Je vous propose de nous intéresser aux deux projets à titre comparatif et à la vente d’une partie de l’assiette foncière de l’hôpital pour financer la reconstruction.
Il y a d’un côté un ancien projet confié à un prestataire sénégalais et de l’autre, un nouveau projet qui est validé par les autorités, confié aux Espagnols.
Etudions les deux attentivement, surtout leurs modes de financement et leurs conséquences.
D’abord, le projet qui fait intervenir le prestataire sénégalais propose la reconstruction de l’hôpital sur fonds propres par le mécanisme du Bot.
Le «Build operate transfert» (Bot) est un contrat par lequel un investisseur privé s’engage à construire un équipement, puis à le faire fonctionner pendant un certain temps, pour, à l’issue de cette période, en transférer la propriété au cocontractant, qui est souvent une personne publique (Etat, région…).
En contrepartie, sa rémunération est issue des redevances qu’il facture aux usagers de l’infrastructure, pendant toute la durée contractuelle d’exploitation par l’investisseur privé.
Pour comprendre cela, c’est exactement ce qui s’est passé avec l’autoroute à péage et Eiffage. Cette dernière exploite l’infrastructure sur une trentaine d’années si je ne m’abuse, pour amortir son investissement. Dans le cas de figure de l’hôpital, le prestataire sénégalais qui, je le rappelle, ne justifie d’aucune expérience connue dans la construction d’un tel hôpital, finance le projet à hauteur de 90 milliards si mes souvenirs sont bons (information à vérifier), et il est payé sur une période déterminée par les recettes générées par l’infrastructure ou alors par nos impôts, pour amortir son investissement.
Si cela n’est pas une privatisation temporaire de l’hôpital qui ne dit pas son nom, qu’est-ce que c’est ?
Vous imaginez aisément que dans ces circonstances, l’accès aux soins de qualité de cet hôpital n’est absolument pas garanti à ceux qui n’ont pas les moyens et aux indigents : une vraie catastrophe en porte-à-faux avec la mission d’un hôpital public.
De la même façon que seuls les nantis ont la possibilité d’emprunter l’autoroute à péage, seuls les nantis pourront supporter le coût des prestations à l’hôpital. A la différence fondamentale que les usagers de la route ont une alternative consistant à prendre la Route nationale, alors que les usagers de l’hôpital n’auront aucune alternative. Quant au projet qui est validé par les autorités, son mode de financement annoncé comporte la vente d’une partie de l’assiette foncière de l’hôpital, qui servira à financer la reconstruction. Dans ces circonstances, l’accès aux soins est garanti à tout le monde sans discrimination. Il faut savoir que ce mode de financement n’a rien d’étrange ni de nouveau : ça se fait ailleurs, en particulier en France où j’exerce présentement, et je vous en donne un exemple. A Strasbourg, les hôpitaux universitaires de Strasbourg où j’ai exercé pendant une dizaine d’années, disposaient d’un grand hôpital situé en plein centre-ville, dénommé Hôpital civil ou Hospices civils de Strasbourg.
Celui-ci était à l’origine un hôpital pavillonnaire composé de 45 bâtiments répartis sur 23 hectares. Lorsqu’il a fallu reconstruire le Nouvel hôpital civil de Strasbourg, qui est le plus gros chantier hospitalier de France, sur une superficie de 9 hectares, avec un montant des financements prévisionnels s’élevant à 230 millions d’euros, il a été procédé à une vente d’une grande partie de l’assiette foncière, le reste étant conservé comme patrimoine historique, notamment la célèbre cave des hospices et la mythique grande pharmacie de l’hôpital. Comme vous le voyez, ce mécanisme de financement n’est pas une première exceptionnelle.
Maintenant, on peut déblatérer en long et en large sur l’opportunité ou non de la vente d’une partie du foncier de l’hôpital Le Dantec. Fallait-il trouver une autre source de financement ou pas, la transaction est-elle transparente ou nébuleuse ?, etc. Ces questions ne m’intéressent pas personnellement, je les laisse aux politiciens et aux organismes de contrôle de gestion des ressources du pays, etc.
Chacun est libre d’y apporter son grain de sel. En ma qualité de médecin spécialiste ayant travaillé dans les conditions désastreuses de l’hôpital A. Le Dantec et connaissant parfaitement les conditions d’exercice de mes confrères, je ne peux qu’approuver un tel projet, qui plus est, est annoncé clés en main au bout de 18 mois.
Je n’ai pour boussole que l’intérêt supérieur des malades et des populations sénégalaises, et cet intérêt est dans ce projet sur le plan médical qui est mon domaine de compétences.
Par ailleurs, la question de la démolition des services récemment reconstruits avec toutes leurs péripéties (en particulier la maternité au bout de tant d’années) montre encore une fois ce que j’ai toujours fustigé :
A savoir l’attitude qui consiste à faire cavalier seul, chaque service voulant se développer dans son coin tout seul en négociant le financement de sa reconstruction en marge du projet global d’établissement de la Cme (Commission médicale d’établissement) qui intègre tous les services dans une dynamique harmonieuse et cohérente.
Naturellement, ce projet validé à la présidence  de la République avec la Cme, n’agrée pas les cavaliers solitaires qui cherchent à le torpiller par tous les moyens à coup d’instrumentalisation (des syndicats et autres comités de défense des intérêts du personnel), de mauvaise volonté et de sabotage.
C’est ce qui explique qu’on veuille remettre en cause ce projet et imposer celui du prestataire sénégalais avec des prétextes fallacieux de slogans nationalistes du genre «préférence nationale» pour entretenir l’amalgame, la désinformation et la manipulation.
Qu’y a-t-il entre ce prestataire et les défenseurs de son projet ? Yalla réka kham. Maintenant, ce qu’on attend de mes confrères médecins en mettant à leur disposition un tel bijou comme outil de travail, c’est enfin de dispenser aux populations des soins de qualité accessibles à tous et la préservation de l’infrastructure. Pour cela, il va falloir faire preuve de professionnalisme et se débarrasser des tares que nous connaissons ; je n’entre pas dans les détails, on se connaît. Il faudra une réelle introspection dans ce sens. C’est cela qu’on attend. Les questions de foncier et les questions architecturales ainsi que la validation technique de l’infrastructure ne relèvent pas de nos compétences nous professionnels de santé, il faut arrêter ce cirque.
Maintenant vous savez !
Docteur Mansour DIOUF
Ancien élève de l’Ecole militaire de santé
Ancien interne des hôpitaux de ma promotion
Médecin anesthésiste réanimateur à Bordeaux