C’est à Matam où le réalisateur avait tourné son film, qu’il est retourné le montrer. «Demba», le deuxième long métrage de Mamadou Dia, a été accueilli comme il se doit.Par Mame Woury THIOUBOU –

Un catwalk bien en place, l’étape photocall au milieu des ballons et des visuels, des spectateurs et quelques-unes des autorités administratives de la région. Le décor est planté pour le retour aux origines du deuxième long métrage de Mamadou Dia, Demba. Dans la cour du Centre culturel régional, la population de Matam s’est déplacée en masse pour découvrir cette œuvre qui a été élaborée dans la ville même. Ben Mahmoud Mbow, Abdoulaye Dicko, Aïcha Talla, Mamadou Sylla, les têtes d’affiche, sont bientôt rejoints par la vingtaine d’acteurs et de techniciens qui ont contribué à faire naître cette œuvre. «C’est grâce à eux que le film existe, et je remercie sincèrement toute la population de Matam», assure Mamadou Dia, le réalisateur. Loin des fortes émotions qui ont parcouru la première projection de Demba au Cinéma Pathé de Dakar, à Matam, ce sont les visages connus, les visages amis qui font frémir le public. Demba, le personnage principal, est interprété par Ben Mahmoud Mbow. Tout comme Aïcha Talla et Abdoulaye Dicko, il fait partie des figures du théâtre local. Et leur participation à cette œuvre est une aventure qu’ils ne risquent pas d’oublier. «Vous avez amené la ville de Matam dans de grandes salles dans le monde», salue Abdoulaye Dicko. Mais pour le réalisateur, c’est devenu un contrat tacite entre sa ville et les œuvres qu’il y tourne. «A chaque fois que nous avons tourné un film ici, nous avons tenu à ce que les populations de Matam soient les premières à le voir», poursuit le réalisateur. Après Bamum Nafi, Demba est la deuxième expérience au cinéma pour beaucoup de ces comédiens. «Bamum Nafi a été un grand succès. Aujourd’hui, ils sont encore revenus et ont eu confiance en nous, acteurs locaux, qui évoluons loin des grandes villes», salut Ben Mbow. Avant même la sortie en salle ce 6 décembre, les populations de Matam ont eu la primeur. «Il est important que la culture ou bien le cinéma soient décentralisés dans les régions. Parce que Demba aussi est un film qui a été tourné au Nord du Sénégal, avec un casting local et les populations de Matam. Pour nous, il est important que ces populations-là voient le film, et c’est ce qu’on est en train de faire», explique la distributrice du film Oumou Diégane Niang.

Un film sur le deuil
Demba est une plongée dans la vie d’un homme à quelques mois de la retraite. Presque deux années auparavant, son épouse, sa compagne de trois décennies, avait quitté ce monde à la suite d’une longue maladie. Incapable de surmonter cette perte, Demba doit aussi faire le deuil de son travail. En effet, l’état civil où il s’occupait de remplir les registres, est en cours de numérisation. Comme si cela ne suffisait pas, son lien avec son unique fils ne cesse de se détériorer.

Il plonge alors dans une dépression qui l’isole encore plus. Le deuxième long métrage du réalisateur sénégalais Mamadou Dia nous plonge dans les méandres de la maladie mentale, de la dépression et du deuil. Dans une société où il n’existe même pas de mot pour la nommer, comment y faire face ? Le cinéaste sénégalais puise, pour y répondre, dans son propre vécu.

Le souvenir de moments douloureux quand à 13 ans, il perd sa mère, l’isolement du Covid, des séances chez le psychologue pour conjurer la solitude, c’est le déclic pour que Mamadou Dia serve une œuvre à la fois poétique, énigmatique et puissante. Ici, le deuil qui frappe Demba le transforme en une personne colérique, capable de violences sur son fils. La rumeur publique ne tarde pas d’ailleurs à faire de lui un «fou», comme ce jeune homme dont la rencontre déclenche les ressorts de la guérison grâce à la communauté. Sur fond de musique salsa, rap ou folk, Demba arrive à toucher les spectateurs. Le film fonctionne comme une main tendue et une invitation à partager les expériences douloureuses du deuil et de la maladie mentale, dans une société où il n’y a pas de nom pour nommer la dépression.
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