Il est des propos qui, sous leurs airs d’opinions anodines, révèlent des réflexes profondément enracinés : le mépris de classe, la condescendance politique et le refus d’admettre que la cohérence idéologique puisse l’emporter sur le tapage médiatique. C’est précisément ce que l’on retrouve dans la sortie de Georges Nesta Diop, affirmant sans sourciller que Samba Sy, le prolongement naturel de Amath Dansokho, ne peut pas diriger le Fdr. Une phrase lâchée avec le ton du sachant, mais chargée de cette morgue caractéristique de ceux qui jugent sans connaître, qui commentent sans comprendre et qui mesurent la valeur d’un parti à la longueur de son cortège électoral.

Car derrière cette réaction, il y a un fond : c’est l’ignorance. Probablement, dans la petite géographie mentale de Georges Nesta Diop, le Pit n’a jamais dépassé le statut de «petit parti», trop doctrinaire, trop rigoureux, trop constant. Il le voit sans doute comme un résidu idéologique du passé, incapable, selon lui, de peser dans le nouveau jeu politique. Or, c’est là que son erreur devient abyssale. Depuis 1982, le Parti de l’indépendance et du travail a défini, structuré, inspiré et balisé les lignes de l’organisation politique de la Gauche sénégalaise. C’est le Pit qui a forgé le socle du pluralisme idéologique moderne du pays, en y introduisant la notion de parti de classe et la politique de large rassemblement. Le Pit n’a jamais été un parti de masse, parce qu’il n’a jamais cherché à séduire les foules, mais à éduquer la conscience politique. «On ne le compte pas, on le pèse», aimait dire notre feu camarade Amath Dansokho. Et ce poids-là, même ses adversaires les plus acharnés, du Ps à Pastef, savent qu’il est réel, durable, enraciné dans l’histoire.

Que Georges Nesta Diop l’oublie ou l’ignore, c’est déjà une faute intellectuelle. Mais qu’il ose disqualifier Samba Sy, c’est une faute morale. Car Samba Sy n’est pas un opportuniste parachuté par conjoncture ; il est le fruit d’un long compagnonnage politique, d’une fidélité inébranlable à la ligne du parti, d’un engagement constant à la défense du monde du travail. Ceux qui connaissent un tant soit peu le Pit savent que la succession de l’agrégé en mathématiques, nous voulons nommer le feu camarade Magatte Thiam, ne pouvait pas se faire autrement que dans la continuité, la loyauté et la rigueur doctrinale. Dire que Samba Sy n’incarne pas cet héritage, c’est méconnaître à la fois l’homme et le Pit, c’est piétiner des qualificatifs comme mesuré, structuré, pondéré, sérieux, respecté, respectable, travailleur, présidentiable, philosophe au sens premier du terme, une mémoire et un combat. Nous le disons pour deux raisons fondamentales, parce qu’il a été notre professeur de philosophie et de plus notre camarade et Secrétaire général de notre parti.

Mais il faut comprendre la logique de Nesta. Elle est celle d’une certaine bourgeoisie intellectuelle sénégalaise qui, fascinée par le pouvoir du moment, oublie que la politique n’est pas un jeu d’équilibres, mais une affaire de conviction. Il parle du Fdr et de la Gauche sénégalaise comme d’un marché, où l’on vend et rachète les appartenances au gré des saisons. Or le Pit, c’est tout le contraire. C’est un parti de classe, construit sur une ligne claire, où la fidélité au peuple notamment travailleur prime sur toutes les alliances circonstancielles. Et c’est justement cette constance que Georges Nesta Diop ne supporte pas.
Dans son discours, on retrouve la vieille rengaine des analystes presses, c’est-à-dire que le Pit ne ferait pas le poids. Il serait trop petit, trop discret, trop vieux. Mais qu’a-t-il donc compris de l’histoire politique de ce pays ? Le Pit, depuis ses origines, a pesé dans les grands tournants nationaux.

Dansokho a été de tous les combats contre la confiscation du pouvoir, contre la corruption, pour la défense des travailleurs et de la démocratie. C’est le Pit qui, à travers ses cadres et ses alliances, a contribué à la consolidation du pluralisme politique dans les années 1980 et 1990. C’est le Pit qui a introduit dans le débat public, l’exigence d’une lecture de classe des enjeux nationaux. Et c’est encore le Pit qui, sous Samba Sy, continue de rappeler que gouverner ne doit jamais signifier renoncer à ses principes.

Que Nesta l’accepte ou non, le Pit ne s’est jamais tu, même quand la plupart des partis dits «grands» se sont couchés. Souvenez-vous de la fameuse journée du dialogue à Diamniadio, lors de la prise de parole du camarade Secrétaire général Samba Sy. Quand la mode était à l’opposition permanente, le Pit a choisi la participation critique. Quand la mode est devenue la critique systématique, il a rappelé la nécessité de la responsabilité. Ce n’est pas un parti de slogans, c’est un parti d’action réfléchie. Et c’est ce que les esprits superficiels ne peuvent pas comprendre.

Ce qui irrite Georges Nesta Diop, c’est peut-être aussi la stature morale de Samba Sy. Ce dernier n’a pas besoin de fracas pour exister. Il incarne une tradition d’humilité militante, héritée de Amath Dansokho, ce monument de la Gauche sénégalaise dont la parole, même à voix basse, résonnait plus fort que tous les vacarmes opportunistes.

