Par de petits sketchs, Fatou Hane et le groupe de comédiens qui l’accompagnent, mettent en lumière les problèmes qui agitent la société sénégalaise. Ces réalisations diffusées sur les réseaux sociaux sont de plus en suivies. L’humour, mais aussi le talent et l’engagement des comédiens sont devenus un plaisir quotidien à savourer sur la toile.Par Mame Woury THIOUBOU –

Avant, on aurait parlé de saynètes. Aujourd’hui, Tik-tok, Facebook et autres ont ramené leur propre vocabulaire. Mais la vocation de ces petits sketchs reste la même : celle de divertir bien sûr, mais aussi d’éveiller les consciences et de mettre le doigt sur certaines tares de notre société. Et dans cet exercice, Fatou Hane et le groupe de comédiens qui l’entourent, réussissent haut la main. Diffusées sur les réseaux sociaux, ces productions suscitent de plus en plus d’attention. Beaucoup de commentaires et de réactions également. Mais il faut dire que dans leurs petites productions, Fatou Hane, Abdoulaye Guèye Badji (Laye), Abdoulaye Diouf (Gros bb), Mariama Faye (Ndébane), Haddy Sarr (Diamant noir, Faptéw) et Mouhamadou Diba (bicenty) laissent éclater un talent certain. Les scénarios souvent centrés sur le Sénégal et ses spécificités, très souvent un couple ou la belle famille. Le décor posé, ce sont les dialogues qui révèlent un humour décapant. «J’ai toujours souhaité sensibiliser, dénoncer et mettre en avant la situation féminine qui est, encore plus aujourd’hui, décriée dans la société. Mais également, j’aimerais apporter les bases d’un questionnement sur les mœurs de la société sénégalaise», explique la comédienne à l’origine de cette production. Fatou Hane, qui vit désormais entre la Belgique et le Sénégal, est aussi metteuse en scène. «Ça part toujours d’une idée, d’une possibilité de scénario à réaliser. Ensuite, soit seule, soit à plusieurs, nous regardons ce qu’il est possible de faire pour communiquer ce message. Ça peut passer par un moment de réflexion sur les répliques, sur les scénettes en elles-mêmes, les différents intervenants, etc. Quand tout semble bon, nous commençons le tournage à proprement parler, pour arriver à quelque chose qui nous plaît au final, et surtout qui reflète bien l’idée originale à la base de cette scène», raconte celle qui tient le rôle de l’épouse de «Laye» dans cette série de sketchs qui rappellent les grands classiques du théâtre populaire sénégalais, les duos Baay Peul-Makhouredia Guèye ou encore GoorGorlou et sa dame notamment.
Dans la réalisation de ces vidéos, l’improvisation a bien sûr sa part. «Il y a toujours une part d’improvisation, de spontanéité également dans tout cela. Ça permet de garder une certaine authenticité, un aspect vivant au travail réalisé», dit-elle. Au fil des sketchs, le mélange prend de plus en plus. Au grand bonheur des spectateurs. «J’aime les spectacles qui se concentrent sur la vie quotidienne des gens», avoue Fatou Hane qui se définit d’ailleurs comme une féministe convaincue. Pas étonnant dès lors que ses sujets soient le reflet de son engagement. Laye Guèye Badji et les autres membres de la distribution sont arrivés dans le projet par envie au départ, mais également par nécessité, indique-t-elle. «Laye et les autres sont des artistes que je connaissais depuis longtemps et que je souhaitais intégrer», ajoute-t-elle.

Collaborations, productions…
Comédienne, Fatou Hane se dit passionnée des textes à contenus et à enjeux, et elle aime pratiquer son métier dans les milieux les plus diversifiés possibles et se confronter à de nouvelles expériences. Son parcours le montre bien avec des participations à différents stages et différentes productions théâtrales, mais aussi à des spectacles qui ont tourné dans le circuit international aux cotés de grands noms comme Fabrice Murgia du Conservatoire de Liège et Théâtre National de Bruxelles, Etienne Minoungou, Michaël Decock, Pietro Varrasso ou encore Dorcy Rugamba. Ses talents sont aussi au cinéma où elle a participé au film Les Pas Perdus et à diverses publicités. Un parcours qui se poursuit encore aujourd’hui avec une présence au Festival d’Avignon. Avant de s’installer en Belgi­que, la comédienne sénégalaise s’était déjà construit un réseau sur lequel elle s’est appuyée pour participer à différentes créations. Dans cet environnement européen, les combats qu’elle épouse ne se limitent pas à dénoncer le sort qui est fait aux femmes sénégalaises, mais elle prend aussi fait et cause pour la diversité. Même si elle-même n’a pas subi de discriminations, elle a quand même participé à une campagne sur les actrices afro-descendantes, qui pointent justement la discrimination qu’elles subissent dans le monde du spectacle de manière plus générale. «Je suis consciente qu’il y a toujours des différences actuellement. En effet, quand on a besoin d’une personne étrangère ou autre pour un rôle, il n’y a pas de souci à proprement parler. Mais dans le cas où ce n’est pas une nécessité, c’est tout de suite plus compliqué. De plus, j’ai connu différentes personnes qui ont été «obligées» de revoir leur orientation professionnelle suite à cela», explique-t-elle.

Le théâtre marginalisé ?
Formée au théâtre dans la compagnie Bousaana de Zi­guinchor, Fatou Hane estime que le théâtre évolue au Sénégal, mais lentement. En cause, une multitude de défis que les acteurs doivent relever : le temps pour créer, le nombre peu élevé de productions annuelles, la faible formation des acteurs de ce secteur, le manque de moyens et de recherche, l’insuffisance des cadres d’échanges et de diffusion. Selon Fatou Hane, tout est centré sur le cinéma et la musique, le théâtre demeurant à la marge. Un manque de structuration qui impacte la scène sénégalaise qui souffre de l’absence des nombreux mé­tiers nécessaires à la production théâtrale.
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