Si le code des communications électroniques est voté par l’Assemblée nationale, «on tend vers une surveillance de masse». C’est la conviction de Ndiaga Guèye, le président de l’Associa­tion des utilisateurs des Tic (Asutic). Qui, avec le réseau des blogueurs du Sénégal, demande l’amendement du dernier alinéa de l’article 27 dudit projet de code.

Ce n’est plus qu’une question de jours avant que le projet de code des communications électroniques ne soit voté à l’Assemblée nationale. Le conseil des ministres l’a déjà adopté le 6 juin passé. Le hic est «qu’on tend vers une surveillance de masse si ce projet est adopté». Pour l’ancien membre du collège de l’Artp, l’article 27 dudit projet ouvre une brèche aux opérateurs pour fausser la concurrence et à l’autorité de régulation de nous surveiller. «Avec l’article 27, les opérateurs et l’Artp peuvent décider de ce que les Sénégalais vont voir. Il y a 2 conséquences. Sur l’économie, on aura un internet à double vitesse. On va acheter un passe pour accéder et payer un autre tarif pour avoir un internet rapide. L’Artp et les opérateurs sont les nouveaux directeurs de publication d’internet au Sénégal. On tend doucement vers une surveillance de masse», a déclaré Ndiaga Guèye qui est aussi le président de l’association des utilisateurs des Tic (Asutic), au cours du Ndajé Tweetup tenu le samedi 20 octobre 2018 dernier, où il a été demandé l’amendement du dernier alinéa de l’article 27 dudit projet de code.
Ledit article 27 dit en son fameux dernier alinéa que «l’autorité de régulation peut autoriser ou imposer toute mesure de gestion du trafic qu’elle juge utile pour, notamment, préserver la concurrence dans le secteur des communications élec­tro­niques et veiller au traitement équitable des services similaires». Il sera possible de réduire la bande passante pour accéder à un service au profit d’un autre. L’autorité de régulation peut dire que le site X ne sera pas accessible demain, car il aura beaucoup de trafic et cela risque de ralentir internet. Une situation qu’explique ainsi le journaliste-blogueur Pape Ismaïla Dieng : «La gestion de trafic est différente de celle du contenu. Mais elles sont liées. Prenons l’exemple de la circulation automobile. Gérer ce trafic revient à prendre les décisions pour faciliter le déplacement. Une route à sens unique. Sur internet c’est le même principe. On libère certaines bandes au profit d’autres. On peut se dire que la vidéo bouffe beaucoup de bande, par conséquent on pourrait la lire difficilement. Pour des mesures de gestion du trafic, on peut dire : on va baisser la qualité. On ne pourra plus accéder à une vidéo qui gêne un camp politique. Cela impacte forcément le contenu. Les opérateurs peuvent réduire une bande d’un service concurrent. On ne peut pas décider sur la base d’une probabilité.»
Pour Manel Fall, le conseiller technique au ministère des Postes et télécommunications, venu «parler de la démocratisation de l’accès à internet», il n’est nullement question de gestion du contenu. «Le projet de code parle de la gestion du trafic», a expliqué Manel Fall. Qui estime que l’actuel code des télécommunications n’est pas adopté, c’est pourquoi le gouvernement veut réguler le secteur. En tout état de cause, le journaliste Ibrahima Lissa Faye préfère attirer l’attention sur la capacité à garantir la liberté d’expression. «Les gens sont assez libres. Ils abordent les sujets sensibles même si parfois ils se laissent aller. Le Sénégal a une longue tradition de liberté. Mais elle est menacée aujourd’hui par l’article 27 alinéas 2 et 3 du projet de code des télécommunications. Il donne la possibilité aux opérateurs de gérer le trafic sur internet. On a quitté une situation de liberté pour atterrir dans une incertitude. La transparence de la Prési­dentielle est menacée», a-t-il dit.
mgaye@lequotidien.sn