Projet culturel : L’Espagne veut détrôner la Tour Eiffel avec son «Taureau géant»

Pour attirer les touristes, l’Académie espagnole de tauromachie propose la construction d’un «Toro de España» de 300 mètres de haut en métal. Le projet fait polémique.
Second pays le plus visité du monde derrière la France, l’Espagne semble chercher désespérément à atteindre la première marche du podium. Entre ses plages iconiques, ses îles festives, la Sagrada Familia ou le Parc Güell, l’offre touristique espagnole est aussi riche que variée. Pourtant, à la différence de la France avec la Tour Eiffel, des Etats-Unis avec la Statue de la Liberté ou de l’Angleterre avec Big Ben, la péninsule ibérique semble privée d’un monument emblématique qui incarnerait l’identité du pays. En réponse à cette problématique, l’Académie espagnole de tauromachie, créée en 2023 pour promouvoir la corrida, lance un projet d’envergure. La nouvelle attraction nationale sera un taureau de métal haut de 300 mètres, dont les cornes sont des belvédères et les pattes accueillent des magasins et même un parc à thème.
Face au refus de Madrid d’accueillir le projet dans l’immédiat, l’Académie espagnole de tauromachie a choisi de dévoiler publiquement son ambition de construire le Toro de España, espérant ainsi susciter l’intérêt d’autres municipalités. Désormais, l’attention se tourne vers plusieurs villes : certaines situées en Castille-et-León, au nord, d’autres en Castille-La Manche, au sud de la capitale, sont citées comme de potentielles candidates. L’académie, contactée par Le Figaro, évoque même la possibilité d’implanter le monument à El Molar, une petite ville de 10 000 habitants perchée sur les hauteurs de la Sierra Norte, à une quarantaine de kilomètres de Madrid, qui aurait déjà repéré un site adapté.
A la recherche d’un monument iconique
L’Académie admet qu’aucune estimation financière, ni étude technique ou environnementale, n’a encore été réalisée : tout dépendra des spécificités du terrain retenu. Cela n’empêche pas l’institution de préciser le plan financier envisagé. La construction serait assurée par des investisseurs privés, qui se rembourseraient ensuite grâce à la billetterie. Concernant la hauteur du monument, l’académie avance un argument stratégique : puisque la France attire davantage de touristes que l’Espagne, en grande partie, selon eux, grâce à la Tour Eiffel et à ses 312 mètres, il est impératif que le Toro de España rivalise en taille pour espérer combler cet écart d’attractivité. Toutefois, une interrogation demeure : la corrida, loin de rassembler aujourd’hui les Espagnols et les touristes, fait l’objet de vives critiques, notamment de la part du public et des associations de défense animale. Un monument à la gloire d’une tradition aussi controversée peut-il devenir le symbole d’une Espagne plus attractive ?
«Un cas de colossal «idiotisme»»
Cette réserve est partagée par certains observateurs, à l’image du critique d’art Fernando Castro Florez. Dans une interview donnée au Figaro, il souligne les obstacles techniques auxquels se heurtent habituellement les projets d’art public, rappelant que les autorités imposent souvent des restrictions de taille ou de sécurité. Mais c’est l’idée même d’un taureau géant qui le fait réagir : «C’est un cas de colossal «idiotisme», dans la définition classique de l’idiot comme celui qui se croit seul au monde», réagit-il. Surtout, il rappelle que le taureau n’est plus un emblème fédérateur : dans son propre pays, 77% de la population rejettent la corrida. «Si l’on veut vraiment créer une icône touristique, autant ériger une poêle à paella géante ou une carafe de sangria monumentale», ironise-t-il. (…)
LePoint