La vie est une tombe pour nos espoirs. On l’a connu, il y a plus de 28 ans. C’était un jeune homme trapu avec un corps musclé à coup «d’appuis avant» sur le sable de la plage «Bluma» de Thiaroye. Tous les rajouts à son squelette ont fondu comme beurre au soleil. Pourquoi ? «Tu le sais mieux que moi», s’esclaffe-t-il en laissant apparaître une dentition éparse et jaunie par la consommation de tabac. Il y a le poids des attentes que l’abnégation au travail n’a pas pu supporter. «C’est la vie et le destin qui façonnent le parcours des gens», expose-t-il. Fataliste.
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Issa faisait partie des icônes de cette plage de Thiaroye sur mer. Il était un fieffé buteur lors des affrontements de «petits camps». «J’étais le meilleur. Tout le monde était fan», note-t-il. Oui, les quadragénaires et quinquagénaires d’aujourd’hui peuvent s’en souvenir.
C’était une autre époque. Une autre vie pour lui. En 2005, il est parti aux îles Canaries par la pirogue. Puis, il est rentré définitivement en 2018. «Je suis parti tardivement et je n’ai pas pu trouver ma voie en Espagne», admet-il. Il n’a pas ramené grand-chose. «J’ai eu juste une maison», révèle-t-il. D’autres personnes qui fréquentaient la plage ont aussi pris le chemin de l’émigration irrégulière à cause de l’appauvrissement de la mer. «Il y a eu une vague de départs en 2005. Certains sont morts en mer, mais d’autres ont vraiment réussi leur vie en Espagne», salue Issa. Si la mer n’offre presque plus rien, d’autres continuent à défier la mort pour rejoindre l’Espagne afin d’échapper à ce destin où se mêlent précarité et incertitude. «Pour moi, c’en est fini. Je ne referai plus ce voyage», promet-il.
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A 56 ans, il reprend sa vie à l’étape de 2005. Il replonge dans les activités de pêche. «Je ne peux plus aller en haute mer. Je parcours l’océan avec des amis et cousins. Pas loin», précise-t-il. Il y a cette activité connexe de la pêche artisanale, qu’il se résout à refaire pour arrondir ses fins de mois. «On s’y plie, mais le «Xeuth Mball» n’apporte plus rien. Je n’ai pas grand-chose d’autre à faire», admet Issa. Il noie tout le monde dans une épaisse couche de fumée après avoir grillé une nouvelle clope. «Ciao ! On se voit un de ces quatre ! Espérons que ce sera un jour plus poissonneux», salue-t-il. Que sa volonté soit faite !