Ce mardi, l’écran de la salle 4 du Cinéma Pathé a vibré au rythme des tam-tams. Ceux de Doudou Ndiaye Coumba Rose. Dix ans après sa disparition, son élève et fils adoptif, Jean-Marie Mallet, lui consacre un film documentaire.Par Mame Woury THIOUBOU – 

Dans la maison, le silence a remplacé le rythme du tam-tam. Les tambours sont désormais rangés dans une remise. Le destin fabuleux du Tambour major Doudou Ndiaye Coumba Rose s’est arrêté un 19 août 2015, à Dakar. Mais dans la mémoire de ses enfants et de ces milliers de personnes dont il a façonné la vie, il demeure vivant. Jean-Marie Mallet est un de ses fils spirituels. Un de ces nombreux élèves qui ont appris aux côtés du patriarche. Le film hommage qu’il consacre à ce maître érigé au rang de père, a été projeté en avant-première ce mardi au Cinéma Pathé, avant la sortie en salle ce vendredi. «Un film patrimonial», estime Sellou Diallo, enseignant de cinéma à l’Université de Saint-Louis, qui a accompagné le projet. A la fois retour aux sources et voyage sensoriel au cœur d’une aventure humaine, Sunu Yoon (Notre chemin) est bien plus qu’un simple portrait. Le film offre une œuvre de mémoire, à la fois hommage intime et archive vivante d’une tradition musicale dont l’écho continue de résonner bien au-delà des frontières du Sénégal. A travers des images d’archives, Jean-Marie Mallet dépeint une carrière internationale grandiose, qui a mené le Maître du tambour aux événements et scènes les plus emblématiques du monde. Un Festival de Cannes en 1989, les premières parties des Rolling Stones, une participation remarquée à la célébration du Bicentenaire de la Révolution française, des concerts au Japon, en Chine, à Tahiti ou au Festival mondial des arts nègres de Dakar, les souvenirs tissent le tableau d’une œuvre gigantesque qui a valu à l’homme d’être reconnu comme un trésor vivant par l’Unesco.
Tourné entre Dakar, les îles du Saloum et tous ces lieux emblématiques où le Maître a semé les graines de son art, le film prend le temps de l’écoute. Entre le parcours personnel du réalisateur qui a rejoint les rangs des élèves de Doudou Ndiaye Rose au début des années 90 et ses liens étroits avec la famille et les enfants auprès de qui il a appris la danse et le rythme, la camera de Jean-Marie Mallet témoigne d’un parcours inscrit dans les annales. Autant les talents de batteur que les qualités humaines de Doudou Ndiaye Rose sont exaltés dans ce film qui interroge également l’héritage du Maître. Une des singularités de ce parcours étant cette troupe des Rosettes, ces femmes batteuses de tam-tam qui, bousculant des traditions millénaires, ont imposé leur talent et renforcé la notoriété de Doudou Ndiaye Coumba Rose à travers le monde. Dans les intentions du réalisateur, transparait le désir de rendre hommage, mais surtout de faire connaître un parcours exceptionnel, et de le fixer dans la mémoire collective. «En 2014, au cours d’une conversation, j’ai dit à Papa Doudou qu’il avait un parcours de vie incroyable et qu’il faudrait que ça soit raconté. Il m’a répondu : «Fais-le.».» C’est le début d’un récit auprès de Mous­tapha, Kouna, Birame, les fils, des épouses et des batteurs de Doudou Ndiaye Rose. N’hési­tant pas à montrer ses propres talents de danseur et de batteur, Jean-Marie Mallet interroge la famille de Doudou Ndiaye Rose comme on ouvre un livre d’histoire. Et derrière le personnage charismatique, c’est toute une réflexion sur la place des traditions dans les sociétés contemporaines qui affleure.
A quelques mois de la célébration du 10e anniversaire de la mort de Doudou Ndiaye Rose, le film de Jean-Marie Mallet vient faire revivre une mémoire importante. Aujourd’­hui, son fils Birame Ndiaye accompagne les majorettes du Lycée Kennedy à chaque célébration de l’Indépendance, reformant ainsi le lien avec le père, biologique ou d’adoption.
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