Puukare est le livre que le poète et écrivain Ceerno Séydu Sàll a publié en septembre dernier aux éditions Ejo. Entièrement écrit en wolof et sous forme poétique, cet ouvrage exprime en 114 pages un mal dont souffrent les Sénégalais : le m’as-tu-vu. Pour son auteur, le fait d’interpeller les consciences pourrait aider les Sénégalais à se soigner de ce mal.

Composé de 42 poèmes, 19 dans la première partie et 23 dans la seconde, le livre Puukare espère soigner les Sénégalais d’un mal profond qui les terrasse : le m’as-tu-vu et l’exhibitionnisme. Si l’on se fie à l’auteur Ceerno Séydu Sàll, l’exhibitionnisme est une maladie mentale purement sénégalaise. «Les Sénégalais aiment le m’as-tu vu ! Tu verras par exemple quelqu’un aller à la Mecque alors qu’il n’en a pas les moyens. Il veut simplement qu’on dise oui elle est Adja, oui il est El Hadj. On cherche des titres. Tu verras quelqu’un d’autre faire un baptême d’1 million de F Cfa alors qu’il n’a que 100 000 F Cfa en poche et se retrouve demain dans une détresse financière. C’est ridicule !», dénonce-t-il. Pour M. Sall, au Sénégal les gens ne vivent pas de leurs propres moyens. «Nous vivons de moyens exagérés. Nous aimons le puukare, le m’as-tu-vu, qui nous tue à petit feu… » A travers Puukare, il invite donc à «assumer qu’on a un pouvoir d’achat anémié».
L’auteur de Bouffées délirantes, L’envol du pélican, Délires du 3e millénaire, promène ainsi son regard dans la société à laquelle il tend un miroir afin qu’elle s’y mire, reconnaisse ses tares et défauts pour se soigner en conséquence. Comme l’écrit la préfacière du recueil, Ndeye Codou Fall, «Ceerno Séydu Sàll dafa tàllal askan wi seetu ngir mu janook xar-kanamam, xam moom mooy kan ci dëgg-dëgg, fattaliku ni lépp lu waay teg sa bopp, yëg metit wu tar, ni wôoy sama-ndey, war ngaa woolaat bu baax bala nga koy teg keneen».
Il est question tout au long de ces poèmes des folies sénégalaises, à savoir le Puukare : Lam bu diss, yax bu réy (l’orgueil du sang) Warugar (la somme qu’on donne à la mariée et qui aujourd’hui fait l’objet de surenchère indécente, Dëj (le deuil transformé en un lieu où tous les excès sont permis), le Xawaare, Aji Faatu, Ngistal… Dans ces poèmes, l’auteur étale le m’as-tu vu dans toute sa splendeur et n’hésite pas à l’occasion à se faire le juge des consciences.
Dans la seconde partie du livre intitulé Kër doff, il n’hésite pas à sermonner cette honteuse société dont il est membre. Celui qu’on appelle le poète errant ou poète fou, étale ici toute sa folie dans les vers, Dëgg, Fen, Bakku xaalis, Wanteer sa ngor, Mirass, Jaxal, Sama paa bi… A la lecture de ce poème qui clos ce livre de 114 pages, on se demande justement qui des deux est plus fou, entre le vieux qui cherche à tout prix à retrouver sa jeunesse et la jeune fille qui veut par tous les moyens lui soutirer de l’argent «Bayyileen kayitloo paa yi, dofuniu dé seen bopp Ngeen di nax». Ce dernier poème, ndenkaane, est révélateur de la saine folie de ce poète halpular qui aurait bien pu écrire un recueil en langue pulaar. «Je suis Halpulaar oui, mais je suis né à Khombole. J’ai grandi à Thiès Diakka, le wolof a été la langue de mon enfance. Il s’agit là d’un déménagement linguistique.»
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