La réalisation de la Grande muraille verte dépend aussi de l’accès à l’eau dans une région désertique qui dispose néanmoins de ressources souterraines, qui doivent être exploitées.Par Bocar SAKHO

– «La gestion durable des cycles hydrologiques au cœur de l’accélération de la Grande muraille verte en Afrique : enjeux et solutions», a été hier un thème d’une session de haut niveau du 9e Forum de l’eau. C’est une préoccupation majeure dans un contexte de changement climatique, dans une région désertique où la ressource dépend souvent d’une pluviométrie aléatoire. Que faire ? Il faut intensifier la lutte contre la désertification et la dégradation des terres, la restauration et la gestion durable des terres. Mme Garama Saratou Rabiou Inoussa, ministre de l’Environ­nement et de la lutte contre la désertification du Niger, qui a participé à ce débat, connaît l’importance de ces questions dans son pays «enclavé et désertique». «J’insiste sur la gestion durable des eaux et des terres parce qu’avec les changements climatiques, les ressources se raréfient. C’est un plaidoyer que je fais pour qu’on mutualise les efforts pour la restauration des écosystèmes et la lutte contre la dégradation des terres», pose Mme Inoussa. Bien sûr, les initiatives existent pour essayer d’inverser les choses à l’image de la Grande muraille verte. «Les efforts faits sont insuffisants. La situation va continuer à aller de mal en pis comme l’a dit le Président Macky Sall si on ne trouve pas des solutions face aux changements climatiques», enchaîne la ministre nigérienne. Pour elle, il faut continuer à se batte pour la recherche à travers des mécanismes de mise à niveau et la mobilisation des fonds pour accélérer la restauration des écosystèmes. «Ces fonds dont on parle, qu’on nous promet et qu’on ne voit jamais», dit-elle, plongeant la salle dans l’hilarité générale. Car ils sont nécessaires pour optimiser le potentiel de la Grande muraille verte mais, il y a 232 millions d’ha de terres et écosystèmes dégradés à restaurer et aménager, selon l’analyse des profils biophysiques, biogéographiques et socioéconomiques faite par l’agence et la Fao. Si le projet s’inscrit dans une vision transformatrice du Sahel, le défi peut s’avérer titanesque dans une région où la saison sèche dure 8 à 9 mois. Que faire ? «La Grande muraille verte est un outil indispensable ; sa mise en œuvre de manière effective va renforcer le couvert végétal. Mais, il faut investir dans la production des eaux souterraines», plaide Mme Garama Saratou Rabiou Inoussa.
Dans des pays situés sur la bande sahélienne, la production d’eau souterraine est de plus en plus coûteuse pour la population en dépit des investissements consentis par les autorités politiques et les partenaires au développement. Or, l’exploitation de ce potentiel hydrologique, qui doit être destiné à la consommation et à l’irrigation, est nécessaire.
Aujourd’hui, il y a, note Guillaume Favreau, représentant de l’Institut de recherche pour le développement (Ird) au Niger, un gonflement des ressources souterraines, notamment en Mauritanie et au Niger, qui offrent des opportunités d’irrigation. En termes de reboisement avec des espèces comme les eucalyptus d’Aus­tralie et les acacias dont les racines sont profondes, elles le sont aussi. Sakhoudia Thiam, expert en gestion durable des ressources naturelles à l’Agence panafricaine de la Grande muraille verte, rappelle que la disponibilité en eau «est très faible malgré un potentiel en eau de surface et souterraine considérable».
Si le volume total des prélèvements est d’environ 60 milliards de m3/an correspondant à un taux moyen de prélèvements de l’ordre de 10% par rapport aux ressources en eau renouvelables, il faut savoir que près de 75% est destinée au secteur agricole, contre 25% environ pour les autres usages. Selon lui, il ne peut y avoir de développement sans la maîtrise de l’eau. «Elle constitue donc l’élément central de la mise en œuvre notamment pour faciliter la gestion durable des terres et le développement socio-économique», dit-il en soutenant que la création et l’équipement de forages d’eau et de puits pastoraux dans les terroirs Gmv ont amélioré l’accès des populations en eau, l’aménagement de terres dégradées. Ce qui concerne, à l’en croire, «l’aménagement et la réhabilitation de 32 millions de points d’accès à l’eau en retenues collinaires et ouvrages hydrauliques».
Par ailleurs, le projet, qui doit séquestrer 250 millions de tonnes de carbone, vise à l’horizon 2030, de créer 10 millions d’emplois verts grâce à des solutions agro-écologiques innovantes, grâce à l’optimisation de chaînes de valeurs agricoles. «Elle doit avoir un impact sur les populations et des sociétés avec l’accès à l’eau, la création d’une sécurité alimentaire, des emplois», conseille Giles Kleitz, directeur de la Transition écologique et ressources naturelles à l’Afd.
Promoteur de ce panel, le projet Ace Partner, fruit d’une collaboration institutionnelle entre la Banque mondiale et l’Association des universités africaines (Aua), l’Afd et l’Ird, a pour objectif de favoriser le rayonnement et la durabilité des réseaux thématiques entre les centres d’excellence africains (Cea), des acteurs-clés de l’enseignement et de la recherche d’excellence, mobilisés autour des problématiques nationales et régionales de développement.
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