Samba Sy n’a pas cherché le pouvoir pour lui-même, il s’est imposé par la constance et le travail. Son engagement syndical, sa capacité à écouter, son enracinement dans le monde du travail font de lui un prolongement naturel de Dansokho, non pas par héritage de titre, mais par filiation morale et idéologique.

Nesta, lui, ne voit que des rapports de force. Il croit que diriger, c’est dominer ; il ne comprend pas que dans le Pit, diriger, c’est servir. Il ignore cette culture de la collégialité, de la réflexion collective, du débat interne rigoureux qui fait la noblesse de ce parti. Il s’imagine que le Pit fonctionne comme un club politique, alors que c’est une école de pensée. Et c’est précisément pour cela que ceux qui, comme lui, ne comprennent pas le fondement marxiste-léniniste et humaniste du parti, le jugent avec les yeux du populisme contemporain.

Mais le plus grave, c’est que ce genre de propos contribue à affaiblir la culture politique nationale. Car à force de répéter que tel ou tel parti est «petit», on finit par réduire la politique à une compétition d’arithmétique électorale. Or, un pays ne se construit pas sur les foules, mais sur les idées. Ce ne sont pas les masses qui donnent la direction, ce sont les consciences éclairées. Et dans ce registre, le Pit, malgré sa taille apparente, pèse plus lourd que bien des mastodontes politiques. Sa constance, sa rigueur, son refus du clientélisme en font un repère moral dans un paysage politique souvent livré à la démagogie et à l’improvisation.

Ce n’est donc pas le Pit qui doit se justifier, mais bien Georges Nesta Diop qui doit s’expliquer : pourquoi cette attaque ? Pourquoi ce mépris ? Pourquoi cette volonté de réduire une lignée historique à un simple fait divers ? Il ne peut pas dire qu’il ne sait pas. Il ne peut pas dire qu’il ignore la trajectoire du parti. Alors, faut-il croire que c’est le poids du Pit dans le débat d’idées qui l’agace ? Faut-il penser que voir Samba Sy, un philosophe confirmé, un syndicaliste, un militant formé à l’école du peuple, incarner la continuité de Amath Dansokho, bouscule une certaine hiérarchie intellectuelle ? Peut-être. Peut-être que le fond du problème est là : le Pit n’a jamais eu besoin de s’incliner devant les notables.
Les propos de Georges Nesta Diop ne sont donc pas anodins. Ils traduisent un rejet viscéral d’une tradition de Gauche qui refuse la compromission. Mais cette attaque ne fragilise pas le Pit. Au contraire, elle le révèle. Car si un journaliste aussi bavard se donne la peine de le viser, c’est que le parti continue d’exister là où ça compte : dans le débat idéologique, dans la conscience nationale, dans la fidélité à la vérité sociale.

Il faut d’ailleurs rappeler que sous la direction de Samba Sy, le Pit a gardé sa cohérence, sa discipline et son indépendance. Il n’a jamais succombé aux tentations du suivisme politique. Il continue de parler de justice sociale, de souveraineté économique, de dignité nationale, des valeurs qui, aujourd’hui encore, tracent la ligne de démarcation entre la politique spectacle et la politique de conviction. Ceux qui, comme Nesta, pensent que le Pit doit se dissoudre dans le bruit des coalitions, ne comprennent pas que sa force réside justement dans son autonomie intellectuelle.

Il est facile de railler les petits quand on confond grandeur et nombre. Mais les «petits» qui ont façonné l’histoire de ce pays ne sont pas ceux que l’on a entendus le plus fort. C’est à travers eux que s’est forgé le Sénégal politique. Et dans cette histoire, le Pit, depuis 1982, occupe une place centrale. Ses cadres ont formé des générations entières de militants, de syndicalistes, d’intellectuels engagés. Il a donné à la politique sénégalaise ce que peu de partis ont su offrir : la cohérence d’une vision.

Alors, à Georges Nesta Diop et à tous ceux qui pensent que le Pit appartient au passé, il faut répondre avec fermeté : le Pit n’est pas un vestige, c’est une conscience. Ce parti n’a jamais été dans la course à la popularité ; il est dans la constance. Il n’a jamais été dans la compromission ; il est dans la fidélité. Il n’a jamais été dans le bavardage ; il est dans l’action. Le Pit, c’est le parti de ceux qui construisent quand d’autres commentent.

Georges Nesta Diop peut bien parler et ironiser. Il peut croire que ses mots effaceront plus de quarante ans de militantisme, d’engagement, de lutte. Il peut tenter de ridiculiser Samba Sy, mais il ne pourra jamais effacer ce que ce dernier représente : le fil rouge de la Gauche sénégalaise, l’esprit de Amath Dansokho, la fidélité à une idée. Le reste, ce ne sont que des bruits. Et l’histoire, elle, sait toujours reconnaître ceux qui ont parlé pour le Peuple, et ceux qui ont simplement parlé d’eux-mêmes.

Amadou MBENGUE
Secrétaire général de la Coordination départementale de Rufisque
Membre du Comité Central et du Bureau Politique du Pit/Sénégal