Profil – Moussa Soumboundou, victime de l’accident de Sikilo il y a 1 an : Kanka Moussa, l’incompris

«Kanka Moussa l’incompris», c’est le titre du livre écrit par Alioune Ben Soumboundou, frère aîné du chauffeur d’un des 2 bus entrés en collision le 8 janvier 2023, à hauteur de Sikilo, près de la ville de Kaffrine, en hommage à son jeune frère Moussa Soumboundou, chauffeur, qui y a perdu la vie, ainsi que plus de 80 autres clients et chauffeurs desdits véhicules de transport en commun. Pour perpétuer la mémoire du disparu, l’œuvre biographique retrace le parcours de l’activiste engagé et entre dans l’intimité de sa vie de famille, indiquant que Moussa était un éternel incompris même pour celle-ci. La présentation du livre est faite dimanche à l’occasion de la célébration de l’an 1 de cet accident.
«Qui trop embrasse mal étreint.» Pour une fois, cet adage ne s’applique pas à Moussa Soumboudou dit Kanka Moussa, chauffeur qui a perdu la vie lors d’un tragique accident de la route survenu le 8 janvier 2023 à hauteur de Sikilo, près de la ville de Kaffrine (Centre-ouest du Sénégal). Activiste débordant d’énergie, que l’on retrouvait sur les plateaux de télé ou alimentant la Une des parutions de la place, tantôt pour se plaindre des nombreux accidents de la circulation, tout en indexant les coupables et proposant des solutions, tantôt pour réclamer un gynécologue et un scanner pour l’Hôpital régional de Kolda ou pour exiger la construction d’un hôpital de niveau 2 à Vélingara. Moussa était également audible sur le front de la lutte contre l’émigration irrégulière ou encore contre la déforestation de la région de Kolda. La petite taille de Kanka Moussa, son niveau de scolarisation assez moyen, son jeune âge (30 ans), la démarche quelque peu bancale soutenue par une corpulence de lutteur ne prédisposaient pas ce Soninké «plein de vie et d’énergie» à se mettre au-devant de la scène pour porter avec bonheur tous ces combats. Et pourtant, ce fils d’un chauffeur de la classe moyenne de la ville de Vélingara, du nom de Boubacar Soumboundou, n’a jamais été ridicule dans les combats engagés. Mieux, il en a gagné à la pelle. Mama Samba Diao, vice-président du Conseil départemental de la jeunesse de Vélingara, explique : «Si le plateau technique du Centre de santé de Vélingara est relevé actuellement avec le fonctionnement d’un bloc de Soins obstétricaux d’urgences (Sou), c’est quelque part grâce à ses combats. Avec son organisation de lutte contre la déforestation, «Fuladu Vert», nous avons procédé à des séances de reboisement et sensibilisé contre la coupe abusive du bois. Dans la lutte contre l’émigration irrégulière, il a permis à l’Organisation mondiale pour les migrations (Oim) d’injecter plus de 600 millions de F Cfa dans le département en faveur des migrants de retour.» Ce n’est pas tout : «A Kolda, il a participé à la grande marche pour l’obtention d’un scanner et d’un gynécologue.» Ce ne sont pas les seuls combats menés par Moussa : «Avec l’«Association Beuguetouma accident» (Aba) dont il est le père-fondateur, Moussa a fait plusieurs télés et radios pour se plaindre du nombre élevé des accidents de la route, indexer les coupables et proposer des solutions. Hélas, c’est un accident de la route qui va barrer la route à ses combats altruistes pour que les populations de Vélingara, de la région de Kolda et du Sénégal vivent mieux. Il a laissé une veuve et 3 enfants.»
Biographie du défunt chauffeur
«L’homme n’est pas ce qu’il est, il est ce qu’il fait.» Cette citation de l’écrivain Français André Malraux a inspiré Alioune Ben Soumboundou, l’auteur du livre biographique en hommage à son frère cadet, Moussa Soumboundou, décédé dans le tragique accident survenu à Sikilo le 8 janvier 2023. Dans cet ouvrage, le frère aîné du disparu a insisté moins sur son portrait physique et ses pensées que sur ses actions de militantisme engagé pour un mieux-vivre des populations du département de Vélingara d’abord, celles de la région de Kolda ensuite et puis celles du Sénégal en général. C’est ce que nous pouvons retenir de la présentation de «Kanka Moussa l’incompris» faite dimanche dans un hôtel de Vélingara par l’écrivain, professeur de Lettres, Abdourahmane Diallo. D’ailleurs, dans la soixante-et-unième page (la dernière) de cette œuvre-hommage, Alioune Ben Soumboundou a invité ses lecteurs à retenir de Kanka Moussa ce qui suit : «Il restera de Moussa Soumboundou son esprit de solidarité, de partage, son altruisme, son amour pour Vélingara et le Fouladou. Il restera de lui ses combats contre l’émigration clandestine, pour une jeunesse entreprenante et épanouie, ses combats pour la santé de la mère et de l’enfant, mais aussi ses combats pour la sécurité routière pour épargner des vies.» Toujours pour confirmer que l’auteur du livre a voulu que la postérité retienne uniquement les actes posés par Kanka Moussa, le préfacier Ousmane Sarr a écrit : «Moussa aura marqué en un laps de temps, toute une population, posé des actes qui transcendent les générations, des actes transhistoriques. Comme s’il fut habité par un «esprit», touché par la grâce divine. Il n’était pas fait de la même pierre que le commun des mortels.» Moussa était incompris. Il assumait ce regard d’éternel insatisfait posé sur lui, même par ses propres parents. «C’est que Kanka avait conscience qu’il avait un destin à accomplir en un temps record, la mort étant si loin, si proche.» Moussa est entré dans le cercle restreint des immortels du Fouladou. A travers ce livre. A travers ses œuvres. Mais aussi à travers la Fondation Moussa Soumboundou déjà mise sur pied. Selon Mohamed Soumboundou, un proche : «Les recettes issues de la vente du livre seront versées à la fondation, qui va perpétuer les combats que Moussa Soumboundou avait entamés.» Mieux, Mame Cheikh Mbengue a proposé que la gare routière de Vélingara porte le nom de l’illustre disparu ainsi qu’une rue.
Emotion dans la salle
«Les morts ne sont pas morts… Les morts ne sont pas sous la terre. Ils sont dans la case, ils sont dans la foule.» Le poète Birago Diop ne savait pas si bien dire. L’émotion était à son comble dans la salle des spectacles d’un hôtel de la place apprêtée pour accueillir la cérémonie de dédicace du livre. L’image de Moussa Soumboundou, plus que les mots d’hommage, hantait la salle tel un fantôme. Ses proches et amis ont réprimé des larmes, les trémolos dans la voix étaient prononcés chez certains, certains autres ont carrément versé des larmes. Devant sa veuve, restée stoïque et silencieuse tout au long des longues heures passées à écouter de vibrants témoignages sur le papa de ses 3 enfants.