Depuis ce lundi soir, la capitale du Nord vit au rythme du 10e Festival international du film documentaire de Saint-Louis. L’ouverture s’est déroulée dans une ambiance populaire propre au cinéma de plein air. Le film de Anjali Nayar et Hawa Essuma, «Silas», une enquête sur les exactions du clan de la Présidente Ellen Johnson Sirleaf dans la forêt libérienne, a été projeté.
Le 10e Festival international du film documentaire de Saint-Louis s’est ouvert ce lundi. Prévu jusqu’au 21 décembre prochain, le festival présente cette année une sélection de 31 films de 22 pays. Mais seulement, 7 longs métrages et 7 courts métrages seront dans la compétition officielle. Le lancement qui s’est déroulé à la Place Faidherbe de la vieille ville a comme toujours été marqué par le cachet populaire propre au cinéma de plein air.
Pendant cinq jours, les cinéphiles de la vieille ville pourront regarder des films sur le continent, souvent faits par des auteurs du continent. On y retrouvera ainsi le film de Jawad Rhalib, Au temps où les arabes dansaient, Boxing Libreville du Gabonais Amédée Pacôme Nkoulou, Fahavalo, Madagascar 1974 de Marie Clémentine Paes, Le loup d’or de Balolé de Chloé Aïcha Boro, Procès contre Mandela et les autres de Nicolas Champeaux et Gilles Porte, Poisson d’or, poisson africain de Thomas Grand et Moussa Diop et Silas de Hawa Essuman et Anjali Nayar. Ce film a d’ailleurs marqué les esprits durant cette soirée d’ouverture. En effet, Silas raconte le combat d’un homme contre un gouvernement corrompu. Celui de Ellen Johnson Sirleaf.
Après des années de guerre civile, la première femme à diriger un pays africain est accueillie comme un messie. Mais cet espoir ne fera pas long feu puisque sous le prétexte de développer le pays, la Présidente procède à l’attribution de plusieurs permis de coupe. Une autorisation pour les multinationales de décimer la forêt libérienne. Plus de la moitié de celle-ci, essentiellement des forêts communautaires, est livrée à ces sociétés qui exploitent le bois ou défrichent la forêt pour en faire des exploitations d’huile de palme.
Dépossédés de leurs terres, les villageois trouvent un soutien en la personne de Silas Siakor et son Ong. Grâce à une application mobile, il met en place un réseau de personnes chargées de dénoncer tous les actes de corruption, d’exploitation illicite dans les régions les plus reculées du pays. Très vite, il apparaît dans le film que c’est la Présidente Sirleaf elle-même qui dirige ce réseau mafieux au sommet de l’Etat. Des membres de sa famille et de son entourage proche sont, en fait, ceux qui tirent les ficelles de ce pillage en règle. L’arrivée de l’épidémie d’Ebola entre 2013 et 2016 ne fait que mettre en lumière ce système de prévarication des ressources du pays. Le système sanitaire, qui est un des plus faiblement financés au monde, ne peut suffire à faire face à l’épidémie. Pis, même les ressources débloquées par les pays occidentaux sont détournées par le clan de la Présidente. Sans concession, le film de Anjali Nayar et Hawa Essuman dénonce cette Afrique gouvernée par des gens qui, au moment de briguer le pouvoir, ne sont pas avares en promesses sur la bonne gouvernance, mais qui, une fois élus, révèlent leur vrai visage, celui de dirigeants corrompus, sans foi ni loi.
Ousmane William Mbaye, président du jury
Pour cette édition, c’est le réalisateur sénégalais Ousmane William Mbaye qui préside le jury composé, entre autres, de la réalisatrice Aïcha Thiam, de la directrice du Centre de recherche et de documentation de Saint-Louis (Crds) Fatima Fall, du réalisateur et musicien Alibeta et du critique de cinéma Bassirou Niang. «Le Festival de Saint-Louis est une plateforme de partage et de découverte d’œuvres peu ou trop rarement diffusées à la télévision de cinéastes africains», explique Sébastien Tendeng de Krysalide diffusion, l’association qui organise le festival dont le réalisateur italien Staphano Savona est l’invité d’honneur. Cette année encore, des projections sont prévues dans dix quartiers de la ville de Saint-Louis et à Gandiol, mais aussi dans les établissements scolaires de la ville. Depuis 2010, les organisateurs estiment à plus de 50 mille le nombre de spectateurs qui ont assisté aux projections.