette militante pour les droits des femmes et la lutte contre les violences, rappelle qu’elle lutte par «conviction mais pas par convention». A travers sa chaine de télévision en ligne, elle mène la lutte pour le respect des droits des femmes contre les violences.

C’est l’un des visages des nouvelles militantes pour le respect des droits des femmes et des enfants au Sénégal. Agée de 32 ans, Fatou Warkha Samb aime répéter qu’elle s’est engagée dans cette lutte pour le droit des femmes par «conviction mais pas par convention». La preuve avec cette affaire Sonko-Adji Sarr dans laquelle même les organisations féminines les plus connues ont choisi de ne pas se prononcer publiquement pour apporter leur soutien comme elles l’ont toujours fait, à une présumée victime de viol. Tout le contraire de Fatou Warkha Samb et d’autres jeunes militantes.
Cette jeune femme estime que la première réaction en tant que militante, c’est d’apporter « soutien et solidarité » à Adji Sarr. «Les politiques sont dans leur rôle de théoriser le complot mais ils devraient nous laisser, nous qui sommes des militantes, nous qui nous sommes engagées à soutenir les victimes, d’être dans notre rôle d’alerte, d’écouter Adji Sarr. Maintenant, être avec Adji Sarr, cela ne veut pas dire que Adji Sarr a raison, mais cela veut juste dire qu’elle doit être entendue et soutenue jusqu’à preuve du contraire. Parce que si on se rend compte qu’on a fait du tort à Sonko, cela va nous faire mal parce qu’à la base nous sommes des militantes pour le respect des droits humains. Nous voulons que le droit de toutes les parties soit respecté». Voilà qui est dit, pour Fatou Warkha Samb. Dans le militantisme, pas de demi-mesure, il ne devrait pas y avoir «d’exception même si la situation est très compliquée».

Engagement pour les femmes
Sa détermination et son engagement pour la cause des femmes en bandoulière, cette militante informe que, déjà très jeune, même au sein de sa famille, elle considérait qu’elle devait être traitée au même pied d’égalité que ses frères. A ce propos, elle se rappelle avoir refusé en rentrant de l’école, de faire la vaisselle, estimant que ce n’était pas juste parce que pendant ce temps, ses frères étaient devant la télé. Cet engagement, elle le poursuit également au sein de sa communauté à Pikine, dans la banlieue dakaroise. Alors qu’elle n’était encore qu’en classe de Cm2, Fatou Warkha Samb s’est engagée au sein d’une association communautaire de base pour lutter contre les violences faites aux enfants. Après son Bac, Fatou Warkha Samb est orientée au département de Philosophie de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar où elle va s’arrêter en année de licence. A un moment donné elle décide d’arrêter ses études à l’Ucad.
Pour elle ayant toujours voulu être journaliste, il fallait trouver les moyens de continuer son militantisme tout faisant sa passion. Après sa formation en journalisme, elle crée Warkha Tv, une chaine de télé en ligne. Même si au début elle révèle qu’elle n’avait «aucune idée du contenu», ayant constaté par la suite que le contenu dans les chaines de télé par rapport à la femme n’était pas assez valorisant, et surtout le mutisme autour du viol et des violences faites aux femmes, Fatou Warkha Samb décide de faire de cette plateforme un espace communautaire de communication pour la promotion des droits des femmes. Un pari selon elle, risqué, «si on veut avoir des revenus». Parce que pour cela, déclare-t-elle il faut « mettre un contenu qui va attirer les internautes, faire le buzz, parler de politique».
L’engagement pour le respect des droits des femmes ayant pris le dessus, elle choisit comme contenu «des discussions autour du féminisme, l’engagement des femmes dans des associations communautaires de base et aussi de donner la parole aux victimes de viol et violence».
Membre fondatrice et vice-coordonnatrice du collectif Dafa doy, elle a porté avec d’autres associations féminines le combat pour la criminalisation du viol. Après plusieurs années de plaidoyer, la loi a été votée en décembre en 2019. Une satisfaction pour elle, même s’il reste encore beaucoup de choses à faire pour le respect des droits des femmes. Fatou Warkha Samb pense «notamment au code de la famille, qui prône la puissance paternelle au détriment des femmes, à l’avortement médicalisé».
Son plaidoyer aujourd’hui, c’est l’autorisation de l’avortement médicalisé en cas de viol et d’inceste. «Les avortements clandestins sont une réalité. Beaucoup de femmes en souffrent, des femmes, des filles sont emprisonnées à cause d’infanticide, des fœtus sont découverts au niveau de Mbeubeuss. Malheureusement, ce sont celles qui n’ont pas assez de moyens qui en souffrent, les autres, quand elles veulent avorter, elles le font dans des cliniques ou sortent du pays. Pour moi, pour plus d’équité et de justice sociale, on devrait autoriser l’avortement en cas de viol et d’inceste», plaide-t-elle. Autre appel lancé parce cette jeune dame, c’est le changement dans la célébration du 8 mars. Pour elle, il faut mettre fin au folklore et aux animations et se concentrer sur les revendications. D’après Fatou Warkha Samb, c’est plutôt l’occasion pour faire le point sur le respect des droits des femmes, sur la lutte sur les violences basées sur le genre.

Mettre fin au folklore du 8 Mars
En tant que féministe assumée, des critiques elle en reçoit à la pelle. Mais pour elle, pas question d’y prêter attention. Fatou Warkha Samb rappelle que le féminisme ne vient pas de l’occident, parce que les femmes au Sénégal ont toujours été des battantes. « Je n’ai pas lu Simone De Beauvoir et je l’ai fait exprès, parce que mon militantisme je ne le tire pas de son influence. Moi, mon féminisme vient de ce que mes grands-mères faisaient. Peut-être que je suis Walo Walo. J’ai vu aussi ma mère se battre pour l’éducation de ses enfants. C’est de là que viens mon militantisme», tient-elle à rappeler. A ceux qui disent que les féministes sont des révoltées ou pas assez belles, elle répond : « Révoltés ? Non on est juste conscientes de nos droits. Vilaines ? Je ne le pense pas. Je fais le choix de ne pas me maquiller. Il s’agit d’aider les femmes à s’affirmer telles qu’elles sont. Les critiques ne m’affectent pas je sais qui je suis, je sais ce que je suis capable de faire et je suis ouverte d’esprit ».