Au plus fort de la crise qui a frappé le Nord du Mali en 2012, la ville de Gao a été occupée par des mouvements djihadistes. En instaurant la Charia, ces mouvements ont fait subir des exactions aux populations locales. Pour se protéger, ces dernières vont se constituer en patrouilles nocturnes et s’opposer aux occupants. C’est à ces héros ordinaires de la résistance de Gao que le réalisateur malien, Kassim Sanogo, donne la parole dans son film «Gao, la résistance d’un peuple» en compétition au Festival du film africain de Louxor.
Au plus fort de la crise dans le Nord du Mali, la ville de Gao est tombée entre les mains des groupes djihadistes. Le Mouvement national de libération de l’Azawad (Mnla) et le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) ont occupé la ville pendant de longs mois. Des mois pendant lesquels les populations ont subi des exactions. Assassinats, viols, violences et interdiction de certains loisirs. «Il était interdit aux femmes de circuler dans la rue», raconte même une habitante de la ville. Les forces de défense maliennes ayant capitulé très vite, les populations sont livrées à elles-mêmes et s’organisent pour résister aux extrémistes. Sept ans après ces évènements tragiques, la blessure est encore vive. C’est ce que montre le film du réalisateur malien Kassim Sanogho. Gao, la résistance d’un peuple, est en compétition dans la catégorie long métrage documentaire au Festival du film africain de Louxor en Egypte.
Kassim Sanogho, qui est allé à la rencontre des personnes emblématiques de la résistance de Gao face aux djihadistes, livre en 54 minutes la radioscopie d’une situation qui est loin d’être dépassée. Dans les réminiscences des personnes interrogées par Kassim Sanogho, apparaissent fierté et défiance envers les autorités maliennes. Pourtant, les habitants de Gao n’ont pas désarmé face aux trois ou quatre troupes rebelles qui ont simultanément investi la ville. Très tôt, ils se sont organisés pour faire face. C’est ainsi que sont nés entre autres, les mouvements «Nous pas bouger» et celui des jeunes patriotes. Sans armes ni formations, ces jeunes se sont dressés devant les djihadistes pour, disent-ils, «sécuriser leurs familles».
Dans Gao occupée, la Charia s’impose très vite comme règle de vie. Et quand les extrémistes nourrissent le projet funeste de procéder à des amputations de membres sur des coupeurs de route, c’est toute la ville qui se dresse face à eux pour refuser d’être témoin de telles exactions. Parmi les personnes qui se sont dressées face aux djihadistes, des femmes. Gacho est l’une d’elles. Vendeuse au marché, elle s’engage dans les patrouilles des jeunes patriotes, ce qui lui vaudra de recevoir des coups de fouet et des violences sexuelles.
Dans le film de Kassim Sanogho, le point de vue est assumé. Il s’agit de donner la parole à ces héros ordinaires qui ont fait face aux djihadistes. Mais au fil des témoignages, on découvre des personnes encore traumatisées mais surtout des personnes sur la défensive qui martèlent régulièrement n’avoir jamais épousé les idées des djihadistes. En effet, au plus fort de la crise, deux mouvements, le Mnla et le Mujao, transforment la ville en un terrain d’affrontements. Exposées aux tirs du Mnla, les populations de Gao qui comptaient déjà trop de morts, se rangent derrière le Mujao pour bouter le Mnla hors de la ville. Cet épisode renforce les suspicions dont ils font l’objet depuis. Tout au long du film, les paroles recueillies par Kassim Sanogho sonnent comme un désir de justifier ce choix. Même le conseil des anciens, constitué des notables de la ville, martèle sa neutralité ou plutôt son parti-pris en faveur des populations civiles.
Aujourd’hui, Gao, la ville des Askia, est libérée de la présence des djihadistes. Mais la fracture entre le Nord et le Sud du pays est devenue une réalité. Le martyr de Gao a surtout réveillé une nouvelle conscience citoyenne. Après la libération, en revendiquant leur droit de siéger dans les instances décisionnelles de leur contrée, des jeunes de la ville sont encore tombés, cette fois sous les balles des policiers maliens. Leurs noms, inscrits sur une stèle au cœur de la ville, préservent la mémoire d’un combat dont les causes interpellent au premier chef les autorités politiques, coupables, selon certains, d’avoir abandonné le Nord à son sort.