Les partenaires techniques et financiers du Sénégal n’apprécient que modérément la gestion de la cagnotte de 69 milliards de Cfa destinés à la fourniture des denrées alimentaires aux personnes affectées par le Covid19. L’Etat avait rejeté leur proposition de faire de la distribution d’argent directement, mais se retrouve aujourd’hui empêtré dans un gros scandale. Cela pousse l’Afd et la Banque mondiale à remettre en selle leur idée de transfert d’argent.

Le programme de distribution des denrées, piloté par le ministre Mansour Faye, n’a pas encore fini de faire des remous. Le Quotidien a appris que la communauté des bailleurs de fonds est en train de suivre cette histoire de près, et d’en voir les évolutions. Cela, d’autant plus que le gouvernement leur a pratiquement forcé l’idée de distribution de riz. Car au départ, quand le président a décidé de consacrer un montant aussi important en soutien aux ménages affectés par le Covid 19, les partenaires techniques et financiers avaient proposé que l’Etat utilise le système déjà bien rodé de transfert d’argent, qui a par exemple, était expérimenté avec les Bourses familiales.
Les autorités sénégalaises auraient écarté l’idée, en déclarant que la crise du Covid ne le justifiait pas vraiment. Et en plus, elles craignaient que, même avec un transfert par mobile banking, dans les petites localités rurales, ce système ne provoque des regroupements devant des guichets des opérateurs téléphoniques ou à la Poste, et risquer de cette manière, de favoriser la propagation du coronavirus. Cet argument n’a pas semblé pour autant convaincre les fonctionnaires internationaux, qui estiment que la distribution de riz dans les localités va également provoquer des attroupements, susceptibles tout autant de diffuser des cas de coronavirus… D’ailleurs, au moment où les Sénégalais se montraient réticents, le système était appliqué au Maroc et en Tunisie !
Mais le plus dommageable dans l’affaire, en plus du caractère non-transparent de l’accord passé avec Diop Sy sur le transport du riz, en plus de la nébuleuse que représente l’attribution du marché de fourniture de cette denrée, il y a le fait que cela n’a pas rapporté grand-chose. Les camions fournis par Diop Sy et par d’autres opérateurs, n’ont pu acheminer, à la date d’hier, que 10 000 tonnes de riz, sur les 145 mille qu’il y a à acheminer et distribuer. Cela, après une semaine. C’est dire qu’à ce rythme, beaucoup de villageois ne sont pas encore près de voir la couleur du riz qu’ils espèrent.
C’est sans doute pour cela que le ministère des Infrastructures et des transports terrestres, a fini par passer un accord avec le Collectif des acteurs des transports routiers du Sénégal (Catrs), pour la mise à disposition du parc des camions poids lourd, pour le transport du riz. Cela permettra peut-être d’accélérer la cadence de distribution, mais ne pourra plus sauver la réputation du ministre Mansour Faye. Et in fine, de celui qui le maintien en place.
Car si Mansour Faye a pu passer le marché de fourniture de riz avec des opérateurs inconnus au bataillon, au détriment des chefs d’entreprise ayant pignon sur riz comme Bocar Samba Dièye et autres, c’est parce qu’il avait la caution de son président. N’est-ce pas Macky Sall qui a décidé, toutes affaires cessantes, de sortir les marchés portant sur la lutte contre le Covid 19 du Code des marchés publics ? C’était la toute première décision qu’il avait prise une fois que le Parlement lui avait voté la loi d’habilitation. Comme s’il savait déjà ce qui allait suivre.
Aujourd’hui que son ministre essaye de se dépêtrer de son scandale, les partenaires techniques et financiers eux, veulent avancer. Ainsi, Le Quotidien apprend que dès aujourd’hui, l’Agence française de développement et la Banque mondiale vont organiser une rencontre pour discuter des modalités de mettre en œuvre le système de transfert d’argent à travers l’opérateur Orange Money. Cela portera sur un montant d’environ 20 millions de dollars. Un autre test pour la crédibilité de l’Etat.