Le jardin du Musée Theodore Monod a abrité il y a quelques jours, la projection du film italien sur le Festival mondial des arts négres de 1966. «Il festival di Dakar» du réalisateur Sergio Borelli, est l’un des rares reportages réalisés sur ce festival.Par Ousmane SOW

– Projeté pour la première fois au Sénégal, «Il festival di Dakar» a été réalisé pendant le premier Festival mondial des arts négres par Sergio Borelli, journaliste correspondant de la Rai, la télévision nationale italienne. Après sa diffusion en Italie, il n’avait jamais été vu au Sénégal. 55 ans après, il s’agit donc d’une première nationale depuis sa sortie en 1966. Le film a été présenté par le journaliste Baba Diop, vice-président de l’Association atelier MamiWata, en collaboration avec l’Institut culturel italien de Dakar, la direction de la Ciné­matographie, mais aussi avec le Musée de l’Ifan, en résonance avec le Projet de sauvegarde et de valorisation des archives audiovisuelles du Sénégal, dans lequel l’association s’est engagée depuis 2019. Il est 20h quand les projecteurs s’éteignent dans les jardins du Musée Theodore Monod. L’écran s’allume et le film, tant attendu par les spectateurs, s’intitule C’era una volta Il 66 (Il était une fois 66). Le film capte l’attention du public et un silence religieux s’installa im­mé­diatement. Après trois tours d’horloge d’attente, le public n’était pas prêt à supporter des couacs techniques liés au fait que le format de la vidéo de 50 minutes VO sous-titré en français, ne correspondait pas à l’écran de projection. Mais les choses se règlent très vite et Caterina Borelli, la fille du journaliste réalisateur, plonge le public au cœur du festival. «Borrelli, c’est la mémoire du temps. Il habite le monde. Il a su à travers ses œuvres, pas seulement conserver la mémoire du Festival mondial des arts nègres, mais il a parcouru le monde», affirme le journaliste et critique de cinéma, Baba Diop. «Serge Borrelli, un homme engagé, un socialiste d’abord et un homme de Gauche. Il a couvert les grands événements en commençant par la Révolution soviétique, la Révolution chinoise, le voyage à Paris et la guerre d’Algérie. Il est plein d’humanisme. C’est quelqu’un qui voulait conserver la mémoire du temps», témoigne Baba Diop. Il poursuit : «Ce documentaire nous plonge et nous immerge dans le festival, parce que rien n’a été laissé au hasard.»
Décédé en septembre dernier, à l’âge de 83 ans, Borelli, le journaliste correspondant de la Rai, rapporte dans son documentaire, les colloques, manifestations artistiques, danses, arts plastiques, le jazz…de ce premier festival culturel panafricain majeur du continent africain et de la diaspora. «Cela veut dire que le cinéma n’est pas simplement pure distraction, mais c’est une affaire de partage», a magnifié Baba Diop. Venu au Sénégal pour couvrir le premier Festival mondial des arts négres, il aurait pu faire un petit reportage mais il a tenu à faire un documentaire sur ce festival, en nous donnant toute la saveur et l’importance de ce festival  avec les grands noms comme Léo­pold Sédar Senghor, Aimé Césaire, Duke Ellington et Alioune Diop, l’esprit pensant de ce festival, a-t-il souligné. Pour sa part, Alessandra Pier­mattei, la directrice du Centre culturel italien, indique que ce documentaire est une page de l’histoire du Sénégal. «Je pense que la vision du journaliste italien a été très équilibrée. Il a donné une vision de cet événement majeur, qui est aussi une découverte des relations entre l’Italie et le Sénégal à travers le 7ème art», justifie-t-elle.

Une prise de conscience
Un film n’est pas seulement un divertissement. Ce documentaire pouvait servir comme une arme de prise de conscience, mais aussi de lutte contre toutes les injustices. Selon le Pr Maguèye Kassé, «ce film nous aurait apporté beaucoup plus de ce que nous avons appris pendant le Festival mondial des arts négres». Un film plein d’actualités sur les questions de culture, d’universalisme et celles contemporaines. A l’heure où une mondialisation envahissante tend à effacer la place et le rôle de l’Afrique et de sa culture dans le concert mondial, «je souhaite que ce film fasse encore plus de chemin, parce qu’il nous manque dans ce pays trop de mémoire», estime le Pr Kassé. En vertu de ça, Maguèye Kassé de rappeler que le film que l’Institut culturel italien vient de faire découvrir, s’ajoute aux deux autres films que nous connaissons, The First World Festival of Negro Arts et l’autre, c’est le film soviétique vu au Sénégal grâce à Bouna Ndiaye. Dans le même sens, Maguèye Kassé estime que ce film de Borelli va encore plus loin que ces deux documentaires qui sont «extraordinaires», dans le sens où ce film nous plonge au cœur même d’une autre réalité du Festival mondial des arts négres de 1966, avec la danse, qui a fait le tour du monde, dont on s’inspire encore dans ce monde moderne, surtout dans certaines situations où les gens ont plein de créativité.

Un documentaire magnifique qui ramène au jazz
Ce documentaire de Borelli ne fait pas dans la langue de bois. Il fait un clin d’œil à l’actualité que vivent la plupart des pays africains. «Sergio Borelli est un documentariste qui est engagé pour la cause africaine et qui n’hésite pas à dire des vérités aux Africains. Si les pays africains sont dans ce qu’ils sont, c’est parce qu’il y a des Africains qui ne veulent pas du tout s’occuper du sort de l’Afrique», raconte le professeur Kassé. Ce film projeté pour la première fois, ne laisse rien au hasard du Festival mondial des arts négres. «Il nous fait découvrir quelque chose qui est magnifique. C’est la statuaire africaine qui nous ramène aujourd’hui aux dé­bats contemporains sur la restitution des œuvres d’art africaines. Il nous ramène au jazz. Cette musique métisse, avec la présence de Duke Ellington, avec autant de brio, autant de participation, avec des gens qui ne n’étaient pas forcément ini­tiés au jazz», appuie-t-il. Ce film étant choisi pour ouvrir le cycle de projection des films italiens qui étaient en concours au Fman 1966, dont un qui avait reçu l’Antilope d’Argent, a plongé le public dans l’émotion et la joie